Jeune femme indépendante qui cherche à
faire carrière dans le journalisme, Miss Winter (Diana Rigg) enquête sur
une entreprise assez spéciale : le bureau des assassinats. Elle vend
son projet d’article au propriétaire d’un gros journal anglais Lord
Bostwick (Terry Savalas) et se fait passer pour le commanditaire d’un
assassinat pour rencontrer le directeur du bureau, un certain Ivan
Dragomiloff (Oliver Reed). Celui-ci est quelque peu surpris quand il
apprend l’identité de la victime, mais accepte la mission au nom du
bureau.
Basil Dearden signe un divertissement de haute volée avec The Assassination Bureau,
drôle, trépidant et classieux. Le film a pour origine un roman inachevé
de Jack London, dont l'ami et auteur Sinclair Lewis lui suggéra l’idée
d'un récit traitant d'une société secrète d'assassin. Jack London se
lança donc en 1910 mais, incapable d'en donner une conclusion
satisfaisante mis le roman de côté pour un temps et celui-ci resta
inachevé à sa mort en 1916. Bien plus tard en 1963, l'auteur Robert L.
Fish se basant sur des notes de Jack London achève le roman qui peut
enfin paraître.
En ces 60's pop marquée par le succès des James Bond,
une adaptation est rapidement mise en route par le producteur Michael
Relph qui convoque pour le mettre en scène son vieil ami Basil Dearden
dont il fut le directeur artistique sur de nombreux films à la Ealing
comme Au cœur de la nuit (1945) ou Saraband for Dead Lovers
(1948). Marqué par ses créateurs de renom, le film marquera donc une
première rupture avec le roman en se déroulant en Europe plutôt qu'aux
Etats-Unis et étant bien plus marqué par un certain esprit british.
Le
récit conjugue habilement questionnement moral, réflexion sur la
féminité et un jeu astucieux sur le contexte politique européen explosif
de l'avant Première Guerre Mondiale. Comme le montre un hilarant pré
générique, l'assassinat est plus matière à ridiculiser la maladresse ou
la virtuosité des tueurs officiant plus par l'amour du sport que par
volonté politique. C'est la vertu détachée de l'Assassination Bureau
dirigé par Ivan Dragomiloff (Oliver Reed), pour peu que la cible ait eu
des agissements répréhensibles et que le cachet soit lucratif. Cette
ambiguïté morale va le rattraper lorsque l'apprentie journaliste Miss
Winter (Diana Rigg) remonte la piste du Bureau pour commanditer son
propre meurtre. Ivan par amour du jeu relève le défi et se voit traqué à
travers l'Europe par ses anciens collègues mais la manœuvre cache un
complot plus vaste.
Le ton ludique conjugué à une narration enlevée et
pleine de rebondissements fait passer tous les écarts (notamment
narratifs voir la facilité avec laquelle Miss Winter infiltre le Bureau
même si on aura une explication)) grâce à la richesse du propos sous la
légèreté. Cela passe notamment par une délicieuse Diana Rigg. Miss
Winter est une jeune femme portée par sa seule ambition et velléités
féministe, dont la rigueur morale et le désintérêt pour la frivolité
relève plus du manque de vécu. Révoltée par le principe de
l'Assassination Bureau, elle va pourtant user d'un procédé douteux pour
le démanteler et tirer un bon sujet d'article par la même occasion.
Suivant bien malgré lui Ivan dans son périple à travers l'Europe où il
essaie de devancer ses poursuivants, Miss Winter va bientôt vaciller en
tombant amoureuse de lui.
Chaque étape et pays visité permet
d'aborder une ambiance et une tonalité différente incarnée notamment par
le tueur auquel se confronte nos héros. Le Paris libertin de la Belle
Epoque nous vaudra une visite dans une rutilante maison close dirigée
par le vénal Lucoville (Philippe Noiret). Le décor pétaradant joue
autant du fantasme que l'on se fait de cette période que de l'esthétique
pop et de la liberté de ton des 60's avec ces jeunes filles courte
vêtues, la manière dérobée dont on accède à ses lieux de plaisirs.
Oliver Reed se situe l'humour en plus dans le sillage du Love de Ken
Russell avec des personnages élégants et loin des rôles de rustres qui
l'on fait connaître. Il associe cette classe à un transformisme à la
Arsène Lupin et une présence virile à la James Bond qui le rend
irrésistible dans les différents stratagèmes qu'il monte pour méduser
ses poursuivants.
On s'amuse beaucoup de la complicité naissante avec
une Miss Winter qui se déride au fil de l'aventure et de ses propres
mésaventures. Diana Rigg alterne avec brio ingénuité (notamment durant
les scènes avec un Telly Savalas qu'elle recroisera cette même année
dans le grandiose Au service secret de sa majesté),
présence sexy et forte personnalité. La scène où elle se retrouve en
petite tenue, subit une rafle policière et garde tant bien que mal sa
dignité en réclamant l'ambassadeur anglais est un régal. Cette
vulnérabilité et féminité subie devient naturelle au fil du récit, sa
vision se faisant moins binaire avec les sentiments naissants pour Ivan.
Là encore de jolis moments (la scène où elle cherche une bombe dans sa
chambre où celle où elle sauve Ivan en oubliant son investissement
initial) vienne ponctuer la transformation dans les attitudes plus
séduisantes et la présence de plus en plus sexy de Diana Rigg.
Même
si l'on traverse une sorte d'Europe décalée à la Tintin (passant par
Venise, Vienne ou Paris) le sujet est intéressant dans son enjeu voyant
l'assassinat revêtir des vertus politique en vue de manipulation en
cette ère pré Première Guerre Mondiale. Ivan est presque le garant d'une
époque plus morale et insouciante malgré son statut d'assassin tandis
que les adversaires seront des adeptes du complot et du chaos. Cette
vilenie ordinaire est parfaitement représentée par la veuve pulpeuse
qu'incarne Annabella Incontrera. Michael Relph offre une splendide
direction artistique parfaitement mise en valeur par Dearden avec des
visions chatoyantes de cette Europe reconstituée à Pinewood, appuyant
sur un faste et un rococo dont l'éclat cherche à masque le danger tapis
dans chaque recoin (le face à face entre Ivan et Annabella Incontrera
dans le somptueux palais vénitien).
Trépidant de bout en bout, le film
s'offre même un final sacrément spectaculaire entre James Bond rétro et
steampunk avec un long affrontement en Zeppelin lourdement armé. Dearden
joue autant des intérieurs tortueux de l'engin que des visions
impressionnantes le montrant avancer et vaciller dans les airs. Les
transparences sont certes assez voyantes mais c'est mis en scène avec un
tel panache qu'on reste bien accroché. Seul regret le scénario retrouve
un semblant d'élan machiste (alors que c'était parfaitement équilibré
jusque-là) en ne faisant pas réellement participer Diana Rigg au
sauvetage final même si cela vaudra un bon dernier gag. Un thriller et
film d'aventures originale et ludique épatant donc, bonne surprise.
Sorti en dvd zone 1 Warner Archive et doté de sous-titres anglais
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Basil Dearden, voilà un metteur en scène intéressant et méconnu. Il est vrai que la rareté de ses films en dvd par chez nous complique la chose. Acheter en Angleterre par internet semble être la seule solution, hélas. J'ai vu ainsi la ligue des gentlemen et sur TCM, grâce à un pote, l'excellent All night long
RépondreSupprimerOui quasiment rien de disponible de lui en France c'est dommage j'en ai évoqué quelques-uns sur le blog mais c'était de l'import anglais effectivement. J'ai justement Laligue des gentlemen et All night long en dvd mais pas encore vus ça m'incite d'autant plus à les voir sous peu. J'aimerai beaucoup voir aussi The Blue Lamp qui est parait il un de ses meilleurs polars, son genre de prédilection.
RépondreSupprimerDisponible en GB tout comme Sapphire recommandé lui aussi.
SupprimerJ'ai un autre film de lui sous le plus petit chapiteau du monde, comédie dans un coffret Peter Sellers.
Très bon Sapphire oui, sujet audacieux et rondement mené, beaucoup apprécié j'en avais parlé là sur le blog
Supprimerhttp://chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.fr/2013/05/operation-scotland-yard-sapphire-basil.html
merci pour l'info.
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