Kosuke qui a décidé de vivre en
ermite au fond d’une forêt, se retrouve harcelé par Shiori, une jeune
fille envahissante qui ne veut plus le quitter.
Wet Woman In The Wind s’inscrit dans le projet revival de la Nikkatsu
souhaitant relancer la glorieuse collection des Roman Porno qui firent
le succès du studio dans les 70’s. Cette tentative demandait cependant
une vraie réinvention puisque la problématique n’est plus tout à fait la
même qu’à l’époque. Les pinku eiga d’alors étaient de purs
produits d’exploitation à la seule visée rentable, ce virage des studios
vers l’érotisme étant à l’origine une tentative désespérée de juguler
les pertes dues à la concurrence de la télévision. Les choix des
réalisateurs se faisaient soit auprès de techniciens habiles ou de
débutants ne rejetant pas ce matériau pour se lancer. La tenue formelle
et constante, aujourd’hui stupéfiante, des films se situait en fait dans
les standards techniques des studios dont les équipes étaient restées
les même qu’à l’époque où se produisaient des œuvres plus « nobles ».
Les réalisateurs les plus doués tels Noboru Tanaka, Masaru Konuma, Norifumi Suzuki ou Tatsumi Kumashiro surent imposer une esthétique, un propos social et des velléités
féministes dans leurs œuvres tout en assurant le quota d’érotisme
attendu par leurs producteurs. Ces exceptions ne doivent cependant pas
faire oublier que, pour la plupart, les Roman Porno Nikkatsu comme les pinku de la Toei
offraient via la sexualité une vision dégénérée de la société japonaise
exacerbant le rapport dominant/dominé où le viol et les perversions
avilissantes étaient la norme pour les femmes. Ces tendances demeurent
d’ailleurs dans le cinéma érotique japonais contemporain plus à la marge
comme le V-Cinéma.
La Nikkatsu ne semble pas dans la même démarche en
ressuscitant la collection puisqu’elle a fait appel à des réalisateurs à
forte personnalité tels que Sono Sion avec Antiporno, ou un vieux routier du cinéma indépendant japonais comme Akihiko Shiota pour ce Wet Woman In The Wind, tous deux ayant carte blanche tant que la contrainte érotique est respectée. Wet Woman In The Wind renverse le motif bien connu du stalker sexuel, classique de quelques Roman Porno tendancieux (Le Violeur à la rose (1977) et Harcelée de Yasuharu Hasebe (1978)) en le faisant incarner cette fois par une jeune femme. Shiori (Yuki Mamiya) poursuit ainsi de ses assiduités agressives Kosuke (Tasuku Nagaoka),
un homme s’étant retiré de la civilisation pour vivre en ermite dans la
forêt. L’une des raisons de cet isolement est de fuir les femmes,
projet bien mal engagé au vu des assauts décomplexés de la belle Shiori.
Cet aspect stalker au féminin endosse une dimension
surnaturelle avec la présence quasi omnisciente de Shiori, s’immisçant
dans l’intimité et le quotidien de Kosuke de manière toujours plus
inattendue. La scène d’ouverture donne le ton, l’image paisible de
Kosuke se reposant sur la berge d’un port étant interrompue par
l’absurde lorsque Shiori surgit à vélo et s’enfonce dans la mer.
L’indifférence de Kosuke face à son corps trempé et ses formes
saillantes lance le schéma de harcèlement déjanté et ludique.
L’attitude de Shiori semble construite pour tourmenter les hommes et
s’adapter à leurs travers. Serveuse dans un restaurant local, elle ne
semble subir les assauts du patron que pour mieux le laisser démuni en
jetant son dévolu sur un autre. A l’inverse, Kosuke rejetant les femmes
et le sexe voit sa libido dangereusement titillée par Shiori
s’introduisant dans sa cabane pour coucher avec ses amants de passage.
La « pureté » de Kosuke sera mise à mal lorsqu’on en saura plus sur son
passé de séducteur et, enfin prêt à posséder Shiori, il sera à son tour
rejeté par celle-ci, bien décidée à mener le jeu jusqu’au bout. Le duel
va se développer dans la théâtralité, en fait comme un affrontement
entre le théâtre et le cinéma. Kosuke trouve un intérêt initial chez
Shiori lorsque celle-ci affirme vouloir être actrice. Il peut ainsi
retrouver son statut de mâle dominant à travers son ancien métier de
metteur en scène, harcelant Shiori d’exercices de jeu qui la rendent
plus vulnérable. La caméra de Shiota Akihiko resserre alors l’espace
entre les deux personnages comme sur une scène de théâtre et tourne
autour d’eux tandis que Kosuke reprend le pouvoir, physique et
psychologique, en dictant ses consignes de jeu à Shiori. Fort de cet
échange, Kosuke renoue progressivement avec un mépris intellectuel et
machiste lorsque Shiori resurgit alors qu’il accueille une amante et
partenaire de théâtre. Là encore, le réalisateur transforme la situation
en faisant de son héroïne une graine de discorde dont l’agressivité
sexuelle et le sens de l’improvisation font basculer l’ordre établi.
Une
répétition de théâtre maladroite prend ainsi un tour plus lascif, une
fois de plus traduit par la mise en scène se faisant chaotique, l’image
désaturée signifiant l’émergence d’une autre réalité. Lorsque le côté masculin et abusif du Roman Porno resurgit, ce n’est
plus pour susciter l’excitation mais pour souligner les mauvais
penchants de Kosuke – quand il abuse de la jeune secrétaire de la troupe
de théâtre puis la rejette. Shiori, par son attitude, souligne une
forme de supériorité féminine, supplantant Kosuke en tant qu’amante et
en exposant l’hypocrisie de sa retraite chaste. Le mélange d’arrogance
et de frénésie sexuelle de Shiori sont superbement soulignées par la
prestation incandescente de Yuki Mamiya. Lors de
l’ultime et très intense coït, les murs de la cabane s’effondrent sous
les étreintes des amants. Une manière de faire tomber le machisme pour
célébrer une héroïne dominatrice et sûre de son désir, ou faire basculer
l’univers du théâtre vers celui du cinéma en étendant la « scène » vers
un monde plus libre. Un monde où l’homme est désormais sans repères, à
l’image de la conclusion cinglante faisant le triomphe de Shiori.
Projeté récemment à L'étrange festival, encore inédit en France
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