Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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samedi 28 mai 2022

Un homme nommé Cheval - A Man Called Horse, Elliot Silverstein (1970)


 En 1825, Lord John Morgan, un aristocrate anglais désœuvré, chasse du gibier aux États-Unis, en territoire sioux, assisté de trois hommes. Bientôt, ceux-ci sont tués lors d'une attaque menée par des guerriers d'une tribu sioux. Morgan est capturé et emmené à leur camp, où il est d'abord traité en esclave. Peu à peu, avec l'aide d'un autre captif, le Québécois Baptiste, il se familiarise avec les usages et coutumes de la tribu.

Un homme nommé cheval est avec son contemporain Little Big Man de Arthur Penn et plus tard Danse avec les loups de Kevin Costner (1990), l’un des films les plus immersifs, déférents et respectueux sur les indiens d’Amérique. Il évite plusieurs écueils de certaines œuvre progressistes de l’époque, comme de faire des Indiens une simple métaphore d’enjeux politiques tout autre qui secouaient alors le pays notamment Soldat Bleu de Ralph Nelson (1970). Il n’y a pas non plus cette bonhomie truculente de la figure de l’indien destinée à emporter l’adhésion du spectateur tel que cela sera fait justement sur Little Big Man ou dans une moindre mesure Josey Wales, hors-la-loi de Clint Eastwood (1976). Enfin bien que le personnage de John Morgan (Richard Harris) nous serve de guide dans la découverte des mœurs de la tribu sioux, il n’y aura à aucun moment le syndrome dit du « sauveur blanc » ou ses aptitudes amèneront ses compagnons indiens à une évolution, une civilisation quelconque. 

Le début du film nous montre John Morgan comme un nanti sans but, vadrouillant d’un pays à l’autre en quête de sensations, d’un idéal qu’il ignore. Sa capture par la tribu sioux le ramène à la condition la plus primaire qui soit en le voyant traité comme un cheval, une bête de somme. Dès lors l’introspection n’a plus cours, il doit survivre au jour le jour et apprendre à dompter son environnement et ses coutumes. Elliott Silverstein s’éloigne totalement de la veine parodique de son précédent et primé western Cat Ballou (1968)pour une quête de réalisme intense. Hormis les échanges avec le métis Baptise (Jean Gascon), l’essentiel des dialogues se fait en langages sioux et malgré certains aléas de casting (le chef Yellow Hand joué par un natif des îles Fidji, sa sœur par la reine de beauté et actrice grecque Corinna Tsopei) l’ensemble est joué par des natifs sioux. C’est d’ailleurs la découverte d’un éprouvant rituel de mariage destiné à éprouver la virilité de l’homme qui renforcera la volonté de crédibilité du réalisateur quand il insistera pour l’intégrer au film.

Silverstein travaille fortement l’immersion et la notion du temps qui passe pour nous rendre, à la manière de son héros, de moins en moins extérieur à son environnement. Il subit, est malmené et se rebelle, avant d’accepter son sort et de s’intégrer en adoptant les coutumes des autochtones. La scène où il tue deux assaillants shoshones et cède à l’acte barbare du scalpage est à la fois douloureux et libérateur, il marque sa naissance en tant qu’individu au sein des sioux. Le réalisateur peut à partir de là aller plus loin formellement, adoptant une esthétique fortement inspirée des peintures de George Catlin qui fut un des premiers à représenter les indiens d’Amérique. On ressent particulièrement cette approche lors de la scène du rituel où la composition de plan, le travail sur la lumière de Robert B. Hauser et la véracité des costumes (des vieux chefs sioux servirent de consultants) offrent une véritable capsule primitive plus vraie que nature. 

Richard Harris est magnifiquement habité, adoptant un registre contenu et vulnérable malgré sa carrure imposante. Le budget modeste est exploité à bon escient pour une œuvre essentiellement intimiste, ou hormis les premières minutes l’homme blanc (à part le héros bien sûr) est totalement absent, et qui illustre davantage le quotidien dans ses rites tantôt cruels ou amusant (la souffrance de l’époux trompé) qu’une volonté de morceaux de bravoure même si la féroce attaque finale est particulièrement efficace. Le film anticipe en tout point les partis-pris qui feront le succès de Danse avec les loups, tout en s’ornant d’un mysticisme et idéal typiquement seventies tel l’envolée psyché durant la scène de rituel. Une vraie date du western.

Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Carlotta

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