Joel (Jim Carrey) tombe de haut quand il découvre que sa compagne, Clémentine (Kate Winslet), a effacé de sa mémoire leur relation tumultueuse. Désespéré, il prend contact avec l'inventeur du procédé, le Dr Howard Mierzwiak (Tom Wilkinson), pour subir le même traitement. Mais tandis que ses souvenirs s'évanouissent, Joel se rend soudain compte qu'il aime toujours Clémentine.
Quand l’esprit azimuté du scénariste Charlie Kaufman (Dans la peau de John Malkovich, Adaptation…) décide d’accoucher d’une comédie romantique, on peut être sûr que cela ne ressemblera à rien de connu. Eternal Sunshine of Spotless Mind offre ainsi le film le plus abouti issu des folles idées du scénariste et concrétise la collaboration avec Michel Gondry entamée sur un inégal Human Nature où les concepts de Kaufman avaient du mal à se marier au génie visuel du réalisateur.
Le film débute pourtant de la plus paisible et tendre des façons lorsque le timide et emprunté Joel (Jim Carrey) croise par hasard la route de la bouillonnante Clementine (Kate Winslet) sur la plage où il fuyait la déprime d’une énième journée de boulot similaire aux autres. Regards en coin, phrasé incertain et maladresse attachante, cette scène est une petite merveille de romantisme balayé d’une froide ironie quelques instants plus tard. Notre couple se connaît déjà et a été séparé par une froide technologie.
Clementine suivant sa nature impulsive a décidé après une énième dispute manière radicale d’effacer Joel de ses souvenirs en ayant recours au procédé révolutionnaire de la société Lacuna. Décidé à recoller le morceau Joel va effectivement constater qu’elle ne le reconnaît plus et qu’elle lui a même déjà trouvé un remplaçant. Ayant découvert le pot aux roses, Joel décide de faire de même et d’effacer Clementine de son esprit, mais si ce dernier s’y refusait ?
Kaufman et Gondry soulèvent de fascinantes questions sous leur intrigue alambiquée. Qu’est ce qui attire deux êtres l’uns vers l’autre ? Ici on peut y voir une certaine métaphore de la réincarnation et de l’éternel recommencement, une concrétisation du concept de l’âme sœur où même en ne sachant plus rien l’un de l’autre nos tourtereau sont irrésistiblement attirés car ils sont fait pour être ensemble tout simplement. Kaufman y voit un concept d’alchimie pure et immuable confirmé par l’échec du personnage d’Elijah Wood qui tentera de séduire Clementine en volant les souvenir de Joel. Le revers de la médaille viendra avec Kirsten Dunst (dont le personnage insouciant atteint une étonnante dimension tragique) où cet éternel recommencement peut également conduire à reproduire les même erreurs, à être séduite par la personne qu’il ne faut pas. C’est un penchant, un élan naturel qu’aucune technologie ne peut réellement remplacer voilà le message du film.
Michel Gondry déploie toute son inventivité et ses idées ludiques pour ce voyage intime dans le souvenir d’une relation amoureuse. Tous les artifices les plus fous y passent avec poésie, tendresse et douce folie lorsque Joel change d’avis et décide de conserver Clementine dans un coin de son esprit à l’abri de la machine. Obscurcissement ou dilatation du décor, situations surréalistes, déformations des visages et silhouettes de plus en plus incertaines au fil de leur aspiration dans le néant du subconscient et ensuite quelques délirants apartés où Joel reviendra dans ses souvenirs les plus honteux pour dissimuler Clementine à ses poursuivants. Sous le fatras visuel (Gondry caresse depuis longtemps le projet d’adapter Ubik de Philip K. Dick et il montre là toute les aptitudes pour le faire brillamment) on a finalement un homme qui porte un regard lucide sur une relation passée, s’attendri sur les plus doux souvenirs et prend conscience de ses erreurs.
Les échanges avec Clementine et les constats qui en sont tirés sont finalement des dialogues intérieurs avec lui-même où il comprendra l’importance de cette femme dans sa vie, malgré tous ses défauts. C’est d’ailleurs là toute l’importance de l’épilogue qui pourrait sembler de trop où nos héros sont avertis de leur relation passée, plutôt que l’éternel recommencement diablement romantique attendu (mais peut-être éternel échec aussi) Kaufman y mêle la notion d’amélioration et de reconstruction d’autant plus touchante.
Jim Carrey a rangé la boite à grimaces (à quelques hilarantes exceptions près comme ce retour en enfance) pour composer un très attachant amoureux à fleur de peau contrebalancé par une toute aussi exceptionnelle Kate Winslet en peroxydée au caractère volcanique et craquant. Ce moment où Joel altère son premier et dernier souvenir de Clementine pour lui offrir un dernier adieu est sans doute le plus émouvant jamais écrit par Charlie Kaufman. Une des plus belles, si ce n’est la plus belle comédie romantique des années 2000 qui recevra un Oscar mérité du meilleur scénario original (qui emprunte en partie certains éléments aux deux romans de Boris Vian L’herbe rouge et L’arrache-cœur).
How happy is the blameless Vestal's lot!
The world forgetting, by the world forgot;
Eternal sunshine of the spotless mind!
Each pray'r accepted, and each wish resign'd.
Sorti en dvd zone 2 français chez Universal
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