Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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dimanche 10 novembre 2019

Le Chevalier de Maupin - Mauro Bolognini (1966)


 Au XVIIè siècle, la jeune et innocente Magdeleine de Maupin est forcée de fuir la maison de son oncle où les soldats hongrois sont sur le point d'arriver. Déguisée en abbé, elle prend la route du couvent. Prise pour un homme, elle est arrêtée par une troupe du roi qui décide de l’enrôler contre son gré. C'est à partir de ce moment qu'elle prend le nom de Theophile.

Mauro Bolognini signe un trépidant récit picaresque avec Le Chevalier de Maupin qui le voit adapter le roman Mademoiselle de Maupin de Théophile Gautier. La mise à mal de la figure masculine avait eu lieu dans Le Bel Antonio (1960) tandis qu’un féminisme éclatant s’exprimerait avec la Claudia Cardinale résistante de Liberté, mon amour (1975). Ces deux voies s’expriment dans Le Chevalier de Maupin avec Magdeleine (Catherine Spaak), corsetée dans ses robes comme dans les conventions, destinée à simplement être belle pour un futur époux qu’elle ne désire pas. Cette pensée rétrograde correspond d’ailleurs à la mentalité bourgeoise avec cette ironie en début de film durant la fête où les discussions s’amusent d’un possible révolte du peuple.

 Les circonstances de la grande Histoire vont précipiter l’émancipation de Magdeleine à travers un travestissement en homme pour échapper aux sbires de l’impératrice d’Autriche. Le mélange d’espièglerie et d’innocence de notre héroïne va donc la promener dans ce monde qu’elle connaît si peu, un monde poreux dans sa dynamique masculin/féminin. Plutôt que de s’amuser de l’opposition de la frêle jeune fille à des environnements d’hommes (élément à fort potentiel puisqu’elle est malgré elle enrôlée dans l’armée), c’est à l’inverse au trouble que sa présence androgyne développe chez les autres qui intéresse Bolognini. La promiscuité crée un désir qu’il refoule et ne s’explique pas chez le Capitaine Alcibiade (Robert Hossein) pure figure virile qui révèlera ses failles, tandis que la noblesse décadente du Chevalier d’Albert (Tomás Milián étonnant en dandy précieux) accepte et poursuit son attirance coupable. Les péripéties savent donc exprimer charme distancié et veine picaresque grâce aux dialogues subtils mais aussi le brio formel de Bolognini. Le réalisateur  fige des tableaux réalistes (les scènes de ville pleine de vie), stylisé (les compositions somptueuses du final dans la maison close) et raffiné grâce au costumes de Piero Tosi et à la photo solaire de Ennio Guarini. 

 C’est cependant dans l’érotisme trouble et feutré que le film fait merveille. Les formes se laissant deviner sous l’uniforme de Catherine Spaak laisse planer une sensualité latente que Bolognini rend explicite par intermittences par de superbes idées formelles (le postérieur de Catherine Spaak visible dans le reflet d’une flaque d’eau). Les dialogues piquants et étonnamment explicites sur l’homosexualité donnent quelques séquences comiques et audacieuses où il s’agira d’assumer  ses penchants. Cela semble plus simple pour une noblesse sans œillères morales, mais c’est une liberté intime de plus à conquérir pour les modestes que sont Alcibiade (ou Ninon la prostituée en quête d’émancipation qu’incarne Ottavia Piccolo).

Mauro Bolognini lui-même homosexuel s’amuse ainsi à faire bouger les lignes (un baiser inattendu, un lit partagé et quelques gestes équivoques)  des unions même s’il fait retomber l’ensemble dans la norme lors du final. La perdition du lieu (une maison-close) donne une fascinante contradiction au charivari romantique final, où la caméra suit les amoureux qui s’épient, se cherchent et se suivent dans un décorum tout sauf chaste. Un superbe écrin à la beauté et au charisme de Catherine Spaak, dont l’élégance s’élève au-dessus des normes de genres. 

Visible actuellement à la Cinémathèque française dans le cadre de la rétrospective consacrée à Mauro Bolognini

3 commentaires:

  1. Raah !! Bonjour Justin, j'adore ce film et j'attends depuis toujours une édition en support, toi qui es dans la confidence des Dieux du Cinéma, sais-tu s'il y aura un dvd ou autre blu prochainement ??
    Tes chroniques sont toujours passionnantes, j'ai ainsi appris que Bolognini était homo, c'est peut être un détail pour vous (la la la), mais c'est le genre de détail que j'aime connaitre car cela illumine parfois le(s) sens de certaines oeuvres cinématographiques ( "La Nuit du Chasseur" for example, avec un Charles Laughton imprégné de foi chrétienne culpabilisante).

    Catherine

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    1. Salut Catherine,

      Je n'ai pas eu d'info pour une sortie dvd ou bluray, le film passe de temps en temps au cinéma de minuit mais j'ai j'ai profité de la rétro à la Cinémathèque pour le voir sur grand écran. Les histoires d'ayant-droits doivent être compliquées avec ce genre de coprod européenne des années 60 ç aexplique que ça traîne à sortir en vidéo.

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  2. Ouais ça traine ou ça risque de ne jamais sortir à moins qu'un employé fan du film appuie pour une future édition, c'est bien dommage !!

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