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vendredi 21 mars 2025

Wait and See - Ah haru, Shinji Somai (1998)


 Vivant son fils, sa femme et sa belle belle-mère, un employé de banque voit débarquer un jour un homme âgé qui se présente comme son père... alors qu'on lui avait dit que celui-ci était décédé depuis des décennies.

Wait and See est une des œuvres les plus douces et accessibles de Shinji Somai, l’une de celle où on comprend le plus son influence sur un Hirokazu Kore-eda qui voyait en lui un modèle. Le film s’ouvre sur un rite funéraire célébrant un père disparu, celui de Mizuho (Yuki Saitō), épouse de Hiroshi (Kōichi Satō). Durant l’échange badin qui suit la cérémonie, on apprend que ce dernier a perdu son père à l’âge de cinq ans et n’a aucun souvenir de lui. L’ensemble du film repose sur ce questionnement autour de l’absence/présence du père. Salary-man accaparé par son métier de courtier d’assurance, Hiroshi est un mari et un père absent pour sa famille, ce que Somai introduit dans une notion pratique (les menus travaux de la maison restant inachevé comme lui reproche sa belle-mère (Shiho Fujimura)), charnelle (le geste de désir et de frustration de Mizuho face à un Hiroshi endomi) et éducative en temps que modèle pour son fils. Les retrouvailles inattendues avec son père Sasaichi (Tsutomu Yamazaki) finalement bien vivant vont venir bousculer ses certitudes.

Shinji Somai construit des parallèles passionnant sur la manière dont implicitement, Hiroshi s’inscrit dans l’opposé de ce père qu’il n’a jamais connu. Hiroshi a choisit une situation stable (du moins dans le contexte initial de la bulle économique) de courtier quand Sasaichi a vécu une existence chaotique le voyant passer d’un job à un autre. Hiroshi est discret et silencieux quand son père est exubérant et facétieux. Formellement cela se traduit notamment par les premières minutes du film toutes en cadrages sobres et précis capturant l’existence stable, endormie et ennuyeuse du foyer. L’arrivée du père et son interaction amusée avec son petit-fils et la famille durant un rite ludique est l’occasion de soudainement donner vie à cette demeure familiale à travers un des fameux plans-séquence dont Shinji Somai a le secret.

Tout au long du récit, malgré la notion d’attraction/répulsion et de rancœur entre le père et le fils, le fossé les séparant s’estompe et les points communs s’amorcent. Sasaichi, au grand dam de la grand-mère maternelle apprend à son petit-fils termes la gestuelle des paris d’argent. Plus tard, un collègue dira à Hiroshi est en quelque sorte un métier de « pari » dont ils sont en train de ressortir perdants puisque leur entreprise s’apprête à déposer le bilan. Mais là où son père a toujours su se réinventer et expérimenter quitte à se perdre, Hiroshi tout en voyant le désastre professionnel se profiler est incapable de réagir. 

Cette absence de père peut d’ailleurs se ressentir aussi pour le très beau personnage de l’épouse Mizuho, puisque le sien de son vivant semblait avoir délaissé aussi sa famille pour ses affaires. La présence bourrue et truculente de Sasaichi est ainsi pour elle aussi une figure paternelle chaleureuse qu’elle n’a pas connue, et il n’est pas anodin que ce soit elle qui force la réconciliation auprès de Hiroshi. Shinji Somai amorce toutes ces problématiques dans un récit sobre et intimiste, prenant le temps de d’expliquer les liens, faire comprendre les conflits, et introduire la réconciliation de manière douce. Une nouvelle fois Somai brille par ses talents de narrateur et son travail de mise en scène pour exprimer cela sans surlignage. 

Ainsi, une révélation va remettre en question cette notion de filiation dans la dernière partie du film. Néanmoins, le lien du sang n’est pas le passage obligé de la paternité. L’attachement de Hiroshi à Sasaichi repose sur les brefs moments qu’ils ont passé ensemble. Hiroishi entonne dans la scène d’ouverture un chant marin traditionnel qu’il comprend connaître de son père à la fin du film, ce dernier lui ayant chanté durant sa petite enfance. 

Père et fils reprennent ainsi la chanson en cœur, filmé en plan-séquence par Somai qui déploie ainsi par la seule fluidité de l’image la connexion les réunissant. L’arrière-plan sur les tours de verre tokyoïtes fait ressentir la différence entre la froideur du monde moderne et au contraire les liens filiaux ancestraux, notamment par la photo solaire de Mutsuo Naganuma. En filigrane, une belle métaphore sur l'éclosion de poussin aura appuyé cette idée, en particulier lors d'une poignante scène dans les dernières minutes du film. Les retrouvailles du père disparu réinstaurent le rôle du père absent, et permettent à la famille désormais unie de faire face aux lendemains difficiles. 

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