Dans son laboratoire, le Baron
Frankenstein donne le jour à une étrange créature, un homme au physique
de monstre. Afin de lui offrir une compagne, il crée une femme, qui,
effrayée à la vue de son fiancé, le fait fuir... Frankenstein reste seul
avec cet être féminin qu'il va chercher à éduquer...
The Bride
est une relecture très réussie du mythe crée par Mary Shelley qui saura
judicieusement jongler entre les thématiques du roman et l'influence
des classiques produit par la Universal, en particulier La Fiancée de Frankenstein
(1935) dont il est le remake. Le film prend ainsi le même point de
départ avec un Baron Frankenstein (Sting) sur le point de façonner une
compagne à sa première créature (Clancy Brown), et ce sera le seul
moment où Franc Roddam cèdera à l'imagerie gothique associée à
Frankenstein : manoir imposant, ciel strié d'éclair et un laboratoire
peuplé d'objets étranges et des résultats repoussants des précédentes
expériences du savant.
La nouvelle créature naît sous les traits
angélique de Eve (Jennifer Beals à l'opposé total de la prestation folle
d'Elsa Lanchester dans La Fiancée de Frankenstein)
qui effrayé par son supposé "compagnon" provoquera sa fuite. Dès lors
le récit prend un tour étonnant, développant en parallèle la découverte
du monde d’Eve et de la créature.
D'un côté le monstre va se lier
d'amitié avec le nain Rinaldo (David Rappaport), vivant également une
forme d'exclusion pour son physique chétif et qui témoignera de
bienveillance sans répugnance ni condescendance envers la créature à
laquelle il autorisera le statut d'être conscient refusé par son
créateur en le nommant Viktor. Leur traversée de cette Hongrie rurale,
leurs échanges et confessions mutuelle sont longuement dépeinte et
rendent la créature très attachante dans sa maladresse, prolongeant en
mieux l'entrevue avec le vieillard aveugle du roman (et reprise dans
nombres d'adaptations). Viktor garde ainsi son côté rustre et pataud
mais vu sous un jour bienveillant et jamais inquiétant, le scénario en
faisant un amoureux éperdu rêvant de revenir au manoir conquérir Eve.
C'est justement celle-ci qui amène les questionnements les plus
passionnants. Sa découverte de l'extérieur se fera par l'intellect,
Frankenstein souhaitant en faire une femme éduquée et émancipée digne de
tenir tête aux hommes. Derrière ses bonnes intentions, la dimension
machiste demeure pourtant. D'abord quand le savant ne verra en Eve que
le fruit d'une expérience scientifique à mener à bien plutôt qu'une
femme libre, puis peu à peu lorsqu'un désir trouble et une jalousie
maladive donnera une tournure possessive à leur relation. Sting s'avère
là nettement plus convaincant que dans sa prestation outrée dans Dune
l'année précédente et est parfait pour montrer comment le masque opaque
et neutre du scientifique laisse place à l'attirance charnelle de
l'homme, lui qui se pensait au-dessus de ce genre de sentiment.
On est plus dans une atmosphère de film en costume romanesque que d'un film d'horreur (même si des classiques comme Freaks ou La Belle et la bête son affleurés dans un registre plus sobre), Franc Roddam (qui avait déjà dirigé Sting dans Quadrophenia
(1979)) apportant un soin tout particulier à sa reconstitution avec une
superbe photo de Stephen H. Burum mettant bien en valeur les extérieurs
somptueux tournés en France (Carcassonne , Clermont-Ferrand, Orcival).
Ces extérieurs et leur cadre ensoleillés symbolise l'épanouissement de
Viktor s'humanisant de plus en plus alors qu'à l'inverse les scènes en
studio dispose d'une esthétique bien plus stylisé illustrant la relation
ambigüe entre Frankenstein et Eve.
Les jeux d'ombres expriment un désir
difficilement contenu (la scène où Eve descend nue à la rencontre de
Frankenstein) tandis que les scènes de jour montreront l'affrontement
psychologique entre Frankenstein dépassé par une Eve devenue son égal
intellectuel et sur laquelle il n'a plus prise. De Pygmalion il devient
dominé lorsque son machisme ordinaire lui fait balayer ses préceptes.
Le
film prend réellement le temps de développer ces trajectoires
parallèles, chacune des créatures s'avérant incomplète dans ses
sentiments tant qu'ils ne se seront pas retrouvés appuyé par une sorte
de lien télépathique pas suffisamment exploité dans l'intrigue. Le
naturalisme des passages avec Viktor trouve exprime ainsi une sincérité
qui trouve son inverse dans le formalisme, les tableaux et compositions
de plan sophistiqué de celle entre Eve et Frankenstein, tout en pulsions
contenue et frustration sous l'éclat visuel.
Clancy Brown trouve
vraiment un de ses meilleurs rôles loin des brutes épaisses auxquelles
on l'associe trop souvent (le Kurgan d'Highlander
forcément) et Jennifer Beals dont la prestation fut injustement raillée
(une nomination aux Razzie Awards) est aussi belle qu'habitée en
"promise. Après ce développement subtil, il est dommage que le film
accélère un peu grossièrement les péripéties et multiplie les raccourcis
et coïncidences, gâchant un peu la conclusion. S'étant débarrassé
d'emblée de l'apparat gothique, Roddam offre donc une conclusion à
l'image de sa réinterprétation du mythe, romantique, lumineuse et
magnifiquement portée par la musique de Maurice Jarre.
Sorti en dvd zone 2 anglais et doté de sous-titres français
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
On partage votre enthousiasme, pour le film et sa musique :
RépondreSupprimerhttp://lemiroirdesfantomes.blogspot.fr/2014/09/la-promise-une-creature-de-reve.html?view=magazine
https://plus.google.com/106170379069349876855/posts/gPCqRCwzhHa
C'est d'ailleurs votre article qui m'avait incité à le voir la boucle est bouclée ;-)
RépondreSupprimerje parle d'autre chose : vous avez donc fini le Philip Roth,
RépondreSupprimerje vous ai érit hier que LE NOBEL aurait dû lui être attribué, ce que je pense volontiers lorsque j'entends mes amis. Mais on ne peut pas être partout, à la foire et au moulin. Je vous admire de lire et visionner en même temps, sans que film ou livre en souffre …
Amok est un très bon ZWEIG, comme tous les ZWEIG
le dernier que j'ai lu est LE MONDE D HIER, j'espère que le titre est exact. Ça me détend de venir parler cinéma/ou livre avec vous!
Oui beaucoup aimé ce Pastorale Américaine je pense que je vais attaqué le reste de sa trilogie américaine (j'avais plutôt aimé l'adaptation de La Tâche avec Anthony Hopkins à revoir après lecture). Pour Amok déjà fini et excellent en effet on retrouve cette description de l'amour passionné d'autres de ces ouvrages fameux (Lettre d'une Incnnue ou 24h dans la vie d'une femme) mais teinté d'une folie morbide assez fascinante un très bon Zweig en effet...
RépondreSupprimer