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mardi 28 janvier 2020

Cotton Mary - Ismail Merchant (1999)


Infirmière dans une bourgade de la côte de Malabar en 1954, Cotton Mary est écartelée entre ses origines indiennes et sa culture anglaise. D'extraction modeste, elle s'invente un passé aristocratique et enjolive sa vie en singeant les manières distinguées des anciens colons. Lorsque l'Anglaise Lily MacIntosh accouche prématurément, Mary sauve la situation en amenant secrètement le bébé à une nourrice des bas quartiers. Ignorant la réalité, Lily prend Mary à son service.

Si les rôles semblent bien définis dans la fructueuse association Merchant Ivory Productions (Ismail Merchant à la production, James Ivory à la réalisation et très souvent Ruth Prawer Jhabvala au scénario), certaines œuvre font exceptions comme ce Cotton Mary mis en scène par Ismail Merchant. Nous ne sommes cependant pas dépaysés avec ce cadre Indien postcolonial vu dans nombre de leurs films dont le célèbre Chaleur et poussière (1983). L’autre lien fondamental concerne la réflexion sur les clivages sociaux, la quête d’identité au cœur de Maurice (1987) ou encore Les Vestiges du jour (1993))

La critique de la société anglaise s’articule ainsi sur deux points de vue ici. Ce sera tout d’abord celui de Lily MacIntosh (Greta Scacchi), une mère de famille installée en Inde et livrée à elle-même à cause d’un époux (James Wilby) peu concerné par la vie domestique. Son mal être latent son concrétisera par l’accouchement prématuré de son deuxième enfant qu’elle n’arrive pas à allaiter pour des motifs plus psychologiques que physiques. L’aide précieuse de l’infirmière Mary (Madhur Jaffrey) sera donc précieuse, le bébé étant nourri grâce à une nourrice indienne des  bas quartiers. 

Mary s’auréole ainsi d’une image de quasi sainte dévouée, car en dissimulant la manière dont est alimenté le bébé ses actions relève presque du miracle. Ce n’est pourtant qu’une manière dans ce cercle anglais aristocrate qu’elle envie tant. C’est par elle que s’illustre l’autre dimension néfaste de la société anglaise. Cette présence étrangère en Inde suscite soit le rejet des locaux souhaitant voler de leurs propres ailes (la séquence des travailleurs de champs de thé), soit une fascination morbide héritée du passé colonialiste encore récent. C’est cette dernière névrose qui ronge Mary, métisse anglo-indienne cherchant constamment à appuyer dans le phrasé et les attitudes son côté anglais (possiblement fantasmé).

Le personnage sympathique au départ gagne ainsi progressivement en ambiguïté, la relation avec Lily oscillant entre le chantage et l’aliénation. La rivalité et le mépris de Mary envers Abraham, domestique attitré et de confiance de la famille, rejoue d’ailleurs les rapports tumultueux des majordomes de Les Vestiges du jour où la dévotion aveugle tutoie la folie. La tension s’installe subtilement dans le quotidien, tout en montrant à travers d’autres strates de la société les causes de ces dérèglements. Rosie (Sakina Jaffrey) sans avoir la soumission maladive de sa tante Mary, voit également chez les anglais une manière de s’élever en devenant la maîtresse de John MacIntosh. A l’inverse la condescendance t le racisme ordinaire de la haute société britannique transparait plus d’une fois, expliquant sans les justifier les névroses et la schizophrénie des locaux. 

C’est d’ailleurs une des grandes forces du film, la folie de Mary n’existe que dans l’apparat, à travers les vêtements occidentaux qu’elle vole à sa patronne et qu’elle exhibe fière à ses congénères, aux récits vantards qu’elle fait sur sa place dans la maison. Le personnage apparait plus pathétique que réellement cruel et l’on peut supposer que l’acuité du regard d’Ismail Merchant lui vient de son enfance indienne où il observa voire vécu les mêmes déchirements (pas en tant que métisse mais en tant qu'issu d'un classe sociale indienne plus élevée) que Mary. Visuellement le film poursuit cette dichotomie, entre la sophistication coutumière des productions Merchant Ivory pour la reconstitution et quelque chose de plus authentique, sauvage et indien dans la capture de certaines atmosphères. Très intéressant donc sans forcément s’élever aux hauteurs des meilleurs James Ivory. 

Sorti en dvd zone 2 anglais et doté de sous-titres anglais. Visisble aussi actuellement à La Cinémathèque française dans le cadre de la rétro Merchant-Ivory 



 Une interview d'époque d'Ismail Merchant à propos du film

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