En 1910, le village fictif de Vandorf est depuis 5 ans le témoin d'une bien étrange série de meurtres dont les cadavres sont devenus des statues de pierre. La découverte de la dernière victime, la fiancée de l'artiste Bruno Heitz, pousse ce dernier au suicide, laissant ainsi croire aux autorités qu'il était le coupable. Son père, persuadé de son innocence, se heurte à l'hostilité des habitants au point qu'on tente de mettre le feu à sa maison. Il se rend dans les ruines du château Borski et, confronté à la gorgone Megaera, sent qu'il se change progressivement en pierre. Avant de mourir, il parvient à écrire un ultime message à son aîné Paul, qui, aidé de son mentor, le professeur Meister, tentera de percer ce mystère au péril de sa vie.
La Gorgone est le premier film Hammer depuis la réorientation gothique du studio dont l’argument fantastique n’est pas issu de la littérature gothique (Dracula, Frankenstein…) ou une relecture des Universal Monsters (La Momie). Le projet naît d’un sujet proposé par J. Llewellyn Devine, et dont le scénario sera écrit par John Gilling qui amène la parenté mythologique à la créature, même si de façon très libre. C’est l’occasion pour Terence Fisher d’offrir une certaine variation de ton et de forme à son imagerie gothique, il y a un côté familier par l’utilisation de nombreux décors vu dans d’autres films Hammer mais avec une touche amenant malgré tout une certaine différence.
Une des forces du films (mais qui causera aussi son échec commercial) est d’amener une autre tonalité à la formule Hammer. Cela passe par le relatif mystère quant à l’identité de la Gorgone, et par extension un manichéisme plus flou. Peter Cushing n’incarne plus un inflexible pourfendeur du mal pour au contraire interpréter un personnage plus trouble et en définitive tragique car agissant par amour. Le jeu subtil de l’acteur laisse deviner tout un pan de détresse amoureuse contenue et désespérée, qui trouve son pendant plus explicite et emporté avec le personnage de Richard Pasco. L’un connaît la vérité mais refuse de l’exposer par amour malgré les conséquences dramatiques, et l’autre l’ignore et refuse de l’admettre quand tous les indices se mettent en place pour révéler l’impossible.A ces deux figures aveuglées par leurs sentiments s’ajoute l’omerta plus ignorante et froide de la communauté et de l’institution choisissant de maintenir au fil des années les apparences. Terence Fisher parvient à traduire par l’image et son usage du fantastique cette idée d’hypocrisie. Il y a bien sûr l’idée de la Gorgone dont il ne faut pas soutenir le regard sous peine d’être pétrifiée, métaphore de cette vérité que l’on ne souhaite pas reconnaître. Le réalisateur n’articule pas le suspense autour du secret de l’identité de la Gorgone, mais au contraire multiplie les analogies formelles lors des apparitions de Carla (Barbara Shelley) pour laisser entendre sa nature « autre ». La prestation vulnérable et angoissée de l’actrice crée donc un sentiment d’attente contrasté, où la frayeur se dispute à l’attente de voir le personnage se révéler et basculer définitivement.Les purs instants de flamboyance gothique se dotent d’une étrangeté plus prononcée qu’avec les créatures habituelles, du fait de cette ambivalence entre effroi et pitié envers ce que l’on pressent être de la Gorgone. Le film est un peu boiteux dans son rythme et sa narration mais parvient à rester prenant grâce à cette approche. Le look de la Gorgone tant qu’il restant distant et suggéré est très intimidant, et même un trucage final moyennement réussi ne parvient pas à en estomper l’aura. Une production Hammer imparfaite, mais singulière et marquante.
Sorti en bluray français chez ESC
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