Ancien samouraï, Yanagida mène une vie modeste avec sa fille à Edo et dédie ses journées au jeu de go avec une dignité qui force le respect. Quand son honneur est bafoué par des accusations calomnieuses, il décide d'utiliser ses talents de stratège pour mener combat et obtenir réparation...
Le Joueur de go est une des meilleures itérations récentes du jidai-geki produite par le cinéma japonais. L’intrigue située durant l’ère Edo (1600-1868) recèle comme souvent dans les jidai-geki choisissant cette période historique un sous-texte critiquant la tyrannie et l’autoritarisme du pouvoir shogunal. Cependant, le questionnement du récit reposera davantage sur la construction mentale des vassaux qui s’y soumettent. Au début du film Yanagida (Tsuyoshi Kusanagi) est un samouraï déchu par une accusation calomnieuse et se soumettant à se déshonneur par une forme de résilience. La gagne sa vie en tant qu’artisan et ses talents de stratège s’exercent désormais par son brio au jeu de go. Le scénario équilibre les maux du système entre les codes féodaux traditionnels et ceux reposant sur des préoccupations pécuniaires plus modernes.
Le lien de Yanagida à son ancien clan est rompu par ces codes féodaux ne lui laissant aucune chance de se défendre, mais en définitive sa nouvelle existence plus modeste va lui faire rencontrer le même écueil en le faisant accuser de vol. La protection « officielle » du clan se retourne contre lui, tout comme l’amitié de l’usurier ayant trouver en lui un partenaire de go talentueux. Ces deux systèmes tout en étant remis en question restent relativement en arrière-plan malgré tout, l’intérêt se portant sur le rigorisme du samouraï. L’exil et l’autarcie farouche face au déshonneur trouvera son pendant inverse lorsqu’une révélation mettra un nom sur la déchéance de Yanagida. Dès lors tout devient sacrifiable dans cette quête de laver l’affront, et l’accusation passée et présente jette en pâture la fille unique du samouraï (Kaya Kiyohara) au sombre destin de geisha. Tsuyoshi Kusanagi, tout en présence froide et rigide, est impressionnant de bout en bout, un véritable monolithe n’avançant que pour affirmer sa probité aux deux mondes qui l’ont rejeté.La narration de Kazuya Shiraishi est très habile dans sa lente entrée en matière pour nous faire faussement croire à un récit apaisé – à l’image de son héros bouillonnant sous ses airs apaisés. Les rebondissements s’immiscent avec habileté, et les choix formels amènent un dérèglement progressif à cette patine de jidai-geki traditionnel. La gamme chromatique tout en tonalité ocre instaure un climat crépusculaire et résigné, rompu notamment par une séquence de flashback dont le passé noble est contredit par le choix d’une texture d’image « vidéo ». Le prestige de l’ancien statut de Yanagida est ainsi remis en cause, tandis que l’accomplissement de sa vengeance et sa confrontation avec son adversaire atteint des sommets baroques. Mais là encore, le réalisateur assume une certaine facticité dans le décorum et les arrière-plans parvient dans une logique double à créer une certaine enluminure mythologique tout en soulignant la vacuité du geste vengeur. C’est en effet le profond égoïsme du héros qui frappe, la narration adoptant se pliant à sa nonchalance inconsciente par laquelle il ne se presse pas à sauver sa fille d’un sort affreux tant que son « honneur » n’a pas été lavé. Il y a une probable lucidité quant à ce comportement qui freinera son geste lorsque, après s’être vengé du système féodal, il cherchera à faire de même sur celui de la civilisation. Le happy-end surprend après les tourments traversés, mais brille par la remise en question de son personnage principal, cherchant désormais à devenir un être meilleur selon un code d’honneur qui lui est propre.En salle le 26 mars
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