Tokiko est une célèbre
artiste céramiste, assistée par son amante Haruka, qui lui obéit aveuglément.
Celle-ci développe une profonde jalousie lorsque Tokiko accepte de chaperonner
un nouvel étudiant, Satoru.
White Lily
s’inscrit pour la Nikkatsu dans la volonté de revival du Roman Porno, genre phare et sulfureux du studio dans les années 70
qui contribua à le relancer commercialement. A l’époque, le Roman Porno avait
permis à de jeunes réalisateurs de mettre le pied à l’étrier, les meilleurs
parvenant à jongler avec les contraintes du genre et creuser un sillon
personnel : Masaru Konuma, Tatsumi Kumashiro ou encore Noboru Tanaka. La
démarche semble légèrement différente pour ce reboot où la Nikkatsu a fait
appel à des réalisateurs aguerris voire même cultes avec, entre autres, Sono Sion
sur Antiporno ou donc Hideo Nakata avec White
Lily. Si la collaboration avec Sono Sion semble avoir été assez houleuse
(le résultat singulier d’Antiporno
loin des canons du Roman Porno en témoigne), Nakata se montre plus fidèles aux
attentes, ce qui n’est guère surprenant puisqu’il est familier d’un genre dans
lequel il débuta en tant qu’assistant de Masaru Konuma.
Une fois les passages obligés (une scène érotique à
intervalle régulier) acceptés, le Roman
Porno offre un spectre narratif et thématique vaste qui va de la romance à
l’observation d’une perversion, du message féministe au machisme le plus
putassier. White Lily s’attache à une romance lesbienne reposant sur une
relation dominant/dominé. Haruka (Rin Asuka) est la disciple de la céramiste
Tokiko (Kaori Yamaguchi) qui l’a recueillie adolescente et lui a enseignée son
art. Un drame altère ce rapport filial pour conduire les deux femmes vers une
relation charnelle où se développent des sentiments contradictoires entre
amour, dévotion aveugle, désir coupable et égoïsme. Tokiko est un personnage
torturé qui se perd en aventures sans lendemain et beuveries, le seul repère
affectif et sexuel étant finalement Haruka. Ce constat la trouble au point de
malmener cruellement sa jeune maîtresse en la narguant avec ses amants d’un
soir, de la prendre de haut, mais finalement retombe dans ses bras une fois
constatées les frustrations (existentielles comme sexuelles) du reste de sa
vie. La première scène d’amour lesbienne intervient d’ailleurs après que Tokiko
ait congédié son aventure du jour, Haruka étant la seule à même de la
satisfaire.
L’arrivée de Satoru (Machii Shoma), jeune apprenti
séduisant, va briser ce fragile équilibre. Ce n’est plus un homme de passage
mais une présence qui va investir la maison et voler l’attention amicale et
charnelle de Tokiko à Haruka. Les présences masculines temporaires qui
demeuraient hors-champ et n’existaient qu’en tant qu’exutoire sexuel au départ
(la coucherie entre Tokiko et un homme observée du point de vue d’Haruka,
jalouse et excitée dans la chambre voisine) s’affichent désormais pleinement
sous le regard meurtri d’Haruka, dans le quotidien comme les plaisirs intimes.
Le dispositif est donc très intéressant même si discutable sur certains points.
Toutes les femmes sont torturées et dominées par leurs émotions (si l’on y
ajoute la petite-amie jalouse et hystérique de Satoru), quand Satoru sera au
mieux victime, mâle alpha vigoureux et personnage le plus lucide profitant
gaiement de la situation. La narration habile distillant quelques informations
clés en flashback sur le lien Haruka/Tokiko parvient cependant à atténuer ce
sentiment.
C’est cependant dans la mise en scène du sexe que Nakata
dévoile pleinement son propos. La dévotion d’Haruka et la plénitude du moment
s’expriment dans la nature onirique de la première scène lesbienne, à
l’atmosphère immaculée de blanc et où flottent les pétales de fleurs quand
explose l’orgasme. Toute cette esthétique illustre l’émoi que ressent Haruka
quand Tokiko dissimule le sien, en demandant à sa partenaire de ne pas la
regarder dans les yeux. Ce regard partagé aura scellé leur rapprochement
initial, mais Tokiko (par pudeur, honte ou culpabilité de ce désir lesbien) le
refuse depuis, ce qui sera manifeste dans une scène de dispute où elle rejette
Haruka.
A l’inverse, l’ultime scène de sexe concluant le film (et arrive alors
que le rapport de force est inversé) réintroduit ce regard et surtout inscrit
cette étreinte dans le réel, les échappées stylisées n’ayant plus cours avec
nos héroïnes, brièvement sur la même longueur d’ondes. Nakata signe une œuvre à
la sensualité assumée et troublante, qui ne pèche que quand elle essaie de
recycler les idées formelles des Roman Porno d’antan. Ainsi, la métaphore d’un
cunnilingus en léchant une fleur est sacrément kitsch et ridicule sans la
magnificence visuelle des Roman Porno
seventies (la patine numérique n’égale pas le scope, le cadrage et les couleurs
des classiques du studio) – la même idée est utilisée dans Le Couvent de la bête sacrée de Norifumi Suzuki (1974) pour un résultat
autrement plus poétique. Quoiqu’il en soit, une belle réussite pour un Hideo
Nakata, pas aussi inspiré dans ses productions récentes.
Disponible chez Elephant Film
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