Vittorio de Sica signe avec Les Fleurs du soleil un magnifique mélodrame, et une de ses plus belles associations au mythique couple Sophia Loren/Marcello Mastroianni. Le film est une des premières coproductions entre l'occident et l'Union Soviétique, de surcroît tourné à Moscou et en Ukraine. Absolument pas écrasé par cette logistique, de Sica livre une œuvre profondément intimiste et mélancolique sur une couple à la fois rapproché et brisé par les écueils de la guerre. Le film s'ouvre sur les récriminations de Giovanna (Sophia Loren) face aux autorités italiennes ne sachant que lui répondre quant au sort de son mari Antonio (Marcello Mastroianni). Porté disparu sur le front russe sans être officiellement déclaré mort, le sort d'Antonio laisse Giovanna dans l'incertitude alors qu'elle se refuse à accepter son possible décès. Un flashback remonte alors aux origines de cette folle passion, capturant les amours juvéniles et torrides du couple. De Sica entretient ce passé fantasmé à plusieurs niveaux.
Il y a la dimension triviale et charnelle des amants où De Sica entretient une proximité palpable par le schisme régional typique de l'Italie (le patois napolitain de Giovanna corrigé régulièrement par Antonio), et la manière dont le contexte de guerre constitue un horizon à la fois lointain et proche, abstrait et menaçant. La perspective de la mobilisation d'Antonio accélère plus que provoque le mariage avec Giovanna malgré le côté improvisé, et la séparation imminente amène tout d'abord une isolation du monde du couple entre les murs de leur éphémère foyer conjugal.
Puis ce sera littéralement une tentative folle (au propre comme au figuré) d'échapper à ce destin qui à l'inverse scellera le destin des mariés. La tonalité rieuse, ludique et solaire de cet "âge d'or" romantique est en quelque sorte le souvenir magnifié de Giovanna, et de Sica de façon involontaire ou voulue entretient cette interprétation avec un rajeunissement efficace mais tout de même artificiel de Mastroianni et Loren en jeunes amants immatures. A l'étreinte dans les herbes et sous les bombardements répondent ainsi les poignants adieux dans les sinistres toilettes d'une gare avant le départ d'Antonio.C'est la passion entretenue durant cette première partie qui rend ardente et possible la folle entreprise de Giovanna de se rendre en URSS sur les traces de son homme qu'elle refuse de croire mort. De Sica orchestre de superbes scènes lassant pourtant bien croire à cette tragique perspective avec ses visions glaçantes du front russe, les idées formelles traduisant à la fois la souffrance d'un collectif dans cette barbarie (le filtre rouge sur les scènes de batailles) et l'agonie lente sous un prisme intimiste à travers un Antonio à bout de forces. La quête de Giovanna donne lieu à une performance parmi les plus ardentes de Sophia Loren, en plus de d'être une véritable capsule temporelle de la Russie et l'Ukraine des années 70 superbement filmées par de Sica. Ce moment du film fait figure d'entre-deux en gardant cette dimension lumineuse tant que l'espoir demeure avant un rebondissement bouleversant. A la première partie rurale, estivale, colorée et fougueuses dans le sud pauvre de l'Italie va donc répondre un poignant épilogue dans l'urbanité grise de Milan, grande ville du nord. Les jeux de clair-obscur masquent puis révèlent les outrages du temps qu'Antonio et Giovanna n'osent se montrer, et traduisent les regrets d'une vie qu'ils n'ont finalement pas pu passer ensemble. Les mots se font rares durant ces retrouvailles et tout passe par la décidément incroyable alchimie existante entre Sophia Loren et Marcello Mastroianni, le tout réhaussé par le magnifique thème composé par Henry Mancini. Un grand de Sica tout simplement.Disponible en streaming sur la plateforme Mycanal
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire