Au XVIIè siècle, la jeune et innocente Magdeleine de Maupin est forcée
de fuir la maison de son oncle où les soldats hongrois sont sur le point
d'arriver. Déguisée en abbé, elle prend la route du couvent. Prise pour
un homme, elle est arrêtée par une troupe du roi qui décide de
l’enrôler contre son gré. C'est à partir de ce moment qu'elle prend le
nom de Theophile.
Mauro Bolognini signe un trépidant récit picaresque avec Le Chevalier de Maupin qui le voit
adapter le roman Mademoiselle de Maupin
de Théophile Gautier. La mise à mal de la figure masculine avait eu lieu dans Le Bel Antonio (1960) tandis qu’un
féminisme éclatant s’exprimerait avec la Claudia Cardinale résistante de Liberté, mon amour (1975). Ces deux
voies s’expriment dans Le Chevalier de
Maupin avec Magdeleine (Catherine Spaak), corsetée dans ses robes comme
dans les conventions, destinée à simplement être belle pour un futur époux
qu’elle ne désire pas. Cette pensée rétrograde correspond d’ailleurs à la mentalité
bourgeoise avec cette ironie en début de film durant la fête où les discussions
s’amusent d’un possible révolte du peuple.
Les circonstances de la grande Histoire vont précipiter
l’émancipation de Magdeleine à travers un travestissement en homme pour
échapper aux sbires de l’impératrice d’Autriche. Le mélange d’espièglerie et
d’innocence de notre héroïne va donc la promener dans ce monde qu’elle connaît
si peu, un monde poreux dans sa dynamique masculin/féminin. Plutôt que de
s’amuser de l’opposition de la frêle jeune fille à des environnements d’hommes
(élément à fort potentiel puisqu’elle est malgré elle enrôlée dans l’armée),
c’est à l’inverse au trouble que sa présence androgyne développe chez les
autres qui intéresse Bolognini. La promiscuité crée un désir qu’il refoule et
ne s’explique pas chez le Capitaine Alcibiade (Robert Hossein) pure figure
virile qui révèlera ses failles, tandis que la noblesse décadente du Chevalier
d’Albert (Tomás Milián étonnant en dandy précieux) accepte et poursuit son
attirance coupable. Les péripéties savent donc exprimer charme distancié et
veine picaresque grâce aux dialogues subtils mais aussi le brio formel de
Bolognini. Le réalisateur fige des
tableaux réalistes (les scènes de ville pleine de vie), stylisé (les
compositions somptueuses du final dans la maison close) et raffiné grâce au
costumes de Piero Tosi et à la photo solaire de Ennio Guarini.
C’est cependant dans l’érotisme trouble et feutré que le
film fait merveille. Les formes se laissant deviner sous l’uniforme de
Catherine Spaak laisse planer une sensualité latente que Bolognini rend
explicite par intermittences par de superbes idées formelles (le postérieur de
Catherine Spaak visible dans le reflet d’une flaque d’eau). Les dialogues
piquants et étonnamment explicites sur l’homosexualité donnent quelques
séquences comiques et audacieuses où il s’agira d’assumer ses penchants. Cela semble plus simple pour
une noblesse sans œillères morales, mais c’est une liberté intime de plus à
conquérir pour les modestes que sont Alcibiade (ou Ninon la prostituée en quête
d’émancipation qu’incarne Ottavia Piccolo).
Mauro Bolognini lui-même homosexuel
s’amuse ainsi à faire bouger les lignes (un baiser inattendu, un lit partagé et
quelques gestes équivoques) des unions
même s’il fait retomber l’ensemble dans la norme lors du final. La perdition du
lieu (une maison-close) donne une fascinante contradiction au charivari
romantique final, où la caméra suit les amoureux qui s’épient, se cherchent et
se suivent dans un décorum tout sauf chaste. Un superbe écrin à la beauté et au
charisme de Catherine Spaak, dont l’élégance s’élève au-dessus des normes de
genres.
Visible actuellement à la Cinémathèque française dans le cadre de la rétrospective consacrée à Mauro Bolognini
Raah !! Bonjour Justin, j'adore ce film et j'attends depuis toujours une édition en support, toi qui es dans la confidence des Dieux du Cinéma, sais-tu s'il y aura un dvd ou autre blu prochainement ??
RépondreSupprimerTes chroniques sont toujours passionnantes, j'ai ainsi appris que Bolognini était homo, c'est peut être un détail pour vous (la la la), mais c'est le genre de détail que j'aime connaitre car cela illumine parfois le(s) sens de certaines oeuvres cinématographiques ( "La Nuit du Chasseur" for example, avec un Charles Laughton imprégné de foi chrétienne culpabilisante).
Catherine
Salut Catherine,
SupprimerJe n'ai pas eu d'info pour une sortie dvd ou bluray, le film passe de temps en temps au cinéma de minuit mais j'ai j'ai profité de la rétro à la Cinémathèque pour le voir sur grand écran. Les histoires d'ayant-droits doivent être compliquées avec ce genre de coprod européenne des années 60 ç aexplique que ça traîne à sortir en vidéo.
Ouais ça traine ou ça risque de ne jamais sortir à moins qu'un employé fan du film appuie pour une future édition, c'est bien dommage !!
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