John Pressman est un
ophtalmologue qui perd peu à peu la vue, mal considéré. Sous l'emprise de sa
mère possessive, et sous l'influence d'images terrifiantes, il se venge en
égorgeant ses victimes et en leur arrachant les yeux.
L’idée d’Angoisse
vient à Bigas Luna suite à la réflexion d’un de ses amis philosophe à propos de
Fenêtre sur cour d’Alfred Hitchcock.
Il lui signale la double mise en abyme du film, avec le spectateur venu
observer et réagir sur le destin d’un personnage qui fait de même sur « l’image »
que lui propose son voisinage. Cette perspective stimule l’imagination de Bigas
Luna, très intéressé par l’effet miroir de ce que projette le spectateur dans
ce qu’il voit à l’écran et inversement. Il rédige donc le scénario d’Angoisse et s’installe aux Etats-Unis,
pensant que l’idée pourrait intéresser des producteurs américains. Au bout de
quatre ans de recherches infructueuses de financement, c’est à travers la
rencontre d’un producteur espagnol que le projet pourra se concrétiser. L’ancrage
américain demeure cependant avec un tournage en anglais et une ruelle de Los
Angeles sera reconstituée à Barcelone.
Le début du film nous plonge dans une ambiance
cauchemardesque, à la fois surprenante et familière pour l’amateur de thriller.
Nous y suivons John Pressman (Michael Lerner), vieux garçon complexé vivant
avec sa mère (Zelda Rubinstein). Leur relation repose sur une infantilité
malsaine, lorgnant sur l’inceste, mais aussi une connexion quasiment
télépathique. Dès lors les maux rencontrés par John dans son métier d’infirmier
n’ont pas de secret pour sa mère, qui le téléguide par l’hypnose pour
sauvagement assassiner les clients qui l’ont malmené. Le réalisateur déploie
une atmosphère grotesque, inquiétante et claustrophobe nous plongeant dans l’espace
mental de John, qui explose dans les débordements sanglants des meurtres où s’illustre
(de façon fort macabre) le motif obsessionnel de l’œil.
A ce stade, on pense se trouver en terrain connu avec cette
relation mère-fils tordue qui nous emmène sur les rives de Psychose et autre Carrie. Et là c’est le choc avec une mise en abyme nous emmenant dans une salle de
cinéma où divers spectateurs regardent le même film que nous ! Bigas Luna
observe d’abord les réactions triviales face aux scènes horrifiques (le duo d’adolescentes
terrfifiée pour l’une, amusée pour l’autre) puis les vraies de certains
agissements comme l’hypnose qui éveillent ou ravivent les névroses et instincts
meurtrier des spectateurs. On se retrouve alors avec un triple effet miroir,
John ayant échappé à l’emprise de sa mère qui fait un carnage dans une salle de
cinéma, le spectateur du film dans le film qui vit la même situation et nous-même
scrutant peut-être anxieusement les sièges arrière si l’on visionne cela en
salle (l’effet étant sans doute encore plus efficace à l’époque).
La terreur est en tout cas complète quels que soient les
niveaux de lecture. Dans la « fiction », c’est une folie baroque
baignant dans les éclairages rougeoyants de Josep M. Civit lorgnant sur le
giallo, des cadrages chaotiques et la stylisation macabre des mises à mort.
Dans le « réel » c’est la psychose, la sueur froide et la mort qui
frappe de manière subite et inattendue dans un traitement plus clinique (le
blanc immaculé des toilettes. Cette différence se traduit par les armes
différentes des deux tueurs, celui de « fiction » usant d’une arme
blanche et celui du réel d’un pistolet silencieux. C’est à la fois effrayant et
fascinant dans les différentes échelles de mise en abyme employé par Bigas
Luna. La plus immédiate repose sur le montage avec les réminiscences
dramatiques et visuelles des deux situations. La plus folle voit les actions d’un
niveau de réalité agir sur l’autre, dans une totale absence de logique qui
accentue la confusion.
Ainsi un coup de feu dans le réel trouve son impact dans
la fiction (que l’on a identifié grâce à la photo différente). Le réalisateur
façonne même une sorte d’installation d’art contemporain pour visualiser dans
une même image cet effet miroir quand les deux meurtriers tiennent un otage
dans une posture (et position dans l’espace de la salle de cinéma face à l’écran)
similaire. Enfin la perception se tord dans une dimension psychanalytique et méta, quand une spectatrice traumatisée
est interpellée par le tueur de fiction et se croit agressée par lui. Le
réalisateur maintient cette perte de repère en rendant visible une blessure
imaginaire, puis dans un épilogue ludique. Une grande réussite qui rejoint avec
brio les expérimentations d’alors sur le même sujet que le Body Double (1984) de Brian De Palma.
Sorti en dvd zone 2 français chez Liliom
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