Yuka, une lycéenne qui mène une vie paisible
avec son ami Koji se découvre un pouvoir. Son existence et celles de ses
camarades se voit alors bouleversée par l'arrivée d'une nouvelle élève,
Takasawa. Après les élections des délégués de classe, cette dernière
décide de changer les mœurs...
Avec House (1977), Nobuhiko Obayashi avait
brillamment intégré les expérimentations de ses premiers travaux
(courts-métrages, films publicitaires) à un tout inclassable où
s'entremêlaient le film de maison hanté, la comédie nonsensique et le
shojo adolescent. Nourri de ses essais précédents au format court, House
fonctionnait à la fois selon la logique du rêve en progressant sur une
suite de "moments" extravagants qui trouvaient néanmoins une cohérence
thématique qui seraient plus lisible dans les travaux suivants du
réalisateur. The Aimed School se situe à mi-chemin des écarts de House et des grands récits fantastiques féminins à venir comme le cycle Onomoshi (I are you, You am me (1982), The Little Girl Who Conquered Time (1983), Lonelyheart (1985) et Chizuko's Younger Sister
(1991)). L'histoire nous plonge dans un lycée comme tant d'autres,
partagé entre l'exigence des résultats et la volonté de laisser
s'épanouir. La jeune Yuka (Hiroko Yakushimaru), brillante et sociale
élève représente ces deux extrêmes avec son ami Kohji (Ryôichi
Takayanagi) sportif adepte du kendo mais plus laborieux dans ses
résultats scolaires.
Obayashi s'amuse de ces deux facettes, nous
plongeant avec délices dans toutes les spécificités lycéennes japonaises
comme les clubs (superbe scène de rentrée où tous se donnent en
spectacle), se jouant de chaque facéties des élèves comme débarquer
en cours en roller. En toile de fond règne cependant une certaine
angoisse à la fois universelle mais aussi spécifique au contexte
scolaire japonais (et asiatique si l'on étend). La même tension règne
dans le corps enseignant entre le professeur de sport soucieux du
bien-être des élèves et le directeur soucieux d'améliorer la côte de son
établissement. C'est donc un va et vient où sous les rires la pression
parentale (plus attachée à la comparaison aux résultats de l'élève du
voisin que de la vraie réussite de l'enfant) s'exerce notamment pour
Kohji, mais que l'insouciance et l'amorce de romance avec Yuka estompe
tel ce moment où elle lui donne des cours en subterfuge pour aller à ses
entraînements de kendo.
Le surnaturel intervient pour manifester de façon dramatique cette
dualité, notamment lorsque Yuka se découvre des pouvoirs
télékinésiques. Un mystérieux individu extraterrestre va alors
l'aborder pour qu'elle se range à ses côtés et use de son don pour
dominer les autres. C'est une manière symbolique pour l'héroïne de se
ranger du côté de la norme du dominant, se singulariser et sortir du
rang étant une manière d'être mis à la marge dans la société japonaise.
Devant le refus de Yuka, une nouvelle élève, Takasawa (Masami Hasegawa)
va endosser le rôle et ôter toute joie futile au quotidien des élèves
pour en faire des automates soumis. Le film est adapté du roman de
l'auteur de science-fiction japonais Taku Mayumura (qui sera adapté une
seconde fois en 1998 et en série d'animation en 2012 avec
Psychic School Wars) et ce socle narratif solide rend le film plus simple à suivre que
House
tout en déployant la même furie visuelle. Tout cela reste cependant
toujours parfaitement cohérent dramatiquement, notamment le jeu sur la
gamme chromatique où le noir et blanc s'insère dans la couleur et
inversement selon qu'on se situe dans le monde intérieur de Yuka ou la
réalité, ou lorsque l'on bascule du quotidien lycéen radieux au
totalitarisme scolaire.
Les effets de collages et de matte-painting
déploient un arrière-plan inquiétant qui s'impose à l'environnement
lycéen et urbain pour adopter le pont de vue anxieux des lycéens, la
fameuse crainte de sortir du rang et être jugés par les autres s'exprime
par la manifestation des pouvoirs d'une Takazawa à la présence
glaciale. Obayashi use d'effets à la fois enfantins et angoissants avec ces
éclats de lumière dans le regard, cette aura qui en émane et vous
écrase pour ôter tout libre-arbitre. A l'inverse les pouvoirs de Yuka ne
se révèlent bien souvent que malgré elle, poussée dans ses
retranchements et désireuse d'aider l'autre, jamais dans une logique
d'assujettir l'autre. La charismatique Hiroko Yakushimaru dégage ainsi
un sentiment de douceur et de bienveillance innée sans jamais tomber
dans la niaiserie, confirmant le talent exprimé dans ses rôles chez
Shinji Somai comme
Sailor Suit and Machine Gun (1981) et
Tonda Couple (1980).
La dernière partie est l'occasion de plonger de plain-pied dans la
démesure pour Obayashi avec nombre de scènes folles : un affrontement
onirique dans les rêves, une traversée de miroir, duels télékinésiques
grandiloquent. Les effets visuels usent de toute la palette
d'incrustations, décors pop bariolés et maquillages inquiétants pour
exprimer la bascule dans une autre dimension. Une nouvelle fois malgré
le kitsch et la cacophonie visuelle, tout est parfaitement cohérent sur
le fond et exprime un thème qui courre tout au long de la filmographie
d'Obayashi, le combat entre le totalitarisme, la tyrannie, et
l'innocence juvénile que l'on se doit de conserver. C'est un sujet
tenant à cœur à Obayashi qui vécut dans sa petite enfance les horreurs
de la guerre car vivant dans la région d'Hiroshima.
Il n'est donc pas
étonnant de voir les lycéens lobotomisés et formant désormais une milice
de bon comportement arborer l'uniforme de l'armée impériale japonaise
durant la Deuxième Guerre Mondiale, tandis que leurs visages zombifiés
reprennent le folklore esthétique du fantôme nippon. Alors bien sûr il
faut suivre ce déluge d'images et d'informations dans la frénésie du
récit, mais tout cela sera présent sous une forme plus épurée et
accessible dans les films suivants comme
Bound for the Fields, the Mountains, and the Seacoast (1986) et
Beijin Wartemelon
(1989) pour le message pacifiste et d'entraide, ou
Chizuko's Younger
Sister pour le questionnement adolescent. Là on savourera tout d'abord
un spectacle aussi charmant que furieux dont la superbe conclusion (Yuka
renonçant à son pouvoir et laissant le destin s'accomplir) est une
belle leçon dans ce que cherche à nous dire Obayashi.
Sorti en bluray et dvd japonais
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