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mercredi 11 mai 2022

Leaving Las Vegas - Mike Figgis (1995)

Après s'être fait licencier par la société de production où il travaillait, Ben, scénariste alcoolique, décide de partir pour Las Vegas. Il prend une chambre dans un hôtel miteux, à proximité des bars toujours ouverts, afin de finir sa vie dans l'alcool. Il rencontre Sera, une prostituée, qui va l'héberger pour le suivre dans sa déchéance.

Mike Figgis retrouve avec Leaving Las Vegas les atmosphères urbaines nocturnes, romantiques et dépressives au cœur de ses œuvres les plus personnelles (Stormy Monday (1988), Pour une nuit (1997), Timecode (2000)). Il adapte là le roman éponyme et grandement autobiographique de John O'Brien, grandement inspiré de ses errances alcoolisées qui le mèneront à sa mort – il se suicidera deux semaines après avoir vendu les droits du roman. Nous suivons la spirale autodestructrice de Ben (Nicolas Cage), scénariste alcoolique et dépressif qui après avoir perdu ses dernières attaches professionnelles, décide d’aller en finir dans un suicide au long cours à Las Vegas. 

Figgis avait déjà abordé dans Mr Jones (1993) le thème de la dépression et plus précisément d’un protagoniste maniaco-dépressif. C’est un des atouts du film de capturer la nature insaisissable de la dépression en montrant un Nicolas Cage aux abois mais sans pour autant chercher une explication tangible, un trauma hasardeux à son état. Un dialogue de Ben le souligne d’ailleurs lorsqu’il dit ne plus se souvenir s’il buvait parce que sa femme l’avait quitté, ou si celle-ci l’avait quitté parce qu’il buvait. Le personnage se brûle ainsi les ailes dans des beuveries sans fin sans le moindre espoir de rémission. L’enjeu sera donc de ressentir un dernier éclat, une ultime et authentique alchimie humaine avant fin. Ben va ainsi trouver une âme sœur meurtrie avec Sera (Elizabeth Shue), prostituée officiant à Vegas. Elle aussi s’est perdue entre les bras des clients et les coups de son proxénète (Julian Sands) trouvant dans cet autre forme avilissement un remède à sa solitude. 

L’alchimie entre Nicolas Cage et Elizabeth Shue est le grand atout du film, la vulnérabilité de l’un trouvant refuge dans le besoin de dévotion de l’autre. Il y a un bel effet miroir notamment dans la première rencontre où une « passe » se mue en discussion à cœur ouvert. Ben ne juge pas la profession de Sera et cette dernière fait de même pour son addiction, leur connexion repose sur le réconfort mutuel mais aucun n’entretient l’illusion d’un renouveau. Figgis nous promène d’errance nocturnes sous les néons des casinos en conciliabules murmurés dans des hôtels miteux, sur fond de bande-son jazzy (composée par Figgis lui-même comme souvent). Les idées formelles sont souvent bien vues comme cet usage du 16 mm qui atténue le clinquant de Las Vegas mais surtout nous fait partager le point de vue constamment embrumé de vapeurs alcoolisée pour Ben, ou de réalité altérée après les heurts de la dernière passe pour Sera. Malheureusement ces petites afféteries datent parfois un peu le film, à la narration très marquée par les codes esthétiques des années 90 dans le mauvais sens du terme. C’est souvent le cas avec le style très personnel mais inscrit dans son temps de Figgis, toujours sur la corde raide mais qui peut fonctionner notamment dans Stormy Monday.
L’émotion fonctionne malgré tout, une nouvelle fois grâce à aux acteurs. Nicolas Cage hagard et livide tout le récit distille une vraie sensibilité sous la performance (qui lui vaudra l’Oscar du meilleur acteur) et Elizabeth Shue échoue avec brio à n’être juste qu’un corps lascif pour laisser émerger ses fêlures. Malgré ces quelques tics visuels, Leaving Las Vegas est donc un beau mélo, touchant parce que désespérément résigné.

Sorti en dvd zone 2 français chez Studiocanal

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