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mercredi 29 octobre 2014

Bastogne - Battleground, William A. Wellman (1949)

Pendant la Seconde Guerre mondiale, près du village de Bastogne, dans les Ardennes, un groupe de soldats américains livre bataille contre les Allemands. Pendant cet hiver brumeux et neigeux, chacun des deux camps va devoir garder le moral afin de continuer le combat. Les allemands, face aux américains cernés qui refusent de se rendre, décident alors de lancer des missions de sabotage.

William A. Wellman réalise un des plus grands film consacré à la Seconde Guerre Mondiale avec ce Bastogne, sa propre expérience de la Grande Guerre le rendant toujours aussi juste pour dépeindre le quotidien des hommes au front. Le projet naît de la volonté du producteur Dore Schary de consacrer un film à l'héroïsme de la 101° Division aéroportée, qui tint valeureusement tête aux allemands en infériorité numérique près du village de Bastogne, dans les Ardennes. Schary tentera sans succès de monter le film au sein de la RKO dont il dirigeait le département production mais tout s'écroule lorsque Howard Hughes prend possession du studio. Engagé dans les même fonctions à la MGM, Dore Schary peut enfin réaliser son rêve, bien aidé par le scénario de Robert Pirosh, un ancien de Bastogne, et par l'illustrateur hors-pair qu'est Wellman qui venait de marquer les esprit dans cette veine avec The Story of G.I. Joe (1945).

Nous sommes donc en décembre 1944, en France où l'armée américaine progresse difficilement face aux troupes allemande. Le champ de bataille des Ardennes s'avère un des plus harassants par ses conditions climatiques difficiles. Wellman nous plonge dans le quotidien de la 101° Division, une unité déjà à bout de force et qui voit sa possible permission à Paris s'envoler à cause d'une nouvelle incursion des allemands. Wellman rend à la fois intime et universel sa description de cette entité. Chaque soldat est suffisamment caractérisé pour l'identifier et s'y attacher mais c'est plus par les archétypes de leurs traits de caractère, par leurs visages et réaction que chacun s'imprègnera dans l'esprit du spectateur. S'ils sont bien sûr nommés, cette identité reste finalement assez noyée dans cette volonté de dépeindre un collectif.

On reconnaîtra ainsi au choix la nouvelle recrue qui a du mal à trouver sa place (Marshall Thompson), le soupe au lait au grand cœur (Van Johnson excellent), le vieux sage (George Murphy) ou encore le doux rêveur (Ricardo Montalban en adepte du baseball). Wellman les capture dans une monotonie faîte d'urgence, de privation et frustration diverse avec cette absence de confort, ces corvées quotidiennes à chaque arrêt et des ordres leur enjoignant de progresser toujours plus loin. Cela se fait d'abord avec un certain amusement, notamment via le personnage de Van Johnson, trop las pour tenter une séduction avec la jolie et pas insensible française (Denise Darcel) qui les loge, son seul plaisir en ces temps difficile lui étant privé avec une fichue omelette qu'il n'aura jamais le temps de cuire car toujours réquisitionné par des supérieurs sur le qui-vive.

L'ennemi ne se résume pas aux allemands, la neige, le froid et l'humidité en constituant de tout aussi redoutable. Wellman traduit cette monotonie par la répétitivité des environnements traversés, le film semblant se résumer aux quatre ou cinq mêmes décors dans lesquels les personnages font des allers-retours. C'est de cette monotonie et de la lassitude qui en découle que peut survenir le danger, la vigilance de nos soldats se trouvant trompées par la fourberie des allemands, par leur guerre psychologique et par ses bombardements incessants pouvant se manifester à tout moment. Dans sa torpeur volontaire, le film dégage ainsi de saisissant éclairs de tension et de désespoir avec ces troupes allemandes semant la mort en se faisant passer pour des américains, cette radio diffusant message et chanson propre à effriter la détermination et de tract aérien enjoignant à abandonner le siège.

Ce dernier point est une des originalités du film, cette méthode de brisure psychologique n'ayant pas été vue si souvent dans un film de guerre (de mémoire les japonais recourent à cette même technique dans l'excellent Trop tard pour les héros (1970) de Robert Aldrich. L'épais brouillard fait l'effet d'une prison à ciel ouvert pour nos héros qui y voient surgir des silhouettes ennemies sans prévenir et rendant l'horizon (et donc l'espoir de s'en sortir) indistinct.

Une idée qui fonctionne au propre comme au figuré puisque c'est ce même brouillard qui rend le terrain invisible et empêche le bombardement et le ravitaillement espéré. Bastogne nous narre ainsi un pur récit de survie. Survie face à l'ennemi, face aux éléments, face à soi-même et ses peurs mais aussi et surtout survie pour l'autre. La solidarité, la camaraderie et le sens du sacrifice est magnifique observé par le réalisateur qui montre nombre d'exemple d'abnégation et d'entraide mutuelle tout au long du film. Cela se traduira autant par des scènes explicites de sauvetage (ou du moins tentative), d'un simple regard (le visage fermé de Pop après la disparition de Roderigues) ou d'une phrase (John Hodiak reprenant la phrase qui l'agaçait tant dans la bouche de son camarade disparu dans la dernière scène) ou d'une image avec cette mais inerte surgissant de la neige. La fierté et l'unité de l'entité triomphe et ragaillardira ainsi magnifiquement les survivants dans la poignante marche finale de cette œuvre inoubliable.

Sorti en dvd zone  français chez Warner

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