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dimanche 30 juillet 2023

Executioners - Xian dai hao xia zhuan, Johnnie To et Ching Siu Tung (1993)

Au lendemain d’une terrible guerre nucléaire, l’eau non polluée est devenue une denrée rare. Inventeur d’un système de purification d’eau, M. Kim a l’intention de renverser le pouvoir en place pour régner en maître sur le pays. Le trio héroïque va alors se reformer, bien décidé à lutter contre ce tyran…

Heroic Trio (1993) fut une tentative foutraque, inventive et jubilatoire de mélanger film de super-héros au féminin avec les codes du cinéma d’action hongkongais. Le film ne rencontrera malheureusement pas le succès escompté mais, qu’à cela ne tienne, il s’agira d’en rentabiliser les rutilants décors en produisant une suite dans la foulée qui sortira sept mois plus tard à Hong Kong. S’il fallait qualifier Executioners d’une analogie littéraire, ce serait comme si Alexandre Dumas était passé directement de Les Trois mousquetaires à Le Vicomte de Bragelonne en oubliant Vingt ans après. Heroic Trio marquait le rencontre et l’association des trois héroïnes, et ce second film saute l’étape de l’âge d’or de leurs exploits pour directement aborder leur crépuscule héroïque dans une tonalité désenchantée.

Cette rupture se fait aussi à travers le genre et l’esthétique du film. Le flamboyant film de super-héros sous influence Hollywoodienne (Batman (1989) et Batman, le défi (1992) de Tim Burton, Dick Tracy de Warren Beatty (1990)) laisse donc place au récit postapocalyptique où la majesté insouciante du trio n’a plus place. Heroic Trio mélangeait action décomplexée avec certains sursauts de noirceur et cruauté qui avaient éventuellement pu désarçonner les spectateurs hongkongais. Executionners est plus uniforme dans son ton mélodramatique et des ajouts (la petite fille du personnage d’Anita Mui) permettant de le renforcer à moindre frais. Tout comme son prédécesseur, Executionners entretient un lien fort avec le contexte socio-politique hongkongais de l’époque. 

La catastrophe nucléaire responsable du chaos ambiant s’inspire d’une vraie peur née de la mise en service de Centrale nucléaire de la baie de Daya en 1993, les hongkongais craignant l’accident et l’infection de leur eau, soit la situation du film. Les antagonistes de Heroic Trio représentaient une allégorie du régime chinois qui avant la rétrocession hantait symboliquement les hongkongais par les noirs desseins qu’il entretenait dans les égouts de la ville, avant de pouvoir agir au grand jour. L’attaque est plus explicite dans Executionners avec ce régime en partie sous joug militaire, ne lésinant pas sur les arrestations arbitraires et les tueries de masses dans une scène où plane explicitement l’ombre des massacres de Tiananmen. 

Dans cet environnement la personnalité de notre trio se trouve empêché dans son héroïsme. Maggie Cheung toujours aussi imprévisible et vénale n’a plus le garde-fou de ses acolytes, Anita Mui ayant abandonné le costume pour son désormais rôle de mère de famille, et Michelle Yeoh la plus empathique étant fortement engagée dans le lien à entretenir entre la population et le pouvoir politique. Il n’y a réellement aucune scène, même à la fin où le trio se trouve réuni et renoue avec sa splendeur d’antan. L’ensemble du film est une suite de rendez-vous manqué entre déchéance et morceaux de bravoures plus individualisés. Cette incapacité s’exprime dans les quatre chansons conduisant et exacerbant le drame en marche durant des rebondissements clés, et le personnage de Takeshi Kaneshiro, sorte de religieux pacifiste manipulé, marque la fin de ces bonnes intentions candides.

Formellement il faut donc oublier la luxuriance d’Heroic Trio avec des décors se résumant à des usines et hangars désaffecté. La photo de Poon Hang-Sang baigne dans une atmosphère grise et cafardeuse d’où surnage peu d’espoir. Ce côté désespéré déteint sur les combats dans lesquels on sent une mainmise plus grande de Ching-Siu-tung par rapport au premier film – il est cette fois crédité en tant que coréalisateur. Les poses iconiques sont rares voire absentes, les affrontements plus brutaux, sanglants, douloureux et moins pourvus en bottes secrètes triomphante. 

D’ailleurs hormis un Anthony Wong aussi théâtral qu’inquiétant en méchant, toute extravagance comic-book est absente dans Executionners. Il y aurait bien la longue montée en puissance voyant Anita Mui prisonnière qui se sculpte un nouveau masque dont les contours se dessinent en ombre pour ses géôliers, mais l’issue vengeresse de la séquence s’éloigne de la grâce du premier film par sa violence. Executionners est une suite surprenante et courageuse qui achève de faire de ce diptyque une tentative des plus singulières.

Sorti en bluray chez Carlotta Films

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