Sur l’île d’Hokkaido, l’hiver est la saison du hockey pour les garçons. Takuya, lui, est davantage subjugué par Sakura, tout juste arrivée de Tokyo, qui répète des enchaînements de patinage artistique. Il tente maladroitement de l’imiter si bien que le coach de Sakura, touché par ses efforts, décide de les entrainer en duo en vue d’une compétition prochaine… À mesure que l’hiver avance, une harmonie s’installe entre eux malgré leurs différences. Mais les premières neiges fondent et le printemps arrive, inéluctable.
Hiroshi Okuyama avait enchanté par l’approche bienveillante, chaleureuse et très originale de son premier long-métrage, Jésus (2018). On avait également pu apprécier son talent sur les quelques épisodes de la série Makanai : Dans la cuisine des maiko (2023), dont il avait signé quelques épisodes. On dénotait donc à travers ces deux œuvres un goût pour l’immersion dans des cadres singuliers (Jésus et sa découverte des rites catholique pour un jeune japonais), le monde de l’enfance et une volonté de transposer à l’écran une expérience autobiographique. On retrouve tout cela dans My Sunshine, né du souvenir de la pratique du patinage artistique durant son adolescence par Okuyama.
Il y a une forme d’identification avec le héros Takuya (Keitatsu Koshiyama), ado rêveur un peu à la marge, notamment par son bégaiement. Le cadre de l’île d’Hokkaido est propice aux sports hivernaux et Takuya pratique le hockey sur glace, sa douceur et difficulté à se fondre dans un collectif masculin en faisant un piètre joueur. Sur la même patinoire locale, il a cependant le loisir d’observer les entraînements de Sakura (Kiara Nakanishi), une jeune fille visant la compétition et coachée par l’ancien patineur professionnel Arakawa (Sosuke Ikematsu). La liberté et la grâce de Sakura sur la glace est capturé à travers le regard émerveillé de Takuya, bientôt pris en main par un Arakawa touché par ses efforts. Okuyama s’éloigne de toute velléités de récit sportif sur fond de compétition et de dépassement de soi, pour faire de l’espace de la patinoire le cadre d’un épanouissement intime.C’est une harmonie possible qui s’ignore chez Sakura, compétitrice mais finalement et bien malgré elle davantage inspirée lorsqu’on la forcera à former un duo avec le novice Takuya. C’est aussi une voie médiane pour l’entraîneur Arakawa, qui redécouvre presque le plaisir d’un sport auquel il a dédié sa vie en observant la progression de Takuya, le couple de danse de plus en plus complice qu’il forme avec Sakura. Okuyama déploie cela dans une vraie progression formelle durant les scènes d’entraînements, en variant les points de vue. Il capture la curiosité et l’enchantement ressenti par Takuya en regardant Sakura, puis dans une sorte de caméra isolée la curiosité d’Arakawa face à ce débutant plein d’abnégation, et enfin celui plus ambivalent de Sakura se voyant supplantée dans l’attention de son coach par un autre. La réunion des trois, malgré la perspective d’un concours, façonne pourtant un cadre par lequel le seul plaisir de patiner, s’amuser et partager des moments communs prévaut. On passe donc d’un filmage au cadrage de plus en plus ample, notamment lors d’une scène de danse en duo transformant la patinoire en espace de féérie. La blancheur de la glace s’orne de teintes pastels tandis que l’écart de niveau s’estompe par la grâce complice de Takuya et Sakura qui semblent comme flotter au-dessus de la piste. Cette libération s’amplifie lorsque l’on sort de l’espace de la patinoire pour un entraînement sur un lac gelé, avec les somptueux paysages naturels d’Hokkaido en toile de fond.Il y a presque une anomalie à voir revenir le spectre de la compétition sportive pure après de tels instants, et c’est précisément là que le récit va basculer. Fuir l’exigence sportive normée a permit de transcender une certaine marginalité pour Takuya, mais aussi pour Arakawa dont on devine que l’homosexualité cadrait sans doute mal avec l’exposition publique d’une carrière sportive professionnelle durant sa carrière. Le personnage de Sakura se situe dans un entre-deux, poussée par cette norme concurrentielle (notamment par sa mère) tout en ayant entrevue une perspective plus paisible et satisfaisante de la pratique sportive. Okuyama excelle à faire passer toute cette gamme d’émotions contradictoires par l’image, les geste, jeux de regard et dispositions des protagonistes dans les compositions de plan prévalant sur une parole souvent superflue – notamment lors de la magnifique dernière scène.
En salle le 25 décembre
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