Rodrigue, "El Cid", cherche à concilier amour et honneur : alors qu'il doit mener le combat contre les Maures qui envahissent l'Espagne, il tue en duel le père de Chimène, son grand amour.
Anthony Mann par son parcours est un pur produit et symbole de l’Age d’Or Hollywoodien. Des débuts au bas de l’échelle qui le voit à peu à peu prendre de l’importance dans les studios où il passe notamment lorsqu’il fut chargé par David O. Selznick de superviser les essais des acteurs sur Rebecca et Autant en emporte le vent. Après avoir été l’assistant de Preston Sturges son savoir-faire le conduit tout naturellement à la série B où il délivrera quelques belles réussites comme La Brigade du Suicide ou Marché de Brutes avant qu’il ne s’affirme à l’orée des années 50 en grand maîtres du western. Le classicisme de sa mise en scène associé à la constante ambiguïté entourant ses héros donnera quelques chefs d’œuvres absolus du genre (Les Affameurs, Winchester 73, L’Homme de L’Ouest…) où la simplicité des intrigues révèle toujours des problématiques complexe.
Cette ascension conduisit Mann en fin de carrière à accéder à des superproductions prestigieuses dont Le Cid et La Chute de l’Empire Romain. Ce n’était pas totalement une nouveauté pour Mann qui dirigea les séquences de l’incendie de Rome dans le Quo Vadis de Mervyn Leroy et fut bien sûr limogé en cours de tournage de Spartacus au profit de Stanley Kubrick. Mann s’avère au sommet de son art dans ses deux œuvres qui signent en quelque sorte son testament cinématographique puisqu’il décèdera brutalement durant le tournage de Maldonne pour un espion et que l’inégal Les Héros de Télémark (où pas rancunier il retrouvait Kirk Douglas) sera son dernier film. Le Cid, par sa stature monumentale et la richesse des thèmes proposés souffre malgré tout d’un aspect empesé et de quelques longueurs balayées par sa puissance épique, romanesque et son interprétation exceptionnelle (Charlton Heston jamais aussi à l’aise que dans ses figures historiques hiératiques).
Le Cid propose un subtil croisement de la pièce de Corneille (tout le chassé-croisé amoureux et les évènements tragique séparant Rodrigue et Chimène), du film historique et de la nature légendaire acquise par la figure du Cid à travers les siècles. C’est en somme la grande problématique du héros qui est résumé par ses trois facettes. Le simple homme qu’il aspire à être dans les bras de sa bien-aimée Chimène (Sophia Loren admirable) ne peut s’épanouir dans une Espagne à feux et à sang entre guerres intestines et la menace d’une invasion maure imminente. Face à ce chaos sa droiture d’esprit, sa noblesse et son sens de la justice en font le seul rempart pour l’Espagne. Anthony Mann donne constamment dans sa mise en scène une hauteur grandiose qui rend inéluctable la destinée héroïque du Cid.
La scène d’ouverture le fait apparaître d’emblée tel un messie. Dans une ville décimée par les maures, un prêtre prie devant une statue du Christ l’arrivée d’un sauveur ce qui signale la première apparition dans un coin de l’écran du Cid qui se confond avec l’icône religieuse avant même que l’on ait vu son visage. Une autre séquence montrant une rencontre entre Rodrigo et Chimène est également filmée de haut en longue focale, comme pour marquer l’insignifiance de leur désir face au destin en marche.
Dans ce monde où les monarques faillissent par faiblesse et par ambition, où les conflits religieux divisent le peuple espagnols, le Cid s’avère le seul point d’équilibre apte à rallier tout le monde. Mann n’a de cesse alors de le magnifier dans son héroïsme plus grand que nature. La joute des champions pour une terre que leurs souverains se disputent offre un affrontement d’une terrible brutalité et plus tard un sauvetage à un contre dix montrera que Rodrigue a déjà dépassé le statut de simple être humain.
C’est pourtant bien la dernière scène flamboyante qui entérine ce fait. Blessé et mourant, le Cid sait que sa seule présence peut galvaniser ses troupes et se lance à bout de force, harnaché à son cheval dans un ultime assaut. L’homme et le mythe se confondent enfin dans cet ultime galop vers l’éternité par cette chanson de geste héroïque époustouflante, porté par la partition céleste de Miklos Rosza. Après avoir interprété ce chevalier parfait (celui du mythe et pas du vrai Cid plus ambigu) Heston en incarnera un autrement plus trouble dans le crépusculaire Le Seigneur de La Guerre quelques années plus tard.
Réédités récemment dans de belles éditions zone 2 française, mais pour la vraie édition monumentale et fournie en bonus mieux vaut se tourner vers le zone 1. La Chute de l'Empire Romain est disponible également sous ces deux formes.
ça, c'est typiquement le type de film qui ne supporte pas le visionnage sur un écran petit ou moyen (DVD) Je me souviens de l'avoir vu, ado, au Kinopanorama (disparu depuis, hélas) à l'écran géant et courbe. Le film était montré en deux fois, avec l'entracte de rigueur. C'était géant, dans tous les sens du terme.
RépondreSupprimerHeston est magnifique là-dedans, plus que dans Ben Hur (malgré la course de chars...) et toutes les scènes "intimistes" superbement jouées. Mention spéciale à Geneviève Page qui campe une vénéneuse princesse, plus qu'à la Chimène de Sophia Loren, trop bien coiffée pour être réellement émouvante (exception faite pour sa "nuit de noces" reportée).
Quel rôle la musique, les décors, les costumes jouent-ils dans le film?
RépondreSupprimerretour sur les lieux de tournages en Espagne (2014) sur mon blog..http://lieuxdetournages.over-blog.com/2014/04/el-cid-anthony-mann-1961.html
RépondreSupprimerSuperbe photos, ça n'a pas trop changé en plus on identifie toujours très bien les lieux pas de station service ou de supermarché hideux à l'horizon !
RépondreSupprimerVous écrivez : "... et se lance à bout de force, harnaché à son cheval dans un ultime assaut." Erreur ! il est DÉJÀ mort, ce qui est encore plus impressionnant.
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