San Francisco, années 70. Un inconnu pénètre dans un bus nocturne et en mitraille les passagers. Bilan : huit morts, dont un inspecteur de police. Son ami et partenaire, le cynique Jake Martin, mène l'enquête selon des méthodes très personnelles, secondé par une jeune recrue, l'arrogant Leo Larsen. L'œuvre d'un fou, d'un serial killer ? Plutôt que de suivre la piste officielle, Martin obéit à son instinct, convaincu que le carnage trouve son origine dans une vieille affaire...
Le Flic ricanant est un petit classique méconnu du polar américain des années 70. La source est plutôt originale puisqu’il est adapté d’une série de romans suédois écrit par Maj Sjöwall et Per Wahlöö. Ces derniers formaient un couple d’écrivains engagés se servant du prisme du polar pour dénoncer les maux du capitalisme dans la société suédoise. Leur formation de journaliste ayant tâtés du terrain empêchait les écrits de virer au simple livre à thèse et les dix romans sont baignés d’une forme de comédie humaine et d’authenticité dans les situations et personnages. Rapidement traduites en anglais, la série remporte un énorme succès à travers le monde et fait montre d’une grande influence sur la littérature policière contemporaine.
Le Flic ricanant est le quatrième roman de la série, publié en 1968. La transposition aux Etats-Unis passe plutôt bien et le choix de Walter Matthau pour incarner le bougon Martin Beck (rebaptisé Jake Martin pour cette version américaine) est bien vu. La force du propos social dans les romans venait du fait de faire passer les idées par les personnages comme dit plus haut. Dès lors passé l’immense choc de la violence de la scène d’ouverture, le film adopte un ton nonchalant où nous traverserons une suite de tableaux urbains désabusés. Rien ne semble ce qu’il paraître être et tout un chacun dissimule un envers plus secret et torturé. Cela s’annonce dès que Jake a la stupeur de voir son partenaire parmi les victimes du massacre du bus et s’interroge sur sa présence en ces lieux alors qu’il était en congé. La « biographie » de chacun des cadavres lors de l’autopsie laisse également entrevoir chez plusieurs de ces quidams rentrant tranquillement chez eux quelques éléments plus troubles et autant d’indices plus ou moins pertinents. Comme dans les livres l’entourage et surtout les collègues du héros occupent une place importante. On ressent ainsi le poids de l’expérience commune passée dans la caractérisation des personnages (la relation entre Jake et son supérieur joué par Anthony Zerbe) en quelques échanges, ainsi que la manière dont chacun trouve sa place sur le terrain. Cela fonctionne grâce à l’atmosphère instauré par Stuart Rosenberg, sans qu’une tentative de psychologisation appuyée ou de dialogue trop explicatif essaie d’exprimer la chose. Il en va de même pour les relations familiales et le foyer que Jake traverse comme un fantôme, obnubilé par son affaire et échangeant quelques mots à la volée avec sa femme et ses enfants – terminant sa journée quand ils commencent la leur. Cette routine volontaire installée dans l’enquête est cependant malmenée par le facétieux coéquipier joué par Bruce Dern. Nouveau venu à la Criminelle, il ne s’inscrit pas dans cette mécanique (trop) bien huilée, ayant toujours le petit mot de trop, l’attitude décalée qui le sort du lot. C’est pourtant cette singularité qui en fait un allié pour Jake, puisque pas encore assez formaté pour accepter de suivre ses instincts et prendre des risques.Tout ces atouts font que l’on est parfaitement mené en bateau alors que l’enquête tâtonne et qu’il ne se passe concrètement pas grand-chose. C’est un pur polar d’atmosphère (nous faisant traverser tous les microcosmes sociaux et sexuels de la ville) et de personnages, mais qui sait retrouver de la vigueur avec vingt dernières minutes haletantes qui forment une boucle avec la traumatisante entrée en matière. Une petite leçon de suspense au cordeau que l’on ne voit pas venir et qui conclut le film sur saisissante issue.Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez ESC
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