Une famille anglaise composée de Mme Grey et de ses quatre enfants dont l'ainée Joss, vient en France pendant les vacances faire un pèlerinage aux cimetières militaires de la Champagne. Ils s'installent dans un hôtel dirigé par Mme Zizi qui a une liaison avec Eliot, un anglais sympathique mais mystérieux.
Surtout célébré pour son Alfie et le passage remarqué qu'il fit sur la série des James Bond (trois des volets les plus réussis et spectaculaires On ne vit que deux fois, L'Espion qui m'aimait et Moonraker) on en oublierait le reste de la carrière intéressante de Lewis Gilbert qui signe un beau drame avec ce The Greengage Summer. Le film est adapté du roman éponyme de Rumer Godden, auteure dont le l'œuvre la plus célèbre demeure Le Narcisse Noir notamment grâce à la mythique version filmée qu'en donnèrent Michael Powell et Emeric Pressburger.
Contrairement à la majorité des écrits de Rumer Godden, The Greengage Summer ne se déroule pas en Inde coloniale (où elle a grandi) mais dans la plus paisible campagne française, en Champagne plus précisément. On y retrouve cependant cette observation et captation du désir, cette sensualité et sexualité troublante qui faisait tout le sel du Narcisse Noir.
Le récit donne à voir la perte d'innocence de la jeune Joss (Susannah York) durant cet été qui va tout changer pour elle. Leur mère tombée malade, elle se trouve contrainte avec ses trois frères et sœurs de loger dans un hôtel avoisinant l'hôpital. Seuls en pays étranger, barrière de la langue et inquiétude pour leur mère, les vacances s'annoncent bien morne d'autant que la tenancière Mademoiselle Zisi (Danielle Darrieux) s'avère fort mécontente de loger des enfants. Ils vont pourtant ce trouver un charmant bienfaiteur en la personne de Eliot (Kenneth More), un résident anglais et accessoirement amant de Mademoiselle Zisi.
L'atmosphère estivale, la candeur du jeune casting (où on trouve une toute jeune Jane Asher future fiancée de Pau McCartney) et de trépidantes excursions dans cette région de Champagne magnifiquement filmée (superbes paysages ruraux embellis par la photo de Freddie Young, visites d'une église et d'une cave à vin) confèrent une allégresse qui évoquent le futur The Railway Children de Lionel Jeffries. Divers éléments viennent pourtant parasiter cette paisible atmosphère.
On devine tout d'abord de manière sous-jacente la passion lesbienne de la gouvernante Madame Corbet pour Danielle Darrieux et la jalousie qu'elle a envers Eliot. Une jalousie qu'on retrouve chez Danielle Darrieux sur le temps avec son amant que lui volent les turbulents enfants, mais surtout de l'attirance coupable que semble avoir Eliot pour la déjà séduisante aînée Joss.
Sans forcément franchir complètement le tabou, Gilbert instaure une ambiance trouble à la sexualité omniprésente. Susannah York illustre par son attitude le basculement progressif du récit. Adolescente gironde, elle découvre peu à peu l'attraction qu'elle peut exercer sur les hommes à travers les regards insistants et les avances discrète d'Eliot. Susannah York dans son premier leading rôle est croise parfaitement cette séduction juvénile pas maîtrisée et la réelle innocence de cette jeune fille qui découvre son premier amour.
Danielle Darrieux par son élégance sévère et sa maturité offre un complément idéal en amante possessive et l'histoire navigue dans des situations de plus en plus osées. Un baiser à la dérobée entre Kenneth More et Susanna York, Joss prête à s'offrir par jalousie en s'étourdissant à la l'alcool et surtout une tentative de viol final qui brise balaie les derniers fragments du monde l'enfance.
C'est Kenneth More qui empêche le film de vraiment basculer dans le sordide par sa remarquable interprétation. Homme peu recommandable au passé mystérieux (dissipé à la toute fin) et douteux, il s'avère malgré son désir coupable réellement attaché aux enfants qu'il cherchera constamment à protéger. L'acteur allie ambiguïté menaçante et vraie chaleur qui donnera finalement un tour très sensible à la relation entretenue avec Susannah York. Un lien qui se nouera dans une belle scène d'adieu finale. Tout juste regrettera-t-on un épilogue un peu trop explicatif qui traîne en longueur mais sinon un joli et plutôt audacieux film.
Sorti en dvd zone 2 anglais chez Sony et doté de sous-titres anglais
Extrait
Mother Land (Never let go) d'Alexandre Aja - 2024
Il y a 3 heures
Rumer Godden est aussi connue pour "Le Fleuve", son roman adapté, lui, par Jean Renoir. Elle en a eu, de la chance, la dame, d'avoir intéressé des génies. Un peu moins (de chance), quand même, avec Lewis Gilbert.
RépondreSupprimerAh oui effectivement j'avais oublié de citer "Le Fleuve" (un des rares Renoir que je n'ai pas vu d'ailleurs. Et oui n'est pas Lewis Gilbert et le film n'est pas un chef d'oeuvre à la hauteur du Narcisse Noir mais reste intéressant avec ses qualités. C'était quand même un cinéaste prometteur mais qui s'est un peu perdu, on se demandera toujours ce qu'il est allé faire sur un James Bond (aussi réussi soit t il) après un film du calibre de "Alfie"...
RépondreSupprimerbonjour, je vous parle ici de Danielle Darrieux que je viens de voir sur Youtube (en attendant mes DVD) avec Douglas Fairbanks Jr. dans une comédie inconnue jusque là : The Rage of Paris (1938). Personne n'a je crois vu ce film qui n'a qu'une seule critique sur IMDB.
RépondreSupprimerLes dialogues sont pétillants et Darrieux délicieusement insolente. Elle est ravissante en 1938, Elle le sera toujours du reste (je l'aime beaucoup avec James Mason dans un Mankiewicz plus tardif.
Au sortir de Griffith j'ai eu besoin de me dégourdir les paupières (des films muets de trois heures, et de l'un à l'autre une démarche très ambigue, le racisme, la grandiloquence, le mélo bébète qui nous invite — sans y parvenir — à verser des larmes sur la jeune naïve, séduite et abandonnée avec un enfant qui ne tarde pas à mourir, bref le plus pauvre des héritages du 19ème siècle.Voir Intolérance jusqu'au bout fut au-dessus de mes forces. Après Eisenstein et Griffith, je vais sans gêne remettre le cap sur les années 30. L'invention du parlant fut ausi révolutionnaire que celle du téléphone et
de l'internet. De fatigue, je tombe dans des banalités…
Encore un mot sur Darrieux : la direction d'acteur de Max Ophüls laisse à désirer si l'on en juge par le jeu de Darrieux sous sa baguette. Le chef d'oeuvre, incontesté dit-on, du coffret des 4 classiques qui se termine avec ce lamentable Lola Montès, s'intitule "Madame de …" ou "les boucles d'oreilles de Madame De…" Je crois que je n'avais jamais vue cette actrice aussi niaise.:
RépondreSupprimerPour cet Autichien, comme pour beaucoup d'Américains, Paris "Gay Paris" est la capitale du plaisir et des "cocottes" (orthographe ?) Simone Signoret est elle aussi mal traitée. Si Marcel Ophüls parle avec tendresse et admiration de son père, on
n'oublie pas qu'il a fait, lui, un film magnifique : "Le Chagrin et la Pitié". Je bouscule le culte Max Ophuls et devrais m'en excuser… mais n'en ferai rien !
ce film avec Darrieux et Fairbank Jr. est de KOSTER,
RépondreSupprimerque je connais bien sans le savoir. Il a fait de très bons films (pour lui Bette Davis s'est rasée les cheveux pour être THE VIRGIN QUEEN, MY MAN GODFREY est de lui HARVEY, ce très curieux James Stewart est de lui aussi. La liste est longue.
Je sais que vous aimez LA LETTRE D UNE INCONNUE, donc il ne faut pas toucher aussi maladroitement à Max O. J'aime ce film aussi, mais sans doute pour des raisons différentes des vôtres.
Quand Joan Fontaine est à l'écran, je suis envoûtée, comme il m'est arrivé de l'être avec Delphine Seyrig.
Sans doute savez vous que SUSPICION de Hitchcock avec Cary Grant devait s'achever par son meurtre, Mais le studio s'est opposé à l'association MEURTRE/CARY GRANT, pour le plus grand déplaisir d'Hitchcock, mais conserver à Grant son image de farceur spirituel
CORRECTION
RépondreSupprimer…devait s'achever par le meurtre de Joan Fontaine