Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram
Rose s'inscrit dans le courant du
sous-genre du polar romantique qui au début des années 90 a supplanté la
vague du polar héroïque, ses amitiés fraternelles, ses envolées
sanglantes et sacrificielles. Le polar romantique s'équilibre entre les
codes du polar et un penchant pour la romance surannée et tragique qui,
quand le mélange est réussi donne de pures merveilles sentimentales
comme le magnifique A Moment of Romance de Benny Chan (1990) ou As Tears go By
de Wong Kar Wai (1988). Cependant le filon n'est pas dénué de clichés
récurrents au fil de ses nombreuses déclinaisons, notamment la tonalité
adolescente où perdure la figure du bad boy rebelle et de la jeune fille
innocente pour figurer le couple. Rose
détone ainsi avec sa romance mettant en scène des protagonistes adultes
et matures, à travers une intrigue où les éléments de polar constituent
des ponctuations plutôt que le centre du récit.
Comme son titre l'indique, l'histoire se développe plutôt du point de
vue de son personnage féminin Rose (Maggie Cheung) plutôt que celui de
Roy (Roy Cheung) le chef de triade ténébreux. Le film s'ouvre sur une
très violente rixe urbaine de malfrat où est impliqué Roy, l'approche
très sanglante et graphique (les machettes et les haches sont de sortie)
étant là pour nous rappeler la menace que constituera ce milieu tout au
long du récit. On bifurque ensuite sur Rose, agent d'assurance
solitaire et égoïste privilégiant son métier. Prête à toutes les
bassesses pour faire signer une police d'assurance à ces clients, elle
en néglige toute vie sentimentale pour ne viser que le seul profit. Rose
avec ses caractéristiques de femme moderne ancre ainsi le film dans
l'urgence du Hong Kong contemporain avec une héroïne adulte et
indépendante.
S'il souligne la nature individualiste de Rose, Samson
Chiu en explique aussi les raisons, que ce soit le machisme des partis
masculin (un petit ami exigeant sa soumission en femme d'intérieur après
le mariage et l'abandon de sa carrière sera rejeté aussi sec) ou une
mère ayant toujours privilégié ses loisirs à la compagnie de sa fille.
La seule manière d'exister et de rencontrer la reconnaissance pour Rose
est donc la voie matérialiste. Roy est finalement son pendant
prolétaire, abandonné par sa mère enfant et élevé par un père violent et
membre de triade, lui aussi ne connaît qu'un chemin, celui de la
violence pour s'épanouir.
L'histoire prend des détours relativement laborieux pour orchestrer le
rapprochement puis la cohabitation forcée des personnages, mais dès que
celle-ci se met en place la magie se met en place. On retrouve la Maggie
Cheung gouailleuse du cinéma hongkongais (facette moins visible dans
ses films exploité à l'international où elle a une image plus papier
glacée) qui donne de savoureux moments de comédie cantonaise où gangster
ou pas, elle n'a pas froid aux yeux pour rudoyer le taiseux Roy. La
screwball comedy hystérique n'est jamais loin mais s'estompe
progressivement pour faire perdre leur masque aux personnages. Ainsi
lors d'une dispute Roy a le mauvais réflexe inhérent à sa profession de
gifler Rose et son immédiate réaction honteuse est un révélateur de son
rapport à la violence, seul lange qu'il connaît. Il avouera son enfance
douloureuse tandis qu'un problème de santé dévoile la solitude de Rose
qui n'a en fait que Roy pour provisoirement s'occuper d'elle. C'est une
manière d'évoquer la solitude de la femme hongkongaise émancipée,
élément présent aussi avec le personnage de Veronica Yip ou encore l'anoligie que fera Rose sur la cigarette, compagnon qui vaut mieux que les tracas d'un homme.
Le film
privilégie ainsi le quotidien, l'interaction et la confiance croissante
des deux dans l'exiguïté de l'appartement de Rose. Samson Chiu pose
néanmoins un vrai regard sur l'urbanité hongkongaise, les vues aériennes
sur le quartier des affaires exprimant l'horizon capitaliste de Rose
tandis que la claustrophobie et le cadre nocturne des quartiers plus
populaires expriment l'entonnoir du quotidien de Roy. Entre les deux,
nous avons des scènes dans Victoria Park, centre de Hong Kong où
s'exprime une veine plus authentique, cosmopolite et ouverte (c'est
notamment là que la population se réunit en souvenir des manifestations
de la place Tian'anmen, où pour protester aux écarts récents des
réformes du gouvernement chinois). Un possible bonheur sera également
envisagé par un périple final à Macao.
Les petites attentions (le leitmotiv de la préparation du Chop suey au
porc), l'humeur de plus en plus tendre et de moins en moins orageuse du
couple, souligne ainsi les sentiments naissant avant une scène
romantique plus ouvertement charnelle que le chaste adolescent des
habituelles romances criminelles. Nous sommes vraiment dans une relation
adulte et le côté parfois niais (mais qui a son charme aussi) d'autres
productions du genre s'estompe complètement jusqu'à un finale
bouleversant à Macao. Là encore Samson Chiu privilégie le point de vue
meurtri de Rose plutôt que de magnifier la violence se déchaînant devant
elle, nous laissant entrevoir ce qui aurait pu être, ce à quoi il
faudra renoncer dans la douleur. Maggie Cheung apporte un vrai cachet
sensible et dramatique face à un Roy Cheung habitué aux rôles de
malfrats, mais qui y amène ici une humanité, une vulnérabilité
inattendue.
Sorti en dvd hongkongais et doté de sous-titres anglais
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