Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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mercredi 22 septembre 2021

Les Amours d'une blonde - Lásky jedné plavovlásky, Milos Forman (1965)

Dans la fabrique de chaussures où travaille Andula, la population féminine est en surnombre, ce qui n'aide pas la jeune fille dans sa quête amoureuse... Jusqu'à ce que le responsable culturel trouve une solution et fasse implanter un cantonnement militaire à proximité pour animer les bals. Et si ce sont tous des réservistes quadragénaires, Andula a la chance de rencontrer le pianiste de l'orchestre...

La Nouvelle vague tchèque naît en partie de la politique du dégel du régime soviétique dont l’étau se desserre avec l’arrivée au pouvoir de Khrouchtchev. Cela contribue à l’épanouissement des arts avec en Tchécoslovaquie les premiers romans de Milan Kundera et donc au cinéma la Nouvelle vague tchèque. Celle-ci s’inscrit dans un courant mondial initié par son équivalent français (et contemporain du Free Cinema anglais, Nouvelle vague japonaise…) et poursuit les mêmes idéaux sociaux célébrant une jeunesse s’affranchissant des aînés, ainsi que les révolutions formelles recherchant un plus grand réalisme. On trouve de cela dans les premières œuvres de Milos Forman libérée du carcan idéologique communiste, qui filme une jeunesse épanouie (l’irruption des concerts et bal rock’n’roll) et rebelle dans le moyen-métrage L’Audition (1963) ou le long L’As de Pique (1963). 

Les Amours d’une blonde se situe dans ce courant mais porte déjà en germe le désenchantement qui mènera au difficile retour sur terre qui mettra fin au Printemps de Prague. Nous suivons Andula (Hana Brejchová), une jeune femme travaillant dans une fabrique de chaussure dans la petite ville provinciale de Zruc. Son quotidien se partage donc entre les journées de travail et les maigres loisirs que constituent les bals où elle fera diverses rencontres masculines. Contrairement à l’évasion que constituaient ces moments dans les précédents films, c’est ici l’ennui morne qui domine et l’on s’amuse de jeux de séduction pathétiques et de silences gênés entre Andula, ses amies et les prétendants. Parmi eux des soldats de passages lourdement insistants mais aussi Milda (Vladimír Pucholt) un séduisant jeune pianiste. 

La volonté d’échapper à ce quotidien terne place Andula sous le joug d’hommes entre le machisme et la muflerie ordinaire, dont tous les efforts de séduction ont pour but de l’attirer dans leur lit. Andula après moults hésitation cède au plus jeune et attirant Milda mais tout dans la mise en scène de Forman (ce magnifique plan sur son dos et corps nu) consiste à en faire dans ces scènes d’amour une victime (bien que le rapport soit consentant) qui s’offre par quête d’affection plus que par désir. Forcément cette nuit d’amour doit dans son idéal mener vers une romance qui lui fera quitter cette existence terne. 

C’est tout le sens de ce plan d’ensemble emblématique la voyant faire du stop la valise à la main pour rejoindre son aimé à Prague. Le simili conte de fée s’arrête pourtant là (initié par le jugement moral régnant au sein des dortoirs de jeunes filles où les comportements « scandaleux » sont pointés du doigt) avec l’accueil glacial et inquisiteur qui l’attends à Prague. Le brio de Forman est d’inscrire ce retour sur terre d’une manière triviale où la drôlerie se dispute au pathétique. Les parents de Milda joués par des acteurs non-professionnels donnent un grand numéro de bougonnerie et d’indignation qui prête à rire d’un côté, tout en rendant la situation de notre héroïne intenable. 

Dès lors les amourettes et loisirs ne constituent que des chemins de traverses qui nous ramènent inéluctablement à notre point de départ. L’intrigue forme ainsi une boucle en démarrant et se concluant dans les dortoirs des travailleuses, les péripéties n’ayant été qu’une illusion et par extension le Printemps de Prague, cette ouverture et ce dégel. Les Amours d’une blonde se trouve à mi-chemin d’un constant qui sera effectif dans Au feu, les pompiers ! (1967) réalisé peu avant l’invasion des chars russes en 1968. 

Sorti en bluray français chez Carlotta

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