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dimanche 23 janvier 2022

Rose - Bak mui gwai, Samson Chiu (1992)

Rose s'inscrit dans le courant du sous-genre du polar romantique qui au début des années 90 a supplanté la vague du polar héroïque, ses amitiés fraternelles, ses envolées sanglantes et sacrificielles. Le polar romantique s'équilibre entre les codes du polar et un penchant pour la romance surannée et tragique qui, quand le mélange est réussi donne de pures merveilles sentimentales comme le magnifique A Moment of Romance de Benny Chan (1990) ou As Tears go By de Wong Kar Wai (1988). Cependant le filon n'est pas dénué de clichés récurrents au fil de ses nombreuses déclinaisons, notamment la tonalité adolescente où perdure la figure du bad boy rebelle et de la jeune fille innocente pour figurer le couple. Rose détone ainsi avec sa romance mettant en scène des protagonistes adultes et matures, à travers une intrigue où les éléments de polar constituent des ponctuations plutôt que le centre du récit. 

Comme son titre l'indique, l'histoire se développe plutôt du point de vue de son personnage féminin Rose (Maggie Cheung) plutôt que celui de Roy (Roy Cheung) le chef de triade ténébreux. Le film s'ouvre sur une très violente rixe urbaine de malfrat où est impliqué Roy, l'approche très sanglante et graphique (les machettes et les haches sont de sortie) étant là pour nous rappeler la menace que constituera ce milieu tout au long du récit. On bifurque ensuite sur Rose, agent d'assurance solitaire et égoïste privilégiant son métier. Prête à toutes les bassesses pour faire signer une police d'assurance à ces clients, elle en néglige toute vie sentimentale pour ne viser que le seul profit. Rose avec ses caractéristiques de femme moderne ancre ainsi le film dans l'urgence du Hong Kong contemporain avec une héroïne adulte et indépendante. 

S'il souligne la nature individualiste de Rose, Samson Chiu en explique aussi les raisons, que ce soit le machisme des partis masculin (un petit ami exigeant sa soumission en femme d'intérieur après le mariage et l'abandon de sa carrière sera rejeté aussi sec) ou une mère ayant toujours privilégié ses loisirs à la compagnie de sa fille. La seule manière d'exister et de rencontrer la reconnaissance pour Rose est donc la voie matérialiste. Roy est finalement son pendant prolétaire, abandonné par sa mère enfant et élevé par un père violent et membre de triade, lui aussi ne connaît qu'un chemin, celui de la violence pour s'épanouir.

L'histoire prend des détours relativement laborieux pour orchestrer le rapprochement puis la cohabitation forcée des personnages, mais dès que celle-ci se met en place la magie se met en place. On retrouve la Maggie Cheung gouailleuse du cinéma hongkongais (facette moins visible dans ses films exploité à l'international où elle a une image plus papier glacée) qui donne de savoureux moments de comédie cantonaise où gangster ou pas, elle n'a pas froid aux yeux pour rudoyer le taiseux Roy. La screwball comedy hystérique n'est jamais loin mais s'estompe progressivement pour faire perdre leur masque aux personnages. Ainsi lors d'une dispute Roy a le mauvais réflexe inhérent à sa profession de gifler Rose et son immédiate réaction honteuse est un révélateur de son rapport à la violence, seul lange qu'il connaît. Il avouera son enfance douloureuse tandis qu'un problème de santé dévoile la solitude de Rose qui n'a en fait que Roy pour provisoirement s'occuper d'elle. C'est une manière d'évoquer la solitude de la femme hongkongaise émancipée, élément présent aussi avec le personnage de Veronica Yip ou encore l'anoligie que fera Rose sur la cigarette, compagnon qui vaut mieux que les tracas d'un homme.

Le film privilégie ainsi le quotidien, l'interaction et la confiance croissante des deux dans l'exiguïté de l'appartement de Rose. Samson Chiu pose néanmoins un vrai regard sur l'urbanité hongkongaise, les vues aériennes sur le quartier des affaires exprimant l'horizon capitaliste de Rose tandis que la claustrophobie et le cadre nocturne des quartiers plus populaires expriment l'entonnoir du quotidien de Roy. Entre les deux, nous avons des scènes dans Victoria Park, centre de Hong Kong où s'exprime une veine plus authentique, cosmopolite et ouverte (c'est notamment là que la population se réunit en souvenir des manifestations de la place Tian'anmen, où pour protester aux écarts récents des réformes du gouvernement chinois). Un possible bonheur sera également envisagé par un périple final à Macao.

Les petites attentions (le leitmotiv de la préparation du Chop suey au porc), l'humeur de plus en plus tendre et de moins en moins orageuse du couple, souligne ainsi les sentiments naissant avant une scène romantique plus ouvertement charnelle que le chaste adolescent des habituelles romances criminelles. Nous sommes vraiment dans une relation adulte et le côté parfois niais (mais qui a son charme aussi) d'autres productions du genre s'estompe complètement jusqu'à un finale bouleversant à Macao. Là encore Samson Chiu privilégie le point de vue meurtri de Rose plutôt que de magnifier la violence se déchaînant devant elle, nous laissant entrevoir ce qui aurait pu être, ce à quoi il faudra renoncer dans la douleur. Maggie Cheung apporte un vrai cachet sensible et dramatique face à un Roy Cheung habitué aux rôles de malfrats, mais qui y amène ici une humanité, une vulnérabilité inattendue.

Sorti en dvd hongkongais et doté de sous-titres anglais

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