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dimanche 13 avril 2025

Les Travaux d'Hercule - Le Fatiche di Ercole, Pietro Francisci (1958)


 Le roi de Iolcos, Pellas, fait venir Hercule à sa cour pour lui confier l’éducation de son fils, Iphitos. Ce dernier, jaloux de la force de son précepteur, trouve la mort en affrontant le lion de Némée. Pellas envoie alors Hercule combattre de taureau de Crète. Mais le trône de Iolcos revient de droit à Jason, Pellos n’étant qu’un fourbe usurpateur. Hercule va s’embarquer avec Jason sur l’Argos à la recherche de la Toison d’or afin de l’aider à reconquérir son royaume.

Les Travaux d’Hercule est l’œuvre qui imposa la figure des héros musculeux dans le péplum italien et renouvela le genre. Le regain du péplum en Italie durant les années 50 se fait tout d’abord souvent en écho de son impact dans le cinéma hollywoodien. Soucieux de freiner la concurrence de la télévision en proposant des films spectaculaires dont le visionnage sur un écran de cinéma s’impose, les studios hollywoodiens ravivent la flamme du péplum relativement délaissé depuis les années 30. Samson etDalila de Cecil B.DeMille (1949) lance les hostilités mais c’est surtout le Quo Vadis de Mervyn LeRoy (1951) et La Tunique de Henry Koster (1953), par leurs moyens pharaoniques et leurs innovations techniques (l’introduction du Cinémascope pour le film d’Henry Koster) qui impose leur pour les 15 années à venir (Les Dix Commandements de Cecil B.DeMille (1955), Ben-Hur de William Wyler (1959), Spartacus de Stanley Kubrick (1960)), jusqu’aux excès de Cléopâtre de Joseph L. Mankiewicz (1963) et surtout l’échec de La Chute de l’Empire Romain de Anthony Mann (1964). L’Italie surfe donc sur ce second souffle pour raviver le péplum sur ses terres. Le pays entretient son propre passif avec le péplum, ce qui évitera de faire des productions locales une redites de leurs homologues hollywoodiennes. En effet, certains des péplums pionniers ont été produits en Italie au temps du muet et se distinguant déjà par leur penchant pour le récit mythologique et la figure du surhomme, comme le personnage de Maciste apparaissant dans Cabiria Giovanni Pastrone (1914) puis étendard de l’imagerie fasciste durant les années 20 avec une dizaine de films le mettant en scène. 

Les péplums italiens du début des années 50 entretiennent donc cette identité en s’éloignant de la veine religieuse hollywoodienne (malgré quelques exceptions comme Attila, fléau de Dieu de Pietro Francisci (1954)) pour privilégier le récit picaresque et/ou mythologique dans des réussites comme ThéodoraImpératrice de Byzance (1954) et Spartacus (1952) de Riccardo Freda, ou Ulysse de Mario Camerini (1953), ce dernier tentant d’ailleurs le premier la greffe avec une star hollywoodienne émergente en la personne de Kirk Douglas. Pietro Francisci s’inscrit dans le sillage de tout ces grands artisans du cinéma populaire italien, et va donc bouleverser la production italienne sur le plan artistique et industriel en marquant l’avènement (ou plutôt le retour) des surhommes à la musculature massive.

Le scénario mélange habilement les récits mythologiques, les travaux d’Hercule se greffant à l'épopée de Jason et la toison d'or – et plus particulièrement le poème Les Argonautiques d’Apollonios de Rhodes. Les travaux sont limités à deux à l'écran, le lion de Nemée et le taureau de Crète tandis que certains épisodes Herculéen sont associés à Jason (comme le passage chez les amazones redoutables) et inversement, sans parler de la substitution de personnages avec un tout jeune Ulysse en lieu et place de Iolas, neveu et inséparable compagnon d'Hercule. Loin d’être artificiel, ce choix place Hercule le demi-dieu à la foi comme acteur de sa destinée extraordinaire, et comme spectateur actif de celle des hommes ordinaires réclamant son concours comme Jason. Les situations tragiques placent Hercule à part du commun des mortels dont les joies et les peines lui sont refusées : aimer, avoir des enfants. La romance tourmentée avec Iole (Sylva Koscina) souligne cela, ainsi que réalisation de Francisci renforçant la solitude du demi-dieu lors de la scène où Hercule trône seul en haut des marches du palais de Iolcos après avoir été fustigé par le souverain Pelias (Ivo Garrani) et abandonné par la foule.

Le renoncement à l’immortalité permet ainsi d’humaniser Hercule et d’observer les tourments de l’homme plutôt que du fils de Zeus. Sa participation à l’épopée de Jason va lui permettre de vivre une aventure pleinement, avec le risque partagé de ne pas en revenir sauf et ainsi paradoxalement davantage se sentir vivant. Francisci introduit avec brio toutes ces notions dans les situations et dialogues, entretenant une veine intimiste et épique à la fois. Steve Reeves trouve là le rôle de sa vie. Champion de bodybuilding végétant depuis de longues années à s’imposer acteur, il est propulsé star par le flair de Pietro Francisci l’ayant repéré dans Athena de Richard Thorpe (1954) durant des séquences dans un club de culturisme. Reeves surmonte ses limites dramatiques par un charisme magnétique (renforcé par la suggestion de Francisci et Mario Bava de lui faire pousser la barbe) et une présence physique imposante réellement sublimée à l’écran. Les cadrages iconiques magnifient sa stature lors des morceaux de bravoure les plus marquant, la photo de Mario Bava fait briller ses biceps contractés par l’effort lors des scènes de jour et dessine sa silhouette entre le comic-book et la statue grecque durant les séquences d’intérieurs et studio plus stylisées - dont les élans baroques anticipent la veine gothique plus prononcée instaurée par Bava sur Hercule contre les vampires (1961).

La première apparition d'Hercule qui stoppe des chevaux emballés en soulevant un tronc d'arbre impressionne d'emblée, tout comme le final épique où Hercule décime une armée à lui seul en faisant s’effondrer un palais dans une scène revisitant le climax de Samson et Dalila. L’ampleur de la mise en scène transcende les limites de certains effets spéciaux, même certains trucages optiques de Bava font merveille (l’envergure de l’extérieur du palais, le ciel changeant au-dessus de celui-ci). Francisci offre un spectacle chatoyant, impressionnant et généreux de bout en bout, sachant se faire chatoyant, contemplatif (les séquences maritimes, la langueur sensuelle de l’épisode chez les amazones) ou jouissivement brutal lorsque la fureur d’Hercule se déchaîne. Le film sera un véritable triomphe italien et international qui fera de Steve Reeves une star. Le filon musculeux fera les beaux jours du cinéma d’exploitation italien dans les années suivantes, et notamment pour une suite tout aussi réussie rassemblant la même équipe sur Hercule et la Reine de Lydie (1959).

Sorti en bluray chez Artus 

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