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vendredi 27 décembre 2024

Piège à Minuit - Midnight Lace, David Miller (1960)

Kit, une jeune héritière américaine, est mariée à Anthony Preston, important banquier britannique. Son existence s'avère monotone et solitaire, son mari étant très peu présent. Un soir brumeux, alors qu'elle rentre chez elle, elle entend une voix qui la menace de mort. Malgré les craintes de sa femme, Anthony ne prend pas les menaces trop au sérieux. Mais le lendemain, Kit échappe de peu au pire au pied de son immeuble...

Piège à minuit participe à une certaine volonté du producteur Ross Hunter d’entremêler le thriller avec l’esthétique flamboyante de ses grands mélos produits au sein du studio Universal, souvent réalisés par Douglas Sirk. Le très réussi Meurtre sans faire-part de Michael Gordon (1960) avait ouvert la voie de cette tendance, drame conjugal et thriller domestique cohabitant harmonieusement, porté par un formidable couple Lana Turner/Anthony Quinn. C’est une Doris Day au sommet de sa popularité qui va s’essayer de nouveau au thriller après : Le Diabolique M. Benton d’Andrew L. Stone (1956) et surtout L’homme qui en savait trop d’Alfred Hitchcock (1955). Le film (adapté d’un roman de Janet Green) est d’ailleurs une vraie réminiscence hitchcokienne, dont l’intrigue lorgne vers Soupçons (1941) ou encore Le Crime était presque parfait (1954). On peut aussi largement penser au Hantise de George Cukor (1940).

Formellement, le mariage opère, notamment avec la présence de toute l’équipe habituelle des productions Ross Hunter. Le duo de scénariste Ivan Goff/Ben Roberts est le même que sur Meurtre sans faire-part, on retrouve Russell Metty à la photo et la bande-originale est assurée par Frank Skinner. Les décors studios luxuriants mélangés aux extérieurs londoniens touristiques installent une esthétique chatoyante au sein de laquelle le bonheur radieux de Kit (Doris Day), américaine installée en Angleterre avec son époux Tony (Rex Harrison), s’épanouit pleinement. David Miller joue de certains archétypes londoniens pour poser les bases menaçantes du récit, avec cette scène d’ouverture en plein fog où une voix mystérieuse menace de mort Kit. L’angoisse s’amplifie lorsque l’inconnu se met à harceler quotidiennement la jeune femme au téléphone, puis à possiblement l’agresser physiquement.

Comme déjà dit, visuellement le mariage opère entre la flamboyance du mélo et les atmosphères plus inquiétantes. Russell Metty joue des couleurs et des jeux d’ombres pour installer une ambiance jouant autant sur la terreur psychologique et la menace sourde du thriller. La séquence de l’ascenseur, la transformation progressive de l’appartement cossu du couple en cauchemar gothique, tout cela est redoutablement efficace et agréable à l’œil. De plus, Doris Day particulièrement impliquée (sans doute trop à son goût puisqu’elle ne s’essaiera plus au film à suspense par la suite) est absolument formidable en femme sombrant dans la paranoïa et l’hystérie. Un des premiers problèmes repose sur le scénario. 

La première partie du film multiplie les pistes et indices désignant plusieurs coupables potentiels : le directeur de chantier bellâtre incarné par John Gavin, le mari prévenant (d’autant que dans sa vie personnelle et plusieurs de ses rôles l’aura d’amant peu recommandable de Rex Harrison le poursuit), le fils à maman pique-assiette joué par Roddy McDowall, la relation d’affaire interprété par Herbert Marshall. Le fait de n’avoir que des acteurs reconnus parmi les suspects renforce la vigilance du spectateur, mais l’intrigue finit par se traîner bien trop longtemps à jongler parmi les hypothèses et devient très répétitive.

L’autre souci tient aux difficultés de David Miller à maintenir une vraie tension. Le scénario n’aide pas certes, mais la mise en scène reste purement illustrative et ne sait pas mettre en valeur et faire grimper le suspense de plusieurs séquences à fort potentiels. L’agression de rue où Kit manque d’être renversée ne suscite aucune émotion, l’ambiguïté sur la réalité des peurs de Kit repose sur Doris Day, les astuces narratives (le fait qu’elle soit la seule à entendre la voix de l’harceleur téléphonique) et des qualités techniques évoquées plus haut (la photo de Russell Metty faisant ressortir le regard terrifié de Kit durant la scène d’ascenseur).  

Meurtre sans faire-part enchevêtrait à la fois formellement, émotionnellement et narrativement sa dimension de mélo et thriller, alors que dans Piège à Minuit tous les départements du film semblent jouer une partition séparée et bien trop timorée. Le film se laisse malgré tout regarder mais c’est tout de même un rendez-vous manqué tant certaines séquences recelaient un potentiel dramatique puissant entre de meilleures mains.

Sorti en bluray et dvd français chez Elephant Films

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