The Valiant Ones est l’ultime wu xia pian réalisé par King Hu (si l’on excepte Swordsman (1992) tourné en partie avant d’être évincé par son producteur Tsui Hark), lui qui avait posé les jalons modernes du genre avec L’Hirondelle d’or (1966) et Dragon Inn (1967). Le film offre d’ailleurs une continuité avec ces derniers qui formaient avec le précédent L’Auberge du printemps (1974) la « trilogie des auberges », faisant de ce lieu clos le centre d’enjeux intimes et politiques se jouant à coup de stratégies, faux-semblants et combats furtifs. On peut le rattacher aussi au plus ample et mystique A Touch of Zen (1970), film au centre duquel la réflexion était tout aussi importante que les combats, ces derniers n’étant que l’aboutissement ultime des plans de son héros dépourvu d’aptitudes martiales.
King Hu comme souvent part d’une réalité historique pour installer son récit, à savoir les exactions des pirates wakō sur les côtes chinoises entre le 13e et le 16e siècle, ainsi que les actions du pouvoir chinois (alors sous la Dynastie Ming) pour l’endiguer. La méticulosité du réalisateur en termes de décors et costumes est toujours bien là à travers la somptueuse reconstitution, mais s’avère pour une fois une fois plus lâche dans la description des pirates wakō. Bien que provenant en grande partie du Japon, leurs origines étaient bien plus diversifiées que ne le montre le film (comportant même des occidentaux comme les Portugais) qui se montre plus manichéen et traduisant un ressentiment davantage lié à l’antagonisme du 20e siècle envers les Japonais. Dans les grands wu xia pian de King Hu, un thème central guidait la veine réflexive menant au combat, qu’il soit romanesque dans L’Hirondelle d’or, politique sur Dragon Gate Inn ou philosophique et mystique dans A Touch of Zen. King Hu semble avoir évacué cela sur The Valiant Ones, reposant bien davantage sur l’action que ses prédécesseurs. Le film est ainsi à la fois le plus ludique, mais aussi le moins profond du réalisateur, un divertissement haut de gamme faisant néanmoins figure de redite. Nous allons suivre l’officier Yu Ta-yu (Roy Chiao), mandaté par le procureur général pour stopper les pirates. Le récit s’équilibre ainsi entre une partie d’échecs destinée à remonter la piste des pirates et débusquer leur repère, avec une suite de combats de plus en plus spectaculaire. S’il y a certes en partie redite sur l’argument, le terrain de jeu s’élargit véritablement. La première joute a lieu comme un symbole dans la modeste auberge d’un village pauvre, durant laquelle nous allons apprécier les capacités de Yu Ta-yu et ses acolytes qui en nombre inférieur vont mettre en déroute les pirates par leurs prouesses martiales et stratégiques. Il y a un très plaisant côté Mission : Impossible mâtiné de wu xia pian à voir les plans sophistiqués et jeux de dupes se mettre en place à plus grande échelle, avec une caractérisation parfaite installant le rôle de chacun dans l’équipe où tous existent vraiment tout en étant réduit à leur fonction. C’est particulièrement vrai pour le duo formé par Wu (Bai Ying) et son épouse (l’habituée Hsu Feng), la seconde en bras armé discret et le premier en rempart invincible. On voit cette approche réfléchie tout d’abord désarçonner les pirates, avant que ses derniers montrent une dimension plus retorse. L’aspect « best-of » King Hu se ressent à d’autres moments notamment lors de la fameuse vélocité des travellings lors des poursuites et combats dans les forêts de bambous, mais le réalisateur parvient néanmoins à se renouveler. Le film est coproduit par la Golden Harvest alors montante, et fait bénéficier à King Hu de ses talents dont un Sammo Hung en charge des chorégraphies martiales et jouant le rôle du « boss » final pirate japonais - tandis que ses "frères" de l'opéra de Pékin comme Yuen Biao et Corey Yuen tiennent aussi de petits rôles. On a ainsi le meilleur des deux mondes, avec un King Hu travaillant les coups sur le montage dont on voit les conséquences plutôt que l'impact (la longue joute de Wu dans le repaire des pirates dont il défie tous les combattants), tandis que la patte Sammo Hung se ressent avec les plans larges étirant l’espace, la durée des combats et la sophistication des chorégraphies que l’on savoure dans toute leur splendeur. Le cinémascope contribue à cette emphase et, si les moments suspendus et contemplatifs typiques de King Hu sont plus rares, l’arrière-plan marin confère une beauté et ampleur somptueuse à l’ensemble. L’audace de la forme se prolonge en partie sur le fond, par une conclusion assez amère et notamment l’allusion frontale à la corruption du pouvoir contribuant à la pérennité des méfaits des pirates – élément qu’on imagine difficilement transposable aujourd’hui. En définitive un superbe King Hu de transition, qui se réinventer avec l’hypnotique diptyque Raining the Mountain/Legendof the Mountain (1979).Sorti en bluray chez Spectrum Films
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