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dimanche 9 octobre 2011

Madeleine - David Lean (1950)

Madeleine Smith, jeune fille de bonne famille, entretient une liaison secrète avec Emile L’Anglier, immigré français et simple employé de bureau. Comme son père la destine à M. Minnoch, un homme de bonne naissance, Madeleine Smith ne se résout pas à présenter L’Anglier à ses parents. Face à l’insistance du jeune homme à être introduit au sein de la famille Smith, Madeleine préfère rompre et se fiance selon la volonté de son père. Possédant des lettres enflammées de Madeleine, Emile L’Anglier exerce bientôt un chantage auprès de la jeune fille.

Après l'échec commercial de son pourtant très beau Les Amants Passionnés, David Lean allait connaître une déconvenue plus grande encore avec ce Madeleine assez mineur (et qu'il considérait comme son plus mauvais film) mais pas inintéressant. Le film le voit revenir à l'intrigue en costume avec cette transposition d'un fait divers qui fit grand bruit dans l'Ecosse du XIXe, le procès de Madeleine Smith jeune fille de bonne famille accusée d'avoir assassiné à l'arsenic un amant roturier trop pressant. Lean adapte en fait une pièce de théâtre inspirée des évènements dans laquelle jouait Anne Todd et qui devenue l'épouse du réalisateur entre temps lui propose (ce sera une forme de cadeau de mariage) de mettre en scène l'histoire pour le cinéma.

Le principal problème du film est le manque de liant entre les différentes directions que prend le récit, tour à tour romance en costumes, film de mœurs tandis que la dernière partie bascule dans le film de procès. Prise individuellement chacune de ses parties n'est pas dénuée d'intérêt mais l'ensemble à bien du mal à former un tout captivant jusqu'au bout. C'est le tout début du film qui enchante réellement lorsque Lean laisse échapper son goût pour les ambiances romantiques teintées d'ombre.

On pense beaucoup à une sorte de brouillon de La Fille de Ryan (sans le cadre politique) par certaines similitudes : ici Madeleine (Ann Todd) est donc une jeune fille engoncée dans un milieu bourgeois codifié dont elle pense qu'il rejettera l'élu de son cœur, un modeste travailleur français Emile L’Anglier. Cet amour interdit occasionne donc de bien belles séquences lors des rencontres nocturnes secrètes chuchotées des deux amants, et surtout une en campagne ou le montage alterné en un bal populaire de village et les étreintes du couple en forêt exprime une touche sexuelle inattendue de la part de Lean encore timide de ce côté-là.

A nouveau on pensera à une ébauche de la magnifique et longue scène d'amour en pleine nature de La Fille de Ryan. Cet aspect sexuel sous-entend une thématique de la soumission courant à travers les rapports de Madeleine avec les figures masculines du film. Il y a Emile (Ivan Desny) bien sûr qui même rejeté parvient à faire céder à lui Madeleine lors d'une scène d'un érotisme troublant, et qui passera de l'amoureux transi à l'amant pressant et finalement intéressé.

On trouve ensuite la figure du père autoritaire et intimidante incarné par Leslie Banks et dont Madeleine guette chaque réaction avec appréhension. Le moins ménagé par les évènements sera finalement le plus recommandable William Minnoch (Norman Wooland) prétendant doux, prévenant et attentionné, sans doute trop quand Madeleine ne semble céder malgré elle qu'aux hommes qui la malmènent.

Tous les moments du film dans cette veine trouble sont souvent passionnant notamment par le jeu ambigu de Ann Todd (victime ou manipulatrice ?) jamais aussi à l'aise que dans ce type de personnages torturé et contradictoire. La reconstitution est somptueuse et Lean par une mise en scène ample et élégante la met bien en valeur tout en exprimant par l'image les zones d'ombres du récit.

Malgré l'astuce du scénario qui nous laisse jusqu'au bout dans un entre deux indécis quant à la culpabilité de Madeleine, la partie criminelle déçoit et le procès final tout en joutes verbales (même si Lean essaie de dynamiser le tout en insérant les témoignages à contretemps durant les plaidoiries) s'avèrent assez interminables. Dans une veine proche, le Madame Bovary de Minnelli est bien plus réussi dans cette même tradition de la grande héroïne tragique d'inspiration littéraire XIXe trahie par ses désirs. Un petit Lean donc mais certainement pas un mauvais film.

  Disponible en dvd zone 2 français chez Carlotta
 
Extrait des premières minutes

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