Violet Evergarden est toujours incapable d'oublier Gilbert, son ancien supérieur hiérarchique. Un jour, alors qu'elle reçoit une demande d'un jeune client, CH Postal découvre une lettre sans adresse dans leur entrepôt.
Violet Evergarden – le film est le second long-métrage adapté des lights novels (romans destinés aux jeunes adultes japonais) écrites par Kana Akatsuki et illustrées par Akiko Takase après Violet Evergarden : Éternité et la Poupée de souvenirs automatiques (sorti fin 2019 au Japon et début 2020 en France). On avait découvert cet univers à travers la série animée en treize épisodes Violet Evergarden diffusée sur Netlix, qui nous dépeignait un monde parallèle inspiré de l’Europe post Première Guerre mondiale. Violet, ancien enfant soldat, tentait de s’y reconstruire en tant que « poupée de souvenirs automatique », sorte d’écrivain public rédigeant des lettres pour ses clients. Ces lettres pouvaient s’adresser à un proche inaccessible (le plus souvent pour des raisons tragiques) auquel il s’agissait d’exprimer des sentiments, des regrets que l’on ne pouvait pas (ou plus) dire de vive voix. Chaque épisode nous introduisait donc de façon poignante des maux très intimes que Violet devait résoudre par sa plume. Chaque lettre réussie renforçait l’empathie de notre héroïne rendue froide et taciturne par son expérience guerrière, ce qui permettait de soigner ses propres plaies dont le fil rouge de la série, la probable mort au front de son mentor Gilbert dont elle était amoureuse.
Le problème du premier film était de ne pas savoir définir sa cible entre connaisseurs et néophytes de Violet Evergarden. Le nouveau venu entrait de plain-pied dans le récit sans la moindre contextualisation de l’univers ou caractérisation de l’héroïne, et le fan ne voyait pas de plus-value autre que formelle (mais les standards de la série, Kyoto Animation oblige, étaient déjà élevés sur ce point) pour ce qui paraissait surtout être un épisode rallongé. Tous ces écueils sont évités dans ce second film. Une narration au présent où un personnage tombe sur des lettres écrites à sa grand-mère par Violet des décennies plus tôt permet d’expliquer de manière limpide le concept de « poupée de souvenirs automatiques ». Ce personnage contemporain va ainsi remonter l’histoire de cette femme qui a tant compté pour sa grand-mère, une manière de (re)découvrir le passif de Violet et d’entrer dans cette nouvelle aventure. L’introduction est certes un peu longue, et même si l’émotion marchera sans doute plus chez les fans (qui revoient là certaines scènes parmi les plus poignantes de la série), cette fois, contrairement au premier film, tous les spectateurs partent à égalité et pourront se laisser emporter. Le sacerdoce épistolaire de Violet et sa rédemption intime s’enchevêtrent idéalement dans la narration, qui met en parallèle la lettre à ses parents qu’elle écrit pour un enfant mourant, et la résolution du grand mystère de son amour perdu qui s’avère bien vivant. Le film endosse cette idée de conclusion (le dernier volet du roman a précédé le film de quelques mois) à travers plusieurs niveaux de lecture. L’arrivée du téléphone et la construction en toile de fond d’un équivalent de la Tour Eiffel (qui démocratise la communication radio) sonne le glas programmé des poupées de souvenirs, ce qu’appuient les scènes au présent où le siège de l’entreprise est devenu un musée. Toutes les haines et rancœurs nationales comme personnelles, encore à vif dans le contexte d’immédiat après-guerre de la série, semblent apaisées. C’est le cas au niveau intime entre Violet et Dietfried (frère de Gilbert qui lui reprochait sa mort), mais aussi à une échelle plus vaste avec Gilbert, réfugié sur une île dont son camp décima les jeunes gens mobilisés durant la guerre. Finalement, seule Violet reste hantée par son passé tout en soignant celui des autres par ses lettres, et il en va de même pour Gilbert, devenu instituteur sur l’île. Le scénario fait de cette culpabilité l’enjeu essentiel. On s’attendait, par exemple, avec la révélation d’un Gilbert bien vivant à un rebondissement expliquant sa disparition par une possible amnésie. Il n’en sera rien, il s’est isolé du monde et de Violet car il s’en veut pour ses actions passées. La seule manière pour Violet de revivre, c’est de retrouver celui qu’elle n’a jamais oublié, et pour Gilbert, de retrouver celle qu’il n’a cessé de fuir. Le film parvient à condenser toute l’émotion et la puissance romanesque dilatée sur l’ensemble de la série dans un tout captivant. Cela se fait notamment par une forme tout simplement somptueuse. Les idées poétiques sont légions comme le vent emportant les lettres et nous faisant voguer d’une temporalité à une autre. Le sens du détail est stupéfiant, notamment dans tout ce qui relève de la tenue et des coiffures de Violet, protagoniste si méticuleuse (et la perte d’un ruban prenant un sens dramatique fort quant à son état d’esprit). L’arrière-plan urbain et historique est encore plus soigné que dans la série, qui étaient déjà impressionnants de maîtrise. Mais la force du film vient des instants où cette perfection technique se marie à un lâché prise émotionnel, surtout dans la dernière partie, quand l’espace plus sauvage de l’île autorise les confessions poignantes à cœur ouvert. Les retrouvailles finales avec cette course éperdue sur fond de crépuscule sont un grand et inoubliable moment de mélo. Cette seconde et infiniment supérieure itération cinématographie de Violet Evergarden nous offre donc une magnifique conclusion. On se prend à rêver qu’un éditeur publie les lights novels en France !En salle
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