Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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jeudi 31 octobre 2013

Le Gaucher - The Left Handed Gun, Arthur Penn (1958)


Un riche fermier adopte un jeune orphelin, William Bonney, surnommé Billy le Kid. Mais peu de temps après, lors d'une attaque, le fermier est assassiné par quatre hommes. Dès lors, Billy jure de venger son père adoptif et abat deux des malfaiteurs. Son ami, Pat Garrett, tente de le dissuader d'assouvir sa soif de vengeance, mais Billy tient à retrouver les deux autres responsables...

Parmi les plus fameuses visions à l'écran de Billy the Kid, Le Gaucher est le premier film d'Arthur Penn qui exprime d'emblée ici sa singularité et notamment celle qui aura cours dans ses deux autres incursions dans le western avec le picaresque Little Big Man (1970) et l'inclassable et très poussif Missouri Breaks (1976). Pour situer par rapport à d'autres transposition célèbres, on peut situer le ton de The Left Handed Gun entre le côté amusé du Banni (1941) d'Howard Hughes (qui privilégie dans un ton de comédie le côté sale gosse immature du Kid) et le plus crépusculaire Pat Garrett et Billy le Kid (1973) de Sam Peckinpah dont la vision crépusculaire démystifie la légende.

Le scénario de Gore Vidal fait ainsi de Billy un adolescent immature et psychotique. Sa folie et violence ne semble pouvoir s'apaiser que sous l'aile de pères de substitution mais la tournure des évènements et son caractère imprévisible rendront toute rédemption impossible. On a ainsi au départ un jeune homme paumé et illettré qui semble pouvoir s'assagir grâce à l'attention que lui porte l'éleveur Tunstall (Colin Keith-Johnston) qui sera assassiné. Sa quête de vengeance et fuite en avant le placera sous la bienveillance de Pat Garret (John Dehner) mais aussi de son ami mexicain Saval (Martin Garralaga) mais son caractère autodestructeur lui aliènera ses deux mentors dans un terrible crescendo dramatique.

Penn l'illustre tout d'abord en soulignant la nature enfantine de Billy, incompatible avec le climat de violence de l'Ouest. Cela fonctionne par jeu et donne quelques amusants moments de comédie (l'humiliation des soldats) où il fait figure de garnement rigolard et adepte de la farce accompagné de ses deux acolytes. Mais c'est surtout le côté irréfléchi et impulsif qui souligne cette immaturité où chaque initiative de Billy à des conséquences désastreuses pour lui et son entourage, que ce soit ce premier assassinat qui en fait définitivement un hors-la-loi ou plus tard quand ses provocations lui font perdre la possibilité d'une amnistie.

Le point le plus captivant reste cependant l'expression à l'écran d'une forme d'addiction à la violence. Le jeu tout en tics marqués et le phrasé hésitant de Paul Newman (remplaçant un James Dean décédé et qui en bon adepte de la Méthode aurait été tout aussi excessif) est donc particulièrement judicieux pour figurer ce junkie qui ne dit pas son nom. Il faut voir son expression exaltée lorsqu'il est provoqué par un agent du gouvernement, savourant l'audace comme un drogué privé de sa dose depuis trop longtemps.

Lorsqu'il ira menacer un des tueurs de Tunstall, son regard dilaté et sa gestuelle anxieuse trahissent à nouveau l'impatience du prochain shoot d'adrénaline et fait beaucoup penser au jeu de Gian Maria Volonté dans Et pour quelques dollars de plus (1966) notamment le duel dans l'église où l'acteur semble également vivre cette tension comme un trip (le scénario de Leone sans l'exprimer dans le film faisait d'ailleurs du personnage un drogué). Paul Newman traverse ainsi tout le film dans un voile inconscient et lointain où il trahit et déçoit tous ceux qui l'aiment. Le réveil n'arrivera que trop tard et le Kid ne saura trouver sa rédemption que dans le sang et les larmes. Parallèlement on aura eu tout du long une réflexion sur la célébrité où se dessine pour le Kid une légende bien éloignée de l'être torturé que l'on accompagne à l'écran.

Visuellement Arthur Penn exprime parfaitement ces thématiques avec une violence qui surgit également comme dans un cauchemar brutal. On pense notamment au premier meurtre de Billy qui se concrétise dans un fondu enchaîné sur la vitre où il a dessiné le plan d'action. De même l'expression grotesque du shérif assassiné le visage collé contre une vitre encore fonctionne aussi sur cette même idée. Une vraie date et des débuts tonitruant pour Arthur Penn.


Sorti en dvd zone 2 français chez Warner
 

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