Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram
L'étrange rendez-vous - Corridor of mirrors, Terence Young (1948)
Un étrange rendez-vous conduit Patricia au
musée de Mme Tussaud à Londres. Devant l'effigie de Paul Mangin, elle se
remémore sa rencontre avec cet homme. Paul, amateur passionné d'art,
voyait en Patricia la réincarnation d'une femme qu'il croyait avoir
aimée dans la Venise de la Renaissance. D'abord fascinée, puis effrayée,
Patricia l'avait quitté...
Corridors of Mirrors est le premier film
de Terence Young, qui se fera plus tard connaître en étant le
réalisateur des premiers James Bond. On peut donc être surpris de le
voir démarrer avec ce qui est un pur thriller gothique, adapté d'un
roman de Chris Massie. Patricia (Edana Romney) est une jeune femme
heureuse en mariage et mère de trois enfants. Pourtant dès la scène
d'ouverture on la devine comme hantée par de douloureux souvenirs, qui
vont s'expliquer par le voyage qu'elle va entamer à Londres pour se
rendre au musée de cire de Mme Tussaud. Dans la salle réunissant
d'illustre meurtrier, elle s'arrête devant la statue d'un homme qu'elle
connut et aima, Paul Mangin (Eric Portman). S'entame alors le flashback
de leur rencontre, passion et du drame qui la scella. Terence Young
travaille la romance tumultueuse de ses personnages avant tout par le
décorum.
Dès la première rencontre, Paul dégage une séduction et port
qui semble comme d'un autre temps. Cela se confirme quand il amène
Patricia dans sa demeure dont l'esthétique semble faire basculer le film
dans une autre époque. L'ascendant de Paul sur Patricia, et l'attirance
croissante de celle-ci, se fait au fil des cadeaux qu'il lui fait.
Chaque présent (robe ou bijou) façonne un peu plus Patricia au goût de
Paul qui lui révèle plus profondément son intimité avec différentes
pièces cachées de sa demeure qui accentue à chaque fois cette perte de
repère temporel.
Contrairement à nombre de films ou romans gothiques (Rebecca ou Jane Eyre),
le trouble ne viendra pas de l'obsession d'une figure disparue qui
hante les lieux, mais de son fantasme. Paul voit en effet en Patricia la
réincarnation d'une femme qu'il a aimée dans une vie antérieure à la
Renaissance. Il aura conçu sa demeure en cherchant à la plier au
"souvenir" de cette époque, mais également toutes ses conquêtes
féminines jusqu'à ce qu'elles ne collent plus à son fantasme. Patricia
semble enfin être à l'image de celle qui l'a tant hanté, véritable sosie
de l'immense portrait qui trône chez lui.
Le travail sur le décor est somptueux à travers les décors conçu par
Terence Verity et magnifiés par la photo d'André Thomas. On peut
s'étonner de cette veine chatoyante quand on pense au futur registre
plus musclé de Terence Young, mais il faut savoir qu'il débuta au cinéma
en tant que directeur artistique et que hors Bond et autre film
d'action, il signera nombre de romance historique et rococo par la suite
comme l'excellent Les Aventures amoureuses de Moll Flanders (1965) ou Mayerling (1968). Il s'en donne donc à cœur joie ici avec quelques séquences à la
grandiloquence somptueuse que ce soit l'arrivée dans le vestibule de la
demeure de Paul, la découverte du fameux corridor de miroir qui donne
sont titre au film, ou encore la conclusion qui accentue la perte de
repère avec une somptueuse fête costumée reconstituant la Renaissance.
L'alchimie du couple est plus inégale et il manque dans l'interprétation
le souffle romanesque que dégagent les images, même si le film est
plutôt audacieux dans ses ellipses sexuelles. Eric Portman est un peu
raide et manque de mystère en châtelain obsessionnel, et Edana Romney,
malgré une beauté "rétro" et un visage anguleux se prêtant bien à cette
association de son à la Renaissance, manque de passion (plus à l'aise dans le côté narcissique que romantique et vulnérable) et de prestance pour nous emporter totalement. Le drame qui
se joue en fil rouge, le poids des regrets et la révélation finale
n'émeuvent donc pas autant qu'ils auraient pu, malgré une nouvelle fois
un final magnifiquement gothique et psychanalytique dans les allées
inquiétante du musée Tussaud. Très beau livre d'image en tout cas et
beau début pour Terence Young.
Sorti en dvd zone 2 français chez Gaumont ou en dvd zone 2 anglais copie restaurée mais sans sous-titres chez Cohen Film
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