L'après-guerre vit une forte remise en question du modèle social et notamment du clivage de classe si marqué au sein dans cette société anglaise. La comédie noire avec Noblesse Oblige ou le film noir tel Brighton Rock (1947) furent des œuvres abordant ce thème en creux et The Guinea Pig se distingue par son approche se faisant sous l'angle de l'éducation. Le film est adapté de la pièce éponyme écrite par Warren Chetham-Strode et jouée entre février 1946 et juin 1947 au Criterion Theatre de Londres. Warren Chetham-Strode s'inspira de faits réels pour son récit. En 1942, un rapport sur le système éducatif anglais évoque la nécessité de changements et notamment le rapprochement entre l'école publique et le General Education Board (organisation philanthrope soutenant l'enseignement supérieur) et il en résulte deux ans plus tard une volonté d'intégrer 25 % d'enfants des classes populaires à des établissements réservés au nantis. Malheureusement cette initiative va tourner court, le gouvernement attendant de voir les régions investir dans le projet et inversement. Warren Chetham-Strode avec sa pièce illustre donc ce que donnerait une telle expérience par la fiction.Jack Read est un adolescent de 14 ans (Richard Attenborough en ayant en réalité 25) issu d'un milieu ouvrier qui se voit intégrer à la prestigieuse Saintbury School. Il est le cobaye d'une expérience éducative dont l'échec ou la réussite déterminera ce changement de paradigme qui bousculera ce clivage de classe dans le secteur de l'éducation. L'histoire met en parallèle la difficile intégration de Jack au sein de l'école avec en parallèle la remise en question des modèles d'éducation et d'autorité au sein de l'établissement. Là vont s'opposer Lloyd Hartley (Cecil Trouncer) directeur installé depuis 30 ans aux idées obtuses qui verre d'un mauvais œil ces changements, et Nigel Lorraine (Robert Flemyng) jeune enseignant et ancien vétéran aux idées plus progressistes qui sera un grand soutien pour Jack. On découvre donc cette école et ces codes, la déférence aux aînés "tuteur" qui ont droit d'autorité et de châtiments corporels sur les plus jeunes, le bizutage humiliant dont bénéficient les nouveaux venus et les multiples règles de bienséances inconnues de notre héros. Cet environnement inconnu s'avère oppressant pour Jack (qui quitte son foyer familial pour la première fois) tant par son système complexe que par la manière dont il semble pris de haut par les élèves de statut social supérieur (notamment sur certaines matières lui étant inconnues comme le français ou le latin). C'est la partie la plus captivante notamment grâce au jeu très habité et vulnérable de Richard Attenborough qui s'avère particulièrement touchant. On pense notamment à cette première nuit où il tente de fuguer du dortoir de l'école, rattrapé par Lorraine auprès duquel il fond en larme. Il va cependant s'accrocher et trouver peu à peu sa place. Il est dommage que le film joue de l'ellipse et ne développe pas davantage ou en tout cas autant l'intégration de jack et son rapport aux autres que cette opposition initiale.Le scénario développe davantage l'opposition idéologique des adultes dans une veine qui anticipe Cette sacrée jeunesse (1950) ou Les Belles de St Trinians (1954) de Frank Launder qui abordaient également les mues éducatives et sociales mais sous l'angle de la comédie. Dans ces films l'accent était mis également sur les professeurs/mentors plutôt que les élèves et ici hormis Jack ils ne sont guère caractérisés. C'est un peu dommage d'autant que l'on est loin de la noirceur d'un The Browning Version d'Anthony Asquith (1951) et son professeur en échec, puisqu’ici la démarche même de la pièce et du film amène à une bienveillance naïve qui verra chacun évoluer dans le bon sens. Lloyd Hartley n'est pas bousculé dans ses certitudes par les progrès de Jack, mais plutôt par un échange avec son père qui salue le changement qu'a amené l'école chez son fils en termes d'assurance, d'esprit du collectif. Il y a là une réminiscence militaire de l'éducation (logique au sortir de la Deuxième Guerre Mondiale) très discutable désormais et qui le sera notamment dans un film comme If de Lindsay Anderson (1968) qui semble d'ailleurs détourner sciemment les codes esthétiques et situationnels supposés "positif" de The Guinea Pig pour inciter à la rébellion (déjà amorcée par l'humour dans les films de Frank Launder). Les bonnes intentions ont un peu altéré le ton incisif des frères Boulting sur ce film dont on saluera néanmoins les velléités progressistes louables et une émotion qui fonctionne néanmoins dans sa belle conclusion.
Sorti en bluray et dvd anglais chez BFI et doté de sous-titres anglais
Extrait
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