Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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dimanche 6 septembre 2015

Nous voulons les colonels - Vogliamo i colonelli, Mario Monicelli (1973)

En ces années post-68, le député Tritoni veut profiter de la peur suscitée par les gauchistes pour fomenter un coup d'Etat. Il réunit quelques militaires, fascistes retraités, pour former son état-major. Le plan est minutieusement préparé. Le jour J, rien ne fonctionne comme prévu.

L'Italie des années 60/70 vit au rythme des soubresauts des "Années de plomb", périodes de troubles politiques dont le cinéma su s'emparer autant dans de vrais brûlots que dans la comédie. Le film de Mario Monicelli s'inscrit bien évidemment dans la seconde catégorie et constitue une farce noire parmi les plus virulente et lucide de l'époque. Si le postulat de ce coup d'état imaginaire semble improbable, le pays subit pourtant pas moins de quatre tentatives entre 1964 et 1974 qui nourrissent l'inspiration du film notamment le troisième de 1973 orchestré par le leader d'extrême droite et ancien fasciste Valerio Borghese. Monicelli aura sans doute grandement puisé le personnage d'Ugo Tognazzi avec ce sinistre personnage en tête mais le film (le titre y étant une allusion explicite) puise aussi du pouvoir militaire grec appelé la Grèce des colonels qui sévira de 1967 à 1973 - et dont les personnages du films veulent s'inspirer.

Les meilleurs films de Monicelli auront souvent été des récits d'errance et d'échecs, parfois sans but et désespéré (Larmes de joie (1960)) ou décrivant l'effondrement d'une entreprise comme dans le classique Le Pigeon (1958). Monicelli signe d'ailleurs une sorte de remake masqué du Pigeon dont il réajuste le ton, le contexte et les problématiques à cette époque plus agitée tout en en reprenant grandement la construction. A l'Italie encore frappée de pauvreté des années 50 où de malheureux bougres échouaient à mener à bien un hold-up minable répond celle contemporaine où politiques et militaires d'extrême droite vont tenter de mener un putsch dans ce régime démocratique qu'ils souhaitent ramener à plus d'autorité. La qualité de Nous voulons les colonels est aussi sont plus grand défaut.

Les losers magnifiques de Monicelli restent malgré leurs travers particulièrement touchant dans leurs échecs car servant toujours une cause à laquelle le spectateur pouvait s'identifier (égailler son quotidien sinistre dans Mes chers amis (1975), survivre au front dans La Grande Guerre (1959), mettre du piment à sa libido dans Casanova 70 (1965)). On ne pourra espérer la réussite pour la joyeuse galerie d'extrémistes en tout genre que l'on verra défiler ici. Ugo Tognazzi est survolté en politique délicieusement réac et machiste et la première partie du film préparant le putsch permet d'introduire ses sinistres acolytes. Monicelli conjugue travers et nostalgie d'un passé douteux (les putschistes oscillant entre ancien fascistes nostalgique de Mussolini dont ils reprennent tous le culte de la virilité ridicule) cupidité du présent (l'industriel Steiner suivant la cause la plus profitable à ses profits) et une modernité associé à la libération des mœurs prenant un virage monstrueux avec la fille de militaire nymphomane Marcella (Carla Tatò).

Homme d'église, d'affaire et politiques sont passés au vitriol sans distinction dans ce jeu de massacre, Monicelli adoptant un style reportage à la narration alerte et pleine d'invention (les détails de la biographie d'un des putschistes venant s'insérer à son introduction dans des moments jubilatoire de ridicule et d'ironie). Une deuxième vision sera nécessaire pour savourer tous les détails placés par Monicelli, entre les sobriquets ridicules (l'agente des services grecs nommé Automatik, un quidam dans une soirée mondaine appelé Pubis) et les références subtile comme quand Tognazzi croisera un domestique au visage peint en noir et s'écrira "faccetta nera" qui est en fait un chant fasciste. Stupides, cupides, réactionnaires et séniles, les comploteurs sont des êtres dépassés, peu préoccupés par le sort du pays et souhaitant établir un savant mélange la dictature fasciste d'antan avec le versant le plus inégal du capitalisme d'aujourd'hui.

Les préparatifs ayant déjà provoqués moult moments d'hilarité, la mise en œuvre s'avère aussi pathétique et tordant que le cambriolage du Pigeon mais dans des proportions bien plus grandes. Quiproquos en pagailles, gags visuels grandioses (cette électricité stoppée et réactivée à très mauvais escient) et interprétations outrancières (seconds rôles géniaux, ah ce vieux militaire apprenant son discours après s'être exercé en enterrement) démontre tous le génie comique intact de Monicelli.

Reste donc ce problème de l'empathie impossible qui ne dérange pas chez un féroce Risi ou un cynique Germi mais Monicelli avec un De Sica ou un Comencini aura toujours su amener une certaine tendresse envers ses canailles. Seulement là les figures dépeintes cumule nature abjecte et incompétence où non seulement on rira d'eux mais se délectera aussi de leur échec. Le seul semblant de personnage positif ne fait pas long feu lors du final pour ne laisser sous les rires qu'une sinistre impression, la conclusion concrétisant le rêve de nos comploteurs malgré leur défaite.

Sorti en dvd zone 2 français chez SNC/M6 vidéo

Extrait

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