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lundi 6 septembre 2021

La Dame et le Toréador - Bullfighter and the Lady, Budd Boetticher (1951)


 Chuck Regan, jeune producteur américain de film, voyage à Mexico où il se met à la tauromachie pour impressionner une beauté locale, Anita de la Vega. Manolo Estrada, un matador vieillissant, accepte à contre-cœur d'enseigner à l'impertinent et égocentrique Regan.

Installé à Hollywood depuis la fin des années 30, Budd Boetticher y gravit lentement les échelons jusqu’à obtenir la possibilité de passer à la réalisation en 1944 au sein du studio Columbia. Il végète plusieurs années en signant des séries B à petits budgets dans le film noir, le western ou le film d’aventure. Il rêve de réaliser une oeuvre plus personnelle, inspiré de sa jeunesse tumultueuse où, lors d’un voyage au Mexique, il fut émerveillé par le spectacle d’une corrida au point d’entamer une brève carrière de torero. Boetticher en parle à son ami Andrew McLaglen, réalisateur et fils de l’acteur Victor McLaglen qui fait remonter le script à John Wayne. Ce dernier emballé décide de produire le film et Budd Boetticher est lancé pour son premier projet d’envergure. 

La fascination pour le spectacle de la corrida pousse Chuck Regan (Robert Stack), américain de passage au Mexique, à prendre contact avec le toréador Manolo Estrada (Gilbert Roland) avec lequel il va se lier d’amitié. Etonné par la fougue du jeune homme, il commence à lui enseigner les premiers rudiments du métier. Quelque chose est cependant biaisé dans l’attrait de Chuck pour la discipline. Lors du premier numéro auquel il assiste, Chuck est autant frappé par la danse de la mort qui se déroule dans l’arène que des réactions d’un public extatique. Gonfler son égo et susciter l’admiration pour ses performances semble être la principale motivation du néanmoins talentueux Chuck, notamment dans le but de s’attirer les faveurs de la belle Anita de la Vega (Joy Page). En adoptant le regard de ce « gringo » américain, Budd Boetticher se montre didactique pour le spectateur qui découvre tous les rudiments de la tauromachie. C’est le cas entre autres pour capturer l’impalpable mélange de témérité, d’égo et de quête d’adrénaline qui habite ces toréadors risque-tout. Un échange avec un expert révèle ainsi l’insaisissable motivation des toréadors les plus chevronnés, près à défier la mort au-delà des notions de célébrités ou d’argent que certains ont déjà atteint sans pour autant abandonner le costume. 

L’un des premiers jobs de Budd Boetticher à Hollywood fut d’être conseiller sur le film Arènes Sanglantes de Rouben Mamoulian (1941), formant notamment Tyrone Power pour ses séquences de tauromachie à l’écran. Le réalisateur a donc déjà en tête quelques idées fortes afin de se montrer le plus réaliste possible, mettre en valeur et rendre palpitant la corrida. Il y a une vraie notion documentaire dans la répétitivité des scènes d’entraînements, le filmage des gestuelles et postures adéquates. Par un savant travail sur un montage heurté et fluide, le mélange avec des séquences de véritables corridas et une tension psychologique palpable, Boetticher rend chacune de ces séquences incroyablement haletantes. Le moindre relâchement se paie par un contact rugueux avec le bovin massif et menaçant, où ses cornes acérées menacent de vous empaler à chaque instant. 

Distrait par ses amours tumultueuses et sa soif de lumière, Chuck va en faire cruellement l’expérience. Robert Stack livre une belle prestation, mélange d’innocence et de narcissisme qui captive de bout en bout. Gilbert Roland en mentor est tout aussi charismatique (incroyable scène où il rabat le caquet de spectateurs avinés en domptant un taureau de la main gauche) et on sera d’ailleurs gré à Boetticher d’avoir eu recours à un casting totalement hispanique, et qui s’exprime dans sa langue (sans la facilité du tout anglais du Hollywood de l’époque). La confusion de Chuck, les incompréhensions et les détails qui lui échappent n’en sont que plus crédibles. Pourquoi et pour qui toréer, dans quel but ? Notre héros n’aura la réponse à cette question que dans une dernière scène magistrale. Il ne peut plus guetter les hourras d’un public désormais hostile, il est seul avec lui-même dans cette arène pour honorer la mémoire d’un ami et son montrer digne de ses enseignements. Il va alors véritablement danser avec la bête jusqu’à l’épuiser et mériter de l’achever. 

Budd Boetticher va malheureusement subir quelques déconvenues à l’issue du tournage. Conseillé par John Ford lui suggérant de rendre le film plus commercial, John Wayne use de son autorité de producteur pour effectuer de larges coupes qui réduisent le film à 87 minutes, délestés des scènes les plus personnelles de Boetticher. Depuis, un montage complet de 124 minutes est désormais disponible en dvd et le film vaudra néanmoins une certaine avancée de carrière au réalisateur qui recevra l’Oscar de la meilleure histoire originale. Il aura par ailleurs l’occasion de se réconcilier plus tard avec John Wayne qui produira le légendaire Sept hommes à abattre (1956), un de ses plus grands films. 

Sorti en bluray et dvd zone 1 chez Olive Films sans sous-titres

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