L'action se déroule peu de temps après  la Seconde Guerre mondiale. Stingo, un jeune écrivain du Sud des  États-Unis, arrive à Brooklyn et sympathise avec un couple : Sophie  (Meryl Streep), une jolie immigrante polonaise (ayant beaucoup souffert  pendant la guerre) et Nathan, un juif au comportement imprévisible et  violent laissant deviner une personne souffrant d'un trouble mental. Une  relation complexe se développe entre les trois personnages.
Alan J. Pakula réalise avec 
Sophie's Choice  ce qui est sans doute un des plus beaux et intense des mélodrames  modernes. Au départ on trouve le roman éponyme de  William Styron paru  en 1979. Dans cet ouvrage complexe et éprouvant Styron mêlait une  réflexion passionnante sur l'Holocauste, le poids du passé et de la  culpabilité au romanesque avec ce portrait de femme au destin tragique.  Alan J. Pakula lui rend magistralement justice avec cette adaptation  ayant atteint à son tour le statut de classique et qui vaudra à Meryl  Streep son second Oscar après
 Kramer contre Kramer.
L'intrigue croise trois destins à New York au lendemain de la Seconde  Guerre Mondiale. Stingo (Peter McNicol) jeune aspirant écrivain venu du  Sud va donc se lier d'amitié avec le volcanique couple formé par Sophie  (Meryl Streep) et Nathan (Kevin Kline dans son premier rôle au cinéma)  tous installés dans la même résidence. Ils se lient bientôt d'amitié et  deviennent inséparables, Pakula capturant avec élégance leur fougue  juvénile et leur pérégrinations dans ce New York rétro idéalisé.  Pourtant la première rencontre où Stingo assiste à une terrible dispute  entre Sophie et Nathan préfigure un tableau moins idyllique qui va  rapidement se craqueler.

 
L'union mais aussi les motifs du conflit  permanent de Sophie et Nathan est issu de leur passé. Sophie, émigrante  polonaise est une survivante des camps de concentration où bien que non  juive elle fut prisonnière à cause de l'engagement de son père contre  l'envahisseur nazi. Fraîchement débarqué aux Etats-Unis et souffreteuse  elle fut remise sur pied par Nathan tombé sous le charme. Ce dernier  entretient une empathie et un rejet au passé douloureux au passé de  Sophie en tant que juif, plaignant et reprochant cette souffrance  qu'elle a connu sans la "mériter". Cette obsession se nourrit par la  documentation qu'il tient sur l'holocauste et la terrible violence  verbale qu'il aura parfois pour Sophie. Stingo joue lui le rôle  d'observateur des déchirements du couple, secrètement amoureux de Sophie  et révolté par l'attitude de Nathan.

 
Pakula adopte une construction narrative complexe dont l'intelligence ne  se révèlera qu'en fin de film. Tandis que le présent se disloque peu à  peu, les fêlures du passé resurgissent  progressivement. Les flashbacks  s'entrecroisent donc avec le présent et par un jeu de miroir chaque  retour au passé évoqué visuellement aura été raconté précédemment via le  dialogue tel les premiers pas de Sophie aux USA et la jolie rencontre  avec Nathan que le couple évoque à Nathan en début de film.
A l'inverse,  tout le passé qui n'aura été abordé que par la parole dissimulera un  secret qui remettra en cause la vision des personnages : le métier de  biologiste de Nathan, l'existence de Sophie en Pologne et surtout son  terrible séjour en camp de concentration. Si on devine une vérité  différente derrière le comportement instable de Nathan (Kevin Kline  fabuleux d'intensité), Meryl Streep est magnifique de fragilité et  d'ambiguïté.

 
L'actrice a adopté l'accent et le phrasé incertain de cette émigrante  polonaise à la perfection et arbore des airs effrayés et soumis  permanent dans sa gestuelle gauche et son regard où se lisent les  secrets pénibles enfouis. Peter McNicol innocent et pur (avec l'analogie  marquée qui le laisse vierge jusqu'à l'étreinte finale) servira de  révélateur de plus en plus impliqués aux horribles souvenirs de Sophie  avec nombres de moments bouleversant tel cette scène où elle explique sa  déportation pour avoir acheté du jambon en contrebande pour sa mère  malade. Meryl Streep est absolument renversante dans ce long moment  dialogué où elle rapporte les faits sans pathos et une sobriété  désarmante.

 
Pakula recentre d'ailleurs judicieusement tous les thèmes  complexes du livre à son héroïne et donc à la performance de son  actrice. William Styron faisait ainsi une analogie entre l'holocauste et  le passé esclavagiste de la famille de Stingo (l'entourant comme les  autres personnages d'une double facette qui disparait dans le film) dont  le livre était consacré à Nat Turner, esclave rebelle du XIXe. Dans le  film son livre est désormais consacré au deuil de sa mère et toute les  allusions au Sud se fond sous forme de blagues douteuses de Nathan (la  première scène où Kline raille l'accent sudiste de Stingo est d'ailleurs  très drôle).

 
Cette construction amène un crescendo dramatique intense où les  dernières couches du secret de Sophie sont soulevées. Les temporalités  s'entremêlent dans les visions glauques des camps de concentrations, du  visage figé par la douleur du souvenir de Sophie dans le présent et de  la signification de son "choix". Tout devient limpide et notamment son  attitude sacrificielle à rester auprès d'un homme aimant mais qui la  malmène au détriment du doux Stingo.
Elle a connu des monstres bien pire  et qui l'ont contraint à l'impensable. Dès lors la conclusion n'en est  que plus logique, l'existence est devenue impossible pour ceux rongé par  leur démons et leur culpabilité. Ne restera que le souvenir et la  nostalgie pour Stingo à travers cette voix-off finale qui ne veut garder  que le meilleur, l'amitié sincère de ces temps agités.
Sortie en dvd zone 2 français chez Universal
 
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