Henri Serin
(Jean-Pierre Marielle), un représentant en parapluies, de Saumur, mène une vie
tranquille entre son travail, sa famille et sa peinture. Henri s'octroie,
durant ses nombreux déplacements professionnels, quelques frasques amoureuses
qui le changent du quotidien lassant dans lequel sa femme puritaine l'enferme. Un
beau jour, Henri décide de tout laisser tomber pour vivre d'amour et d'eau
fraîche. Il échoue à Pont-Aven et fait la connaissance d'Émile (Bernard
Fresson), un peintre local fort en gueule et pervers…
Après une collaboration fructueuse sur Charlie et ses deux nénettes (1973), le réalisateur Joël Séria
souhaite retrouver Jean-Pierre Marielle et lui écrire un rôle plus profond. Le
souvenir de son père représentant de commerce, sa connaissance des atmosphères
provinciales et ses velléités libertaires inspireront donc à Séria la trame
très originale des Galettes de Pont-Aven.
Séria avait provoqué un immense scandale avec son premier film Mais ne nous délivrez pas du mal (1970),
interdit à sa sortie et après lequel le réalisateur maquillerait son regard
cinglant sur la société (et notamment sur la religion dont fut imprégnée son
éducation) dans un contour plus truculent mais non moins provocateur, dans la
veine des Valseuses (1974) de
Bertrand Blier.
D’ailleurs si Les
Valseuses était emblématique de la jeunesse française post Mai 68, Les Galettes de Pont-Aven offre les
mêmes questionnements pour les quarantenaires. La jeunesse des 70’s aspirait à
un ailleurs éloigné d’une existence conformiste toute tracée et Séria dépeint
lui comment les adultes souhaitent eux aussi à échapper à une vie réelle où ils
sont déjà engoncés. C’est le cas d’Henri Serin (Jean-Pierre Marielle), fuyant
un quotidien morne à travers les pérégrinations de sa profession de
représentant en parapluie. La froideur de son foyer, les frustrations sexuelles
dues à une épouse coincée et les aspirations artistiques (il est peintre amateur)
se résolvent tant bien que mal durant les tournées.
La gouaille et la présence
chaleureuse du vendeur lui valent les faveurs (extraordinaire tension puis
explosion érotique amusée lors de la scène avec Andréa Férreol) ou du moins l’envie
(la bigote Martine Ferrière l’observant à son insu dans l’intimité de sa chambre)
des femmes esseulées - on sent la crainte et l’excitation de la ménagère qu’incarne
Andréa Férreol de transgresser l’interdit - de cette province terne, tandis que
ses portraits peints lui permettent d’amadouer les client(e)s et de s’adonner
modestement à son art. La première partie du film offre ainsi un roadmovie
haut en couleur fait de rencontres délirantes et d’aventures sexuelles
inattendues. Jean-Pierre Marielle est fabuleux pour exprimer le côté tourmenté
et avenant du personnage, tenant merveilleusement l’équilibre rabelaisien mais
jamais vulgaire du film dans ses envolées lorsqu’il se trouve face à un
postérieur féminin généreux.
Lorsque l’ennui provincial se confond réellement avec une
vulgarité monstrueuse, cela donnera la rencontre avec le double maléfique que
représente le personnage de Bernard Fresson, également peintre et obsédé sexuelle.
Ce qui faisait le charme des coucheries de Serin prend un tour sordide fait de perversité,
Fresson lâchant les répliques machistes à la pelle quand une vraie poésie se dégageait
du phrasé exalté et sexué de notre héros. Toi
tu sens la pisse, pas l’eau bénite ! Pour Serin ce sexe sur la route
est une libération quand pour Fresson ce refuge à l’ennui est surtout une
soumission de la gent féminine qui en fait un être méprisable. Le film bascule
ainsi quand Serin va se retrouver coincé dans « la cité des peintres »,
Pont-Aven où a notamment vécu Gauguin. Serin croit trouver l’amour et l’épanouissement
artistiques pour lesquels il va tout quitter mais va tomber de haut.
Après le
ton nonchalant et bienveillant de la première partie, Séria alterne les hauts
enflammés (Serin amoureux qui lâche ses répliques les plus exaltées sur les
fessiers féminins, les superbes scènes romantiques en bord de mer) et les très
bas pour son héros sombrant définitivement dans la dépression et l’alcoolisme.
Le sordide (la seconde rencontre avec Bernard Fresson), le grotesque (Dominique
Lavanant en prostituée portant le costume traditionnel breton et se payant un
accent tordant) et l’espoir s’alterne donc au fil du chemin de croix désormais
sans but d’un Serin ayant perdu travail, famille et inspiration pour la
peinture. La candeur, bienveillance, beauté et bien sûr le fessier ferme et
charnu de la douce Marie (Jeanne Goupil épouse, actrice fétiche de Joël Seria
et à qui l’on doit les peintures de Serin du film) vont pourtant faire renaître
peu à peu Serin.
Séria trouve définitivement en Marielle l’interprète idéal à
sa philosophie, pathétiquement drôle dans son alcoolisme désespéré, hilarant
dans l’expression de son moral et sa vigueur retrouvée (ce Je bande ! scandé avec les yeux émerveillés d’un miraculé)
et constamment touchant dans ce drôle de parcours initiatique. Tout ce qui
aurait pu rendre certains moments douteux avec un autre interprète devient
naturel avec la bonhomie et la vulnérabilité que dégage l’acteur, faisant
naturellement comprendre que cette jeune fille en tombe amoureuse et lui cède.
Même hors du contexte de la sexualité plus détendue des 70’s, la romance est
limpide et magnifiée par la beauté virginale de Jeanne Goupil. Joël Seria
signera là son film le plus populaire (qui masque un peu une filmographie très
intéressante par ailleurs) avec un grand succès en salle et une aura culte au
fil des rediffusions télés. Nom de Dieu de bordel de merde !
Sorti en dvd zone 2 français chez Studiocanal
Salut Justin (le stakhanoviste qui assure sa définition !), je dirais, et ce n'est pas un scoop, que pour Jean-Pierre Marielle c'est le rôle de sa vie; j'avais trouvé à la 1ère vision que ce film avait un gros fond de machisme et de misogynie bien lourd, mais comme tu le dis le personnage de Marielle se distingue de celui de Fresson par son intériorité plus riche, une fantaisie, une vrai quête de libertée, alors que Fresson est un balourd baveux...en gros.
RépondreSupprimerOui c'est ça Marielle est un rêveur qui ne veux vivre que d'amour et de peinture, Fresson est un vrai lourdaud machiste et Seria situe bien la différence grâce à un Marielle grandiose. De toute façon lui il pourrait lire le bottin et réussir à captiver quel acteur !
RépondreSupprimerIl compose aussi un indépendantiste breton délirant dans "Que la Fête Commence", un vrai plaisir, et son couple avec Gérard Hernandez dans "Coup de Torchon", ils sont hilarants...
RépondreSupprimerEt j'aime beaucoup ses rôles chez Georges Lautner aussi, l'espion amoureux de "La Valise" ou le producteur porno cynique de "On aura tout vu" sont assez mémorables également. Là j'ai "Comme la lune" autre Marielle/Seria sous la main que je n'ai jamais vu je sens que je vais enchaîner.
RépondreSupprimerEt évidemment en Jean-Jacques Leroy-Martin dans "Le Diable par la Queue", reconnaissable à son pull jaune et à sa façon de passer sur la portière de sa voiture de sport !!
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