The Illegal Immigrant inaugure la trilogie que la réalisatrice Mabel Cheung au thème de l'immigration. Il apparaît sur plusieurs points comme un attachant brouillon de An Autumn Tales, second volet du cycle qu'elle réalisera deux ans plus tard et dont on trouve déjà de nombreux éléments thématiques, esthétiques et narratifs. Cheung Kwan-chow (Yung-Cho Ching) est un jeune clandestin chinois vivotant à travers de petits boulots jusqu'au jour où il va être arrêté par l'immigration. Libéré sous caution par son oncle, il est désormais soumis à une course contre la montre aux possibilités que lui offre l'administration américaine. Être expulsé immédiatement, d'ici quelques semaines ou trouver une épouse américaine avec laquelle il pourra convenir d'un mariage blanc crédible.Il va jeter son dévolu sur Cindy (Fu-Sheng Wu), jeune américaine d'origine chinoise. Cette association sert de révélateur pour les deux personnages quant à leur rapport à cette identité américaine floue. Cheung Kwan-chow forcé de s'intégrer réellement pour obtenir sa carte verte est placé face à ses manques, son anglais resté approximatif en resté cantonné à des jobs laborieux ne le faisant pas sortir de sa communauté. Cindy vit quant à elle une crise inhérente aux enfants de migrants de première ou deuxième génération. Ses origines chinoises la complexe, notamment physiquement et elle ne consent au mariage blanc que pour une raison frivole, subir une opération de chirurgie esthétique qui "corrigera" son nez aplati de chinoise pour le faire ressembler à ceux des top-models blanche dont les posters ornent sa chambre.Mabel Cheung travaille cela par l'humour, notamment au niveau de la langue. Cindy entremêle son chinois maladroit d'anglicismes à tout va afin de prendre de haut les lacunes de Cheung Kwan-chow. On s'amuse du joyeux capharnaüm et de la cacophonie de langues lorsque les "mariés" s'invectivent. Cela joue aussi au niveau des tenues vestimentaires, Cindy en vraie fashion-victim cherchant toujours à être à la page de la mode américaine la plus superficielle avec ses permanentes, ses robes roses pastels bien marquées années 80. Cheung Kwan-chow, pure incarnation du prolo anonyme ne souhaitant surtout pas se faire remarquer, arbore-lui une allure plus modeste avec ses vestes militaire et surtout le running gag s'amusant du fait qu'il ne porte jamais de chaussures - une manière de caractériser ce manque d'ancrage aux conventions par cette relâche. Le tempérament noble, la modestie et la dévotion de Cheung Kwan-chow vont progressivement gagner le cœur de Cindy qui va s'attacher à lui. Destiné à ne plus se revoir une fois le mariage contracté, diverses circonstances vont les faire constamment se retrouver et s'apprécier. Parallèlement au couple, l'histoire montre aussi la tentation superficielle de la criminalité, de la délinquance, chez certains pour s'ancrer économiquement à défaut de socialement dans cet environnement américain, et d'autres comme le jeune frère de Cindy pour une alternative excitante stimulant leur part chinoise face aux conventions locales (notamment scolaire) auxquels ils doivent se soumettre. Cela est très intéressant sur certains points, beaucoup sur d'autres notamment tout ce qui relève des petites guerres des gangs entre petites frappes chinoises. Tout stylisé qu'il soit, China Girl (1987) d'Abel Ferrara amenait une imagerie aussi crédible que flamboyante sur cet aspect, que Mabel Cheung peine à retranscrire (ce sera aussi un des très rares écueils de An Autumn Tale). Mabel Cheung mélange assez bien cette angoisse de l'expulsion, ce sentiment de précarité du migrant avec quelque chose de plus sensible et romantique dans le quotidien des personnages. Ce ne sera par exemple pas la nécessité qui les fera vivre ensemble à un certain point de l'histoire, mais bien une reconnaissance et une complicité commune dans laquelle ils n'osent pas encore voir de l'amour. Tout cela reste habilement implicite et passe par les situations, la sensibilité des acteurs. Les ruptures de ton sont du coup légions, nous faisant passer à une scène de boite de nuit kitsch à une visite et un interrogatoire très intrusif des services d'immigration. Toute cette dualité s'exprime bien dans une scène où les personnages vont visiter les chutes du Niagara. L'américaine Cindy peut passer du côté canadien pour profiter d'une meilleure vue quand Cheung Kwan-chow, l'apatride, le clandestin en sursis, demeure côté américain sans avoir cet avantage propre et figuré. La mise en scène de Mabel Cheung, notamment par les atmosphères tour à tour clinquantes ou naturaliste dans les nuances de la photo de Bobby Bukowski, travaille constamment ce sentiment d'appartenance/rejet des personnages à leur environnement. L'appartenance factice et superficielle repose sur le matériel, et celle plus authentique se ressent progressivement dans les belles scènes romantiques, dans le lien à l'autre où cette stylisation se fait plus naturelle. Malgré de petites maladresses, un beau galop d'essai qui porte en germe toute la belle réussite à venir de An Autumn Tale plus abouti.
Sorti en dvd zone 3 hongkongais et doté de sous-titres anglais
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire