Les samedi 10 et dimanche 11 août 1996, le groupe Oasis est acteur d’un des sommets du rock des 90’s à travers les deux concerts qu’ils donnent sur le site de Knebworth. Plus qu’un évènement musical, ce week-end est le pinacle d’un véritable renouveau culturel et sociétal pour l’Angleterre d’alors. Oasis est le groupe étendard de la Britpop, mouvement musical qui prend la suite du grunge américain. Le groupe sort son premier album Definitely Maybe en 1994 soit l’année du suicide de Kurt Cobain leader de Nirvana. Le groupe et la scène grunge avait parlés à la « Génération X » en témoignant de ses douleurs et son mal-être en parvenant à rendre commerciale une musique profondément nihiliste. Oasis va endosser le même rôle en prenant cependant le contrepied dépressif de Nirvana à travers un rock lumineux, fier et profondément anglais, en quête d’hymnes parlant à tous. L’ascension fulgurante du groupe (qui passe en deux ans de l’anonymat à ce show triomphal à Knebworth) correspond à la bascule d’une Angleterre sortie de la sinistrose des années Thatcher et s’apprêtant pleine d’espoir à entrer dans l’ère Tony Blair et son Parti Travailliste. Le pays devient à nouveau un terreau culturel mondial avec l’avènement de la Britpop (et ses autres brillants représentant comme Pulp, Blur ou Supergrass), le renouveau du cinéma anglais à travers des œuvres comme Trainspotting de Danny Boyle ou Secrets et Mensonges de Mike Leigh, et cette année 1996 est vraiment emblématique de cet état d’esprit positif et triomphant, cette Cool Britannia.
C’est précisément ce que cherche à capturer le documentaire de Jake Scott, qui n’est pas un simple concert filmé mais vraiment le témoignage d’une ère. On y observe ici la fébrile espérance d’une jeunesse qui retient son souffle pour obtenir une place à l’annonce du concert, la communion collective du groupe et son public lors de l’évènement, puis le parfum de nostalgie de l’après et la conscience d’avoir vécu un moment historique à la fois intime et universel. L’originalité du documentaire est sa narration en voix-off entremêlées qui laisse la parole au groupe, mais surtout à ses fans dont le ressenti et l’expérience personnelle se conjuguent aux scènes de concerts, aux images de liesse collective et d’innombrables tranches de vie backstage. On ressent ainsi vraiment la place immense qu’occupe Oasis à ce moment de leur histoire, celle de la revanche des prolos (ou des ploucs pour reprendre le titre d’une très bonne biographie écrite récente de Nico Prat et Benjamin Durand). Oasis est le miroir d’une jeunesse anglaise qui peut s’identifier à eux à travers des textes simples évoquant leur quotidien, et des hymnes à l’émotion directe, sans calculs ni affectation qui parlent immédiatement au cœur. Le film atteint des sommets quand il met en corrélation tout ces éléments, notamment lors de l’interprétation magistrale de Live Forever, The Masterplan ou Wonderwall et le montage dynamique sait créer la connexion de tous ces points de vue et ressentis.
Les micros-évènements interagissent avec la magnificence de la prestation scénique d’un groupe au sommet de son art. Oasis ne constituait pas les musiciens les plus virtuoses, mais cette fierté et arrogance prolétaire donnait consistance et authenticité à leur rock rageur. C’est ce constant va et vient entre le monumental du concert et la proximité du groupe avec ses fans qui rend le ton de l’ensemble si unique, notamment toutes les petites anecdotes parsemant le film. On comprend que c’est l’apogée et la fin de leur jeunesse pour beaucoup, pour le meilleur (ce fan chômeur qui apprend sur la route du concert que sa copine est enceinte et retrouvera un emploi après, cet autre enregistrant le concert et vivant le concert depuis sa chambre)) ou pour le pire (une fan passant les derniers moments heureux avec son frère avant qu’il ne soit diagnostiqué d’un cancer quelques mois plus tard). C’est le dernier instant hédoniste et insouciant à la fois pour Oasis (qui embourgeoisé perdra cette connexion profonde avec le public tout en ne réitérant pas les sommets artistiques des premiers albums), pour l’Angleterre avec les déconvenues du Travaillisme et au sens large le dernier évènement collectif et instantané pré-internet (pas de téléphone portable, un invité surprise revenant le lendemain sans que le secret soit éventé, impossible aujourd’hui). C’est donc une belle photographie d’Oasis et d’une certaine ouverture de tous les possibles encore en vigueur durant les 90’s à l’œuvre dans ce documentaire.
Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Sony
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