Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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lundi 21 avril 2025

Le Juge Fayard dit « le Shériff » - Yves Boisset (1977)

Jeune juge d'instruction dans une importante ville de province, il fait partie de cette génération de magistrats qui tentent de réadapter la notion de justice à une époque en pleine mutation. Ses méthodes ne plaisent pas à tout le monde. Les critiques, les pressions s'exercent mais, conscient de sa valeur professionnelle, il se refuse à toute concession. Il "fonce".

Toujours prompt et courageux à aborder les sujets socio-politiques les plus brûlants de la société française, Yves Boisset signe un de ses meilleurs films avec Le Juge Fayard dit « le Shériff ». L’audace est ici d’autant plus grande que le film traite d’un sujet encore très frais dans l’actualité. Boisset s’inspire en effet librement du destin tragique du juge François Renaud, assassiné pour avoir fouillé d’un peu trop près les collusions entre les mondes du crime et la politique.

On retrouve là le talent de narrateur de Boisset, qui parvient à idéalement croiser portrait intime de Fayard (Patrick Dewaere), vrai thriller politico-judiciaire haletant et rendre limpide la somme d’informations à assimiler sur l’affaire en cours. Ce dernier point est d’autant plus impressionnant lorsqu’on va se renseigner sur la réalité des faits et personnes évoquées. La personnalité fantasque et frondeuse de Fayard/Renaud est excellement retranscrite par un Patrick Dewaere totalement habité, et les tenants et aboutissants de l’affaire qui en fera une cible explicitement nommés comme le SAC (Service d'action civique). 
Cette organisation fondée durant la guerre d’Algérie en soutient du Général de Gaule se trouve alors en collusion avec le grand banditisme, finançant via le butin blanchi de crimes divers les campagnes de certains politiques. Boisset va au plus efficace dans sa démonstration sans pour autant être simpliste, et le but est d’éveiller la conscience de son public en lui expliquant les choses de manière limpide.

S’il cède à quelques montées d’adrénaline de pur polar (l’attaque du fourgon d’une efficacité redoutable), c’est avant tout le mur silencieux de la corruption généralisée à laquelle se heurte Fayard qui frappe. Tentative de découragement de la hiérarchie « l’exfiltrant » des affaires où il fâche les mauvaise personne trop haut placée, intimidations anonymes dans la sphère personnelle, Fayard avance bille en tête dans une logique de seul contre tous. 

Boisse nuance malgré tout cet aspect à travers le personnage de flic intègre joué par Philippe Léotard, ainsi que par le soutien des collègues progressivement gagné à la cause et partageant leurs informations avec Fayard. Le superbe casting aligne les seconds mémorables sur la galerie de méchants, qu’ils soient barbouzes, hommes d’affaires véreux ou magistrats corrompus. Michel Auclair, Marcel Bozzuffi, Jean-Marc Bory, Henri Garcin, Jean Bouise composent une galerie d’ordures tour à tour menaçante, sournoise ou calculatrice. 

Boisset capture là un vrai climat délétère de la France des hautes sphères et des bas-fonds, relents du passif et des dérives idéologiques post guerre d’Algérie, sujet d’ailleurs frontalement abordé par le réalisateur dans R.A.S. (1973). La sortie provoquera de grands remous, la SAC bloquant l’exploitation jusqu’à ce que son nom ne soit plus cité dans le film. Certaines scènes seront coupées, des noms de personnages modifiés (le député Chalabert de fiction rappelant un peu trop le bien réel ministre Albin Chalandon) et les séquences citant explicitement la SAC seront ponctuées d’un bip – selon Boisset comblés par les spectateurs hurlant « le SAC ! » dans les salles durant ces moments-là. Il faudra attendre la dissolution de l’association en 1981 pour que le film soit diffusé sans cette censure. Informatif, trépidant et porté par une interprétation impériale de Patrick Dewaere, un Boisset qui n’a rien perdu de sa force - d'autant que malgré l'issue tragique connue, la conclusion vindicative laisse entendre que le combat continue.


 Sorti en dvd français chez Jupiter Communication

1 commentaire:

  1. film revu récemment. Efficace, direct et sans scènes superflues. Un modèle du genre.

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