En ces années post-68, le député
Tritoni veut profiter de la peur suscitée par les gauchistes pour
fomenter un coup d'Etat. Il réunit quelques militaires, fascistes
retraités, pour former son état-major. Le plan est minutieusement
préparé. Le jour J, rien ne fonctionne comme prévu.
L'Italie
des années 60/70 vit au rythme des soubresauts des "Années de plomb",
périodes de troubles politiques dont le cinéma su s'emparer autant dans
de vrais brûlots que dans la comédie. Le film de Mario Monicelli
s'inscrit bien évidemment dans la seconde catégorie et constitue une
farce noire parmi les plus virulente et lucide de l'époque. Si le
postulat de ce coup d'état imaginaire semble improbable, le pays subit
pourtant pas moins de quatre tentatives entre 1964 et 1974 qui
nourrissent l'inspiration du film notamment le troisième de 1973
orchestré par le leader d'extrême droite et ancien fasciste Valerio
Borghese. Monicelli aura sans doute grandement puisé le personnage d'Ugo
Tognazzi avec ce sinistre personnage en tête mais le film (le titre y
étant une allusion explicite) puise aussi du pouvoir militaire grec
appelé la Grèce des colonels qui sévira de 1967 à 1973 - et dont les personnages du films veulent s'inspirer.
Les
meilleurs films de Monicelli auront souvent été des récits d'errance et
d'échecs, parfois sans but et désespéré (Larmes de joie (1960)) ou décrivant
l'effondrement d'une entreprise comme dans le classique Le Pigeon (1958). Monicelli signe d'ailleurs une sorte de remake masqué du Pigeon
dont il réajuste le ton, le contexte et les problématiques à cette
époque plus agitée tout en en reprenant grandement la construction. A
l'Italie encore frappée de pauvreté des années 50 où de malheureux
bougres échouaient à mener à bien un hold-up minable répond celle
contemporaine où politiques et militaires d'extrême droite vont tenter
de mener un putsch dans ce régime démocratique qu'ils souhaitent ramener
à plus d'autorité. La qualité de Nous voulons les colonels
est aussi sont plus grand défaut.
Les losers magnifiques de Monicelli
restent malgré leurs travers particulièrement touchant dans leurs échecs
car servant toujours une cause à laquelle le spectateur pouvait
s'identifier (égailler son quotidien sinistre dans Mes chers amis (1975), survivre au front dans La Grande Guerre (1959), mettre du piment à sa libido dans Casanova 70
(1965)). On ne pourra espérer la réussite pour la joyeuse galerie
d'extrémistes en tout genre que l'on verra défiler ici. Ugo Tognazzi est
survolté en politique délicieusement réac et machiste et la première
partie du film préparant le putsch permet d'introduire ses sinistres
acolytes. Monicelli conjugue travers et nostalgie d'un passé douteux
(les putschistes oscillant entre ancien fascistes nostalgique de
Mussolini dont ils reprennent tous le culte de la virilité ridicule)
cupidité du présent (l'industriel Steiner suivant la cause la plus
profitable à ses profits) et une modernité associé à la libération des
mœurs prenant un virage monstrueux avec la fille de militaire nymphomane
Marcella (Carla Tatò).
Homme d'église, d'affaire et politiques sont
passés au vitriol sans distinction dans ce jeu de massacre, Monicelli
adoptant un style reportage à la narration alerte et pleine d'invention
(les détails de la biographie d'un des putschistes venant s'insérer à
son introduction dans des moments jubilatoire de ridicule et d'ironie).
Une deuxième vision sera nécessaire pour savourer tous les détails
placés par Monicelli, entre les sobriquets ridicules (l'agente des
services grecs nommé Automatik, un quidam dans une soirée mondaine
appelé Pubis) et les références subtile comme quand Tognazzi croisera un
domestique au visage peint en noir et s'écrira "faccetta nera" qui est
en fait un chant fasciste. Stupides, cupides, réactionnaires et séniles,
les comploteurs sont des êtres dépassés, peu préoccupés par le sort du
pays et souhaitant établir un savant mélange la dictature fasciste
d'antan avec le versant le plus inégal du capitalisme d'aujourd'hui.
Les
préparatifs ayant déjà provoqués moult moments d'hilarité, la mise en
œuvre s'avère aussi pathétique et tordant que le cambriolage du Pigeon
mais dans des proportions bien plus grandes. Quiproquos en pagailles,
gags visuels grandioses (cette électricité stoppée et réactivée à très
mauvais escient) et interprétations outrancières (seconds rôles géniaux,
ah ce vieux militaire apprenant son discours après s'être exercé en
enterrement) démontre tous le génie comique intact de Monicelli.
Reste
donc ce problème de l'empathie impossible qui ne dérange pas chez un
féroce Risi ou un cynique Germi mais Monicelli avec un De Sica ou un
Comencini aura toujours su amener une certaine tendresse envers ses
canailles. Seulement là les figures dépeintes cumule nature abjecte et
incompétence où non seulement on rira d'eux mais se délectera aussi de
leur échec. Le seul semblant de personnage positif ne fait pas long feu
lors du final pour ne laisser sous les rires qu'une sinistre impression,
la conclusion concrétisant le rêve de nos comploteurs malgré leur
défaite.
Sorti en dvd zone 2 français chez SNC/M6 vidéo
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