Cristi, un inspecteur
de police de Bucarest corrompu par des trafiquants de drogue, est soupçonné par
ses supérieurs et mis sur écoute. Embarqué malgré lui par la sulfureuse Gilda
sur l’île de la Gomera, il doit apprendre vite le Silbo, une langue sifflée
ancestrale. Grâce à ce langage secret, il pourra libérer en Roumanie un mafieux
de prison et récupérer les millions cachés. Mais l’amour va s’en mêler et rien
ne se passera comme prévu…
Corneliu Porumboiu livre avec Les Siffleurs un polar brillant et facétieux. La narration y est à
la fois linéaire est éclatée, l’absurdité du point de départ (un policier
roumain gagnant la côte espagnole pour y apprendre un langage sifflé ancestral)
gagnant en densité quand les enjeux criminels et sentimentaux se révèle. Notre
héros Cristi (Vlad Ivanov) apparaît ainsi comme un policier corrompu
informateur de la mafia locale, embringué dans un chassé-croisé pour retrouver
un magot de la drogue disparu. Il est l’élément essentiel pour mettre la main
sur la somme en livrant le voleur détenu par la police grâce à ce langage
sifflé qu’il doit assimiler.
Le réalisateur renvoie progressivement dos à dos criminels
et police, l’immoralité des uns trouvant son reflet dans l’absence de scrupules
(et les moyens douteux) des autres pour les coincer. L’empathie ne naîtra pas
d’une barrière morale ténue mais de l’amour de Cristi pour la belle Gilda
(Catrinel Marlon), à la solde des bandits. Seul le langage distingue et permet
de dominer l’autre dans l’univers du film. Le sifflement qui amène de sacrés
moments « autres », la duplicité et l’espionnage (héritage ironique de l’ère
Ceausescu ?) ordinaire étant l’autre mode de fonctionnement quand ce n’est pas
la violence brute. Tout rapprochement passe par une incompréhension pour
Cristi, forcé d’apprendre les codes de chacune des zones où il navigue, y
compris pour une torride étreinte avec Gilda. Vlad Ivanov excelle en figure
faussement dépassée et ahurie quand à l’inverse les allures de femme fatale de
Catrinel Marlon masquent une vraie vulnérabilité.
On pense aux polars de Jim Thompson dans l’immoralité de
tous les instants et la trame tortueuse, mais ici Porumboiu intègre un humour à
froid (situations et personnages loufoques en pagaille) et une vraie poésie.
Les différents langages des factions en place sont peu à peu surmontés par
Cristi et Gilda qui trouvent le leur, parallèle, par les sentiments. Cette
narration en strates excelle à nous le faire comprendre en sollicitant
l’attention du spectateur, et la poésie s’invite dans des moments décalés qui
dynamitent la trame de polar. Porumboiu parvient à donner de vraies nuances
émotionnelles à ce sifflement qui dépasse le simple code secret criminel, par
l’image – lors d’une scène de sifflement d’un bâtiment à l’autre – ou par
l’intensité de l’émission.
Cet univers sonore est à multiples facettes également,
la simplicité du sifflement trouvant son pendant inversé dans la sophistication
de la musique classique inondant les lieux, moments et figures les plus
inquiétants. La tension du polar se marie à la comédie noire pour nous amener
sur des rives romantiques inattendues. Plus qu’un simple mode de communication,
le langage selon Porumboiu c’est avant tout la possibilité de se rapprocher de
l’autre – l’évidence de la magnifique
scène finale. Un film orignal et fort touchant.
En salle
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire