vendredi 17 août 2012
Chronique d'un homicide - Imputazione di omicidio per uno studente, Mauro Bolognini (1972)
Un jeune homme, étudiant en architecture, participe à une manifestation sur la voie publique. Durant celle-ci, un membre des forces de l'ordre trouve la mort.
Chronique d'un homicide peut surprendre au premier abord lorsqu'on y voit associé le nom de Mauro Bolognini. L'histoire est en effet emblématique du cinéma politique italien des "Années de Plomb" et depuis la fin de sa collaboration avec Pasolini on associe plutôt Bolognini à la grande adaptation littéraire et au film historique qu'à des récits contemporains. Pourtant même dans ses films d'époque le réalisateur n'a jamais cessé de se préoccuper du monde qui l'entoure. Metello (1970) évoquait des révoltes ouvrières gauchistes de la fin du XIXe reflet de l'agitation qui allait mener aux Années de Plomb et plus tard Liberté mon amour (1975) et Vertiges (975) scrutait l'ascension du fascisme dans l'Italie avant et durant la Deuxième Guerre Mondiale alors que la jeunesse d'alors oubliant les dérives passées trouvait une nouvelle attirance dans ce mode de pensée. Bolognini retrouve d'ailleurs ici son scénariste de Metello, le très politisé Ugo Pirro déjà auteur entre autres des scripts d'Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon et La Classe ouvrière va au paradis pour Elio Petri, Le Jardin des Finzi Contini de Vittorio De Sica ou L'héritage à nouveau pour Bolognini.
Le film s'ouvre sur une violente manifestation opposant policiers et étudiant au terme de laquelle un membre de chaque camp trouvera dramatiquement la mort. D'un côté, un policier véreux tirera dans le tas pour calmer ces jeunes sauvages et de l'autre un étudiant fracassera le crane d'un officier armé d'un poing américain. Cet étudiant, c'est Fabio (Massimo Ranieri) fils du juge Sola (Martin Balsam) en charge d'instruire l'affaire. Dès lors le juge va tenter de maintenir une partialité mise à mal par les pressions de la police et la découverte progressive de l'implication de son fils dans les évènements.
Bolognini renvoie finalement les parties dos à dos : la police représentative du système qui va pousser à condamner un innocent pour venger la mort de leur collègue mais également ces jeunes révolutionnaire prêt à laisser leur ami en prison pour maintenir la tension avec l'autorité. La prestation ambiguë de Massimo Ranieri est à ce titre des plus intéressantes. Il représente une sorte de pendant de Bolognini lui-même, jeune étudiant en architecture (formation initiale de Bolognini) dont les origines bourgeoises paraissent incompatible avec son engagement politique, tout comme Bolognini peut sembler illégitime sur un film engagé.
Le réalisateur met ainsi en valeur la fièvre et la rage du jeune Fabio prouvant ainsi qu'il n'y a pas de milieu dédié pour avoir des convictions, tout comme dans son cas il n'y a pas de filmographie qui justifie plus qu'une autre de les exprimer. Dans le même temps le mépris de sa famille (la scène avec la mère jouée par Valentina Cortese sont très dure) par Fabio dénonce aussi le mode de pensée extrême visant à se détacher de tout le passé pour la cause et qui conduira à la dérive terroriste de ces jeunes en révolte.
Martin Balsam (star du polar italien depuis le succès de Confession d'un commissaire de police au procureur de la république) offre une superbe prestation avec le personnage le plus humain du film. Malgré ses volontés d'impartialité, il sera le seul à suivre la voie de son cœur au-delà des idéaux et de son devoir pour tout simplement protéger son fils. L'acteur laisse perler l'émotion et la détermination vacillante de ce juge avec une grande justesse tel ce moment où il craque après une confrontation avec son fils endoctriné et inflexible. Mauro Bolognini, accusé souvent à tort de formalisme gratuit et d'être un sous Visconti n'applique vraiment cette esthétique recherchée que par soucis de réalisme et surtout quand elle est justifiée.
Chroniques d'un homicide est donc très sobre, avec une mise en scène simple et directe (hormis la manifestation heurtée et chaotique en ouverture) dont les décors se résument le plus souvent aux intérieurs où ont lieux les échanges entre les protagonistes. C'est de ses échanges que naîtra la tension et l'émotion à l'image des confrontations entre père et fils où se ressent le fossé des générations mais également de la pensée et vision de la société. Beau film qui démontre une fois de plus l'étendue du registre de Mauro Bolognini.
Sorti en dvd zone 2 français chez SNC/M6 Vidéo
Extrait sur le magnifique score d'Ennio Morricone
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