Dans un restaurant, un
petit groupe d'artistes se remémore les affaires du pathétique Danny Rose,
piètre imprésario flanqué d'improbables vedettes.
Broadway Danny Rose
s’inscrit au sein de l’œuvre de Woody Allen parmi celles consacrées au monde du
spectacle. Chacune revêt une dimension très personnelle pour Allen comme
le questionnement sur son statut de cinéaste comique dans Stardust Memories (1980) ou l’évocation nostalgique de son enfance
avec Radio Days (1987). Le
réalisateur consacrera avec Coup de feu
sur Broadway (1994) un film sur sa fascination pour ce monde scénique durant
son âge d’or des années 20 ainsi que de de son imagerie mythique qu’il scrute
avec une admiration déférente sous la drôlerie. Broadway Danny Rose représente l’envers contemporain et moins
luxuriant d’un Broadway qu’Allen connaît bien mieux, celui des artistes et
comiques à la petite semaine courant tant bien que mal le cachet.
Woody Allen nous introduit dans ce Broadway interlope de la
façon la plus triviale possible, en pleine discussion d’un groupe de comique
attablé dans un snack et se lamentant des conditions de plus en plus difficiles
de leur métier - blagues faisant moins mouche, obligation de se produire loin
de New York. L’échange s’égaye lorsqu’ils évoqueront les mésaventures de Danny
Rose, imprésario dévoué à une véritable cours des miracles d’artistes plus
minables les uns que les autres. On rit ainsi des bouis-bouis improbables et
des talents pour le moins excentriques qui s’y produisent, tout en étant
admiratif de l’énergie que consacre un Danny Rose totalement investi à les
mettre en avant. Pour l’heure il s’acharne à remettre en selle de Lou Canova (Nick
Apollo Forte), crooner italo-américain sur le retour et qui se voit offrir une
chance de passer dans une prestigieuse émission de télévision. Seulement le
caractériel et narcissique Canova exige la présence de sa maitresse Tina Vitale
(Mia Farrow) le soir où les pontes de la télévision viennent l’auditionner. Une
course-poursuite s’entame donc pour Danny Rose chargé de convaincre Tina d’être
présente malgré une énième dispute récente avec son amant infidèle.
Tout dans le traitement de Woody Allen tend démystifier l’imagerie
prestigieuse de Broadway, bien sûr avec son personnage d’imprésario minable et
de ses artistes comme déjà dit mais aussi dans ce qui faisait le danger et le
prestige de ces lieux avec la mafia. Le sens de l’honneur malvenu et la
violence stupide font donc de Danny Rose une cible le temps d’un quiproquo. L’humain
peut ainsi s’affirmer sous le cliché avec le duo formé par un Woody Allen
toujours aussi craintif, bavard et hypocondriaque avec la femme italienne
volcanique incarnée par Mia Farrow.
Cette dernière en impose par son ton
vociférant, son allure assurée et le visage dissimulé derrière d’épaisses
lunettes noires. L’odyssée absurde tend à sortir Danny Rose de son élément à la
fois géographiquement et socialement et il en va de même pour Tina
progressivement émue par la vulnérabilité de son compagnon, bien éloigné de l’italo-américain
viril et protecteur. Le rapprochement se fera d’ailleurs par cette mise à nu.
Tina sera ainsi émue et rongée par la culpabilité suite à sa trahison envers
Danny quand celui-ci oubliera sa rancœur face à la détresse de la jeune femme
lors du beau final.
Le ton du film alterne entre doutes, espérances et
déconvenues à l’image de l’état d’esprit fluctuant de ces artistes à l’affut de
la moindre occasion. Sous le comique, le désespoir n’est jamais loin tant les
relations peuvent se dilater au gré de l’ambition et la magnifique photographie
noir et blanc de Gordon Willis sert merveilleusement ces sentiments contrastés.
Woody Allen s’avère ainsi très touchant dans la réaction meurtrie de son
personnage trahi, tout comme Mia Farrow dont les lunettes noires n’exposent
plus la froideur mais au contraire dissimulent les larmes prêtes à couler. La
bascule mélancolique après les rires annoncent les grandes œuvres dramatiques à
venir. Un des films les plus attachants de Woody Allen qui se conclut par une
des plus belles séquences de sa carrière, ce travelling accompagnant Danny Rose
qui rattrape Tina dans un New York enneigé, et qui s’arrête devant le snack où
tout a commencé.
Sorti en dvd zone 2 français chez MGM
Un Woody Allen très sympa, très agréable à revoir. La fin me rappelle celle de « Manhattan », où le personnage court de la même façon pour rejoindre sa bien-aimée.
RépondreSupprimerOui belle réminiscence tout en inversant le rapport entre le couple où c'est la femme qui a dut faire un effort sur elle-même et l'homme qui pardonne.
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