Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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jeudi 1 mars 2012

Summer Wars - Samā Wōzu, Mamoru Hosoda (2010)


En 2010, Kenji Koiso est un jeune lycéen passionné par les mathématiques. Il travaille l'été au service informatique d'OZ, un réseau social en ligne qui est une gigantesque communauté virtuelle mondiale dans laquelle entreprises et administrations y possèdent des façades interactives. C'est alors que Natsuki lui demande de l'accompagner à Nagano pour la dépanner. Il se retrouve alors en pleine préparation de la fête d'anniversaire de la chef du clan Jinnouchi alors que Natsuki lui demande de jouer un rôle très embarrassant auprès de sa famille. Pendant ce temps, une intelligence artificielle pirate le système de sécurité d'OZ et attaque les utilisateurs.
 
Ce remarquable Summer Wars venait confirmer Mamoru Hosoda comme un des réalisateurs les plus brillants de l’animation japonaise actuelle, même si ce talent mis un certain temps à éclore. Hosoda fait des débuts modestes au sein de la Tôei Animation où il enchaîne en tant qu’animateur puis réalisateur les travaux sur des produits commerciaux destinés au jeune public comme Digimon ou Magical Doremi. La donne change en 2003 où il se fait remarquer notamment grâce deux très inventifs films publicitaires pour Vuitton et le quartier de Roppongi Hills à Tokyo. Sa côte monte au point qu’il est envisagé comme réalisateur du Château ambulant par Ghibli avant que Miyazaki se ravise et dirige le film.

Le public français fit la connaissance de Hosoda en 2007 avec son vrai premier film, La Traversée du temps. Pour la première fois les mains libres, il réalise là un petit bijou. Récit des aventures d’une lycéenne soudainement doté du pouvoir de voyager dans le temps, La Traversée du temps offrait un spectacle étourdissant, drôle et touchant en déployant son idée de départ à des hauteurs insoupçonnées, par la grâce de la réalisation de Hosoda et du scénario de Satoko Okudera (adaptant un roman du même auteur que le Paprika de Satoshi Kon). Véritable triomphe au Japon (où il reste quarante semaines à l’affiche) et dans le monde (dont un prix du jury au Festival d’Annecy), La Traversé du temps révéla donc au grand jour le talent de Mamoru Hosoda qui réunit là la même équipe au sein du Studio Madhouse pour ce Summer Wars.

Le récit complexe et orienté SF paraît moins immédiat et universel que La Traversée du temps au premier abord, mais Hosoda l’amène rapidement sur un terrain plus humain. Le scénario croise le chaos provoqué par le hackage de Oz, réseau virtuel mondial et le destin des Jinnouchi, famille traditionnelle autrefois très influente au Japon. Nos guides seront le jeune Kenji, lycéen timide (et responsable involontaire du piratage) et sa camarade Natsuki qui lui propose de participer à l’anniversaire de sa grand-mère, doyenne du clan. Alors que la défaillance de Oz s’apprête à faire sombrer l’équilibre planétaire, le parcours initiatique de Kenji se mêle au récit familial où chacun devra se révéler et s’unir pour empêcher le désastre. Hosoda mêle ainsi la science-fiction la plus spectaculaire et un ton très intimiste avec un équilibre étonnant.

A l’heure de facebook et twitter, le film pose de vraies questions sur notre rapport à ces nouveaux réseaux sociaux, créant un monde immersif détaché de la réalité où l'on peut acheter, travailler, et communiquer avec ses amis sans mettre un pied dehors. Communication étendue ou déshumanisation ? La réponse de Hosoda se situe entre les deux, en montrant les dégâts et l’utilisation néfaste que peut provoquer la dépendance à de tels outils. Hosoda fait d’ailleurs preuve d’une remarquable cohérence en osant ce qui est ordinairement proscrit dans ce type de récit.

Contrairement à tous les Matrix, Existenz et autres Paprika qui se plaisent tant à nous noyer et égarer dans leurs univers virtuels aux possibilités infinies, le réalisateur nous ramène constamment au réel lorsque les actions extravagantes exécutées dans Oz trouvent toujours leurs réactions chez les personnages manœuvrant dans la réalité devant leur écran. Jamais on ne s'aventure dans l'immersion virtuelle totale trop facile. Hosoda aura réussi à rendre cela limpide avec le même talent que dans La Traversée du temps en privilégiant longuement le quotidien, la complicité et les conflits qui agitent cette famille. Ce n’est d’ailleurs pas un mince exploit que de cerner les personnalités et préoccupations de près de dix personnages en aussi peu de temps.

Les séquences à émotions fonctionnent ainsi magnifiquement, notamment la disparition tragique de la grand-mère ou encore Natsuki demandant à Kenji de serrer sa main pour stopper ses larmes. La tradition d’initiative du clan Jinnuchi se frotte ainsi à une menace moderne dans un tout cohérent, tout en révélant la nature de héros de l’effacé Kenji. Les affrontements dans le monde virtuel réussissent donc à être palpitants pour le non initié tout en flattant les geeks gamers (les combats furieux du combattant virtuel King Kazuma sont survoltés), notamment un grand final épique doté d’une jolie idée lors de l’ultime duel lorsque la famille enfin réunie soutenu par la terre entière défie l’indestructible adversaire à une partie de Hanafuda (jeu de carte traditionnel japonais).

Le passé et le moderne s’entremêlent et se nourrissent pas cette idée narrative brillante qui offre un aboutissement parfait à la thématique du film. D’ailleurs, le monde virtuel de Oz, même s'il peut rappeler les classiques Paprika ou Ghost in the shell trouve sa propre originalité avec une esthétique très ludique, enfantine et fonctionnelle tel qu'on trouve dans les outils de communication récents. Une belle réussite qui rend impatient de découvrir les futurs projets de Mamoru Hosoda.


Sorti en dvd zone français chez Kaze, tout comme le merveilleux La Traversée du temps dont on a déjà causé sur le blog et que je recommande tout aussi vivement.


5 commentaires:

  1. J'en une nette préférence pour le spleenesque "La traversée du temps", mais Summer Wars est également une belle preuve qu'Hosoda est un cinéaste qui compte dans le paysage de l'animation japonaise.

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  2. Je préfère aussi "La Traversée du temps" qui fut vraiment une très belle surprise mais là Hosoda apporte une belle confirmation des espoirs qu'il avait pu susciter. Pour "La Traversée du temps" j'en parlais ici

    http://chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.com/2010/06/la-traversee-du-temps-toki-wo-kakeru.html

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  3. Bizarrement, j'ai absolument détesté Summer Wars.... n'empêche, j'ai hâte de regarder La Traversée du temps !!

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  4. Oui les deux films sont très différents, La Traversée du temps peut vraiment te plaire malgré les réserves sur Summer Wars, à tenter quand même donc ! D'ailleurs le nouveau Mamoru Hosoda sors fin aout en salle et pou les parisiens qui traînent par ici il y a une avant première demain soir à l'UGC des Halles...

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  5. Petite erreur de ma part l'avant-première est le 25 juin et n'avait donc pas lieu ce soir mais lundi prochain ^^

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