Daisuké, riche et indolent, fils de bonne famille, a déjà atteint la trentaine et persiste à demeurer célibataire, à n'exercer aucun métier ; son univers est intérieur, fait de rêve, d'esthétisme, de pensée pure. Jusqu'au jour où l'amour le frappe au coeur : il découvre qu'il aime Michiyo, l'épouse de son meilleur ami.
The Family Game (1983) avait révélé le talent du réalisateur Yoshimitsu Morita avec une comédie noire brillante fustigeant la cellule familiale japonaise moderne. And Then creuse le même sillon mais l'ironie de son prédécesseur laisse place à un drame feutré captivant. Dans The Family Game, le héros adolescent était bousculé dans son indolence à la fois par les exigences de sa famille et par un élément perturbateur extérieur qui lui faisait comprendre la nature vaine de cette course à la réussite dans la société japonaise matérialiste des 80's. L'intrigue de And Then se déplace au début du XIXe siècle mais également à une ère d'expansion politique et économique du Japon. Nous avons cette fois un protagoniste adulte, le trentenaire Daisuke (Yūsaku Matsuda), fils de bonne famille qui lui aussi déçoit les attentes sociales de son entourage. Sans métier, célibataire repoussant tous les bons partis, il se laisse vivre et préfère se plonger dans les plaisirs culturels divers, en dehors du monde et de ses obligations. Les retrouvailles avec son ami Hiraoka (Kaoru Kobayashi) vont pourtant lui rappeler les raisons de ce détachement. Daisuke a toujours été amoureux de Michiyo (Miwako Fujitani), épouse d'Hiraoka qui s'est déclaré avant lui et l'obligeant à se mettre en retrait.
Les retrouvailles des deux amis sont l'occasion de constater leurs différences. L'indifférence de Daisuke l'amène à mener une vie monotone qui lui convient quand Hiraoka justement dans cette course à la réussite sociale a connu de nombreuses déconvenues qui le mettent en difficultés financière. L'absence d'ambition amène l'un à se perdre dans une existence sans but, les rêves de grandeur de l'autre le mène à l'impasse et menace son couple. Michiyo est en effet la grande perdante de la situation, malheureuse avec un Hiraoka complexé qui la délaisse, et partageant les sentiments de Daisuke qui n'a jamais osé franchir le pas. Les femmes sont ici les jouets des décisions des hommes, y compris devant le recul de Daisuke quand il s'écartera du mariage de convenance que sa famille le pousse à faire avec la fille d'un ami nanti. Yoshimitsu Morita adopte dans sa mise en scène le caractère rêveur et dans l'attente de son héros, multipliant les longs plans fixes où dans les déambulations extérieures on sent son esprit divaguer. La dimension abstraite et stylisée des décors laisse supposer sa présence physique mais son absence mentale, tandis que les scènes de dialogues instaurent de longs silences où un geste, un regard, laissent espérer une réaction, une affirmation de Daisuke qui n'arrivera jamais.Le récit nous plonge ainsi dans une langueur aussi fascinante qu'agaçante et qui n'est pas sans rappeler les sentiments qui peuvent nous traverser à la lecture d'un roman d'Henry James. Le film est d'ailleurs adapté du roman Et puis de Natsume Sōseki (paru en 1909) et l'auteur, diplômé au département d'anglais de l'université de Tokyo était bilingue et spécialiste de la littérature anglaise sur laquelle il publia plusieurs articles notamment Laurence Sterne ou Tristram Shandy. Il enseigna la également littérature anglaise et vécu à Londres de 1900 à 1903 Du coup on peut soupçonner l'influence d'un Henry James dans cette description d'un microcosme aux codes contraignants, à la façon dont ils brisent les personnalités ne s'y inscrivant pas et la manière de scruter un caractère introverti. Tout cela se ressent en tout cas dans le film à la fausse froideur dissimulant une profonde sensibilité. Les manifestations des sentiments n'en deviennent que plus fortes comme cette magnifique scène où les déclarations mutuelles de Daisuke et Michiyo se font tout en retenue, chacun se reprochant la punition son triste sort par le manque de courage au moment où tout était encore possible. Les personnages semblent ainsi tous des morts en sursis, poursuivant dans une rêverie récurrente (la scène de flashback sous la pluie et son entêtant leitmotiv musical de Shigeru Umebayashi est hypnotique dans ses redites) où une réalité vouée à l'échec un espoir vain d'accomplissement matériel ou sentimental. La photo cotonneuse de Yonezô Maeda capture parfaitement cet entre-deux fataliste d'attente déçue et de futur résigné. Le trio d'acteur est excellent pour porter ces thèmes dans un registre de retenue complexe, notamment Yūsaku Matsuda aux antipodes de son rôle de professeur manipulateur et exubérant de The Family Game. Une belle réussite (qui passé par la Quinzaine des réalisateurs cannoise en 1986) qui donne envie de voir d'autres œuvres de Morita, cinéaste injustement méconnu en occident semble-t-il.Sorti en bluray et dvd japonais
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire