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lundi 6 décembre 2021

La Femme déshonorée - Dishonored Lady, Robert Stevenson (1947)


 Directrice de presse, Madeleine Damien fait une tentative de suicide. Le docteur Caleb la prend en charge et la convainc de changer de vie. Elle emménage alors à Greenwich Village et se met à la peinture. Elle rencontre David, un scientifique, qui va lui redonner peu à peu goût à la vie. Un soir, elle retrouve Félix, un ancien amant.

La Femme déshonorée est une œuvre s’offrant comme une sorte d’autoportrait de sa star féminine, Hedy Lamarr. Pour le spectateur contemporain, l’aura sulfureuse du personnage de Madeleine Damien (Hedy Lamarr) et le regard moralisateur de son entourage sur elle pourrait apparaître désuet. Madeleine n’a comme tort que de multiplier les conquêtes masculines sans lendemain tout en ayant une position de femme de pouvoir et indépendante. Ce sont des reproches que l’on ne ferait pas à un homme du même statut, et c’est ce regard moralisateur qui causera du tort et culpabilisera l’héroïne plus tard. Cependant le scénario (adapté d’une pièce de 1930 de Edward Sheldon et Margaret Ayer Barnes) n’en fait pas une femme faible subissant le désir des hommes. Une fêlure plus lointaine et insaisissable la fait passer d’une liaison à une autre, à céder à l’intimité de l’instant sans qu’un vrai désir ni amour ne se ressente dans ces rapprochements. 

On peut soupçonner la proximité avec elle-même entrevue par Hedy Lamarr lorsqu’elle décidera de produire le film. Sa beauté envoutante entretient dès ses premiers rôles muets européens une dimension provocante à l’écran, notamment dans le film tchécoslovaque Extase de Gustav Machatý (1933) où elle provoquera le scandale en simulant l’orgasme à l'écran. Ce rôle où elle joue déjà une séductrice préfigure sa persona filmique au sein du cinéma hollywoodien (avec en point d'orgue Samson et Dalila de Cecil B. DeMille (1949) qu’elle intégrera à la fin des années 30 en signant à la MGM. A la ville cette réputation s’amorce également dès ses premiers pas européens où les rôles se gagneront par l’attrait qu’elle exerce sur les réalisateurs, le pouvoir de certains protecteurs qui mettront sa carrière sur les rails parfois sur fond de liaison. 

Pour Hedy Lamarr son image et sa beauté constituent un élément primordial de son succès, un facette assumée à travers ses frasques (six mariages et de multiples amants fasant les choux gras de la presse à scandale) mais peut-être aussi douloureuse au vu du peu d’estime que cela suscite pour cette femme dont les aptitudes allaient bien plus loin que sa plastique – un documentaire récent Hedy Lamarr : From Extase to Wifi (2017) soulignait son apport méconnu à la création d’un système de communication ancêtre du wifi. On sait par exemple que Louis B. Mayer, patron de la MGM un peu honteux de cette star lucrative mais sulfureuse, évitait de la saluer quand il la croisait en public.

Le personnage de Madeleine endosse ainsi les contradictions de son interprète, à la recherche d’un sens de la vie plus profond et authentique tout en entretenant une part plus superficielle en quête du regard des autres. Après le passage du scénario au Hays Office ce dernier est grandement expurgé du stupre de la pièce, que ce soit l’enfance de Madeleine (on évoque tout juste son père peintre et séducteur dépressif à ses heures), les liaisons bien plus nombreuses et les situations plus équivoques. Néanmoins le jeu d’Hedy Lamarr, son regard perdu et cette gestuelle où se dispute le recul et l’attrait face aux avances d’un homme dessinent ainsi toutes les attentes opposées de son personnage. Consciente de la vacuité dans laquelle elle vit, Madeleine quitte les tentations de son environnement social et professionnel pour retrouver un anonymat qui lui permettra de se retrouver. Ce sera pourtant pour se façonner une autre image qui n’est pas totalement elle-même face au nouvel homme de sa vie, un jeune docteur qui l’idéalise. Si elle n’est pas la Jézabel que son ancien entourage observait d’elle, ce n’est pas non plus la jeune femme candide qu’imagine son nouveau fiancé (Dennis O'Keefe). Lorsqu’un drame oppose ses deux images et l’expose à tous, ce sera le moment pour Madeleine d’accepter toutes les facettes de sa personnalité. 

Le film est bien plus intéressant tant qu’il en reste au portrait de femme et laisse libre cours à la sensibilité d’Hedy Lamarr. La dernière partie plus judiciaire et policière est un peu plus convenue, tandis que l’encombrant personnage de psychiatre (Morris Carnovsky) a un peu trop tendance à expliciter verbalement des éléments que les situations, le jeu d’Hedy Lamarr et la mise en scène sobre de Robert Stevenson parviennent à exprimer sans ces constants surlignages. La Femme déshonorée n’en demeure pas moins une œuvre très intéressante proposant un regard parvenant à équilibrer une continuité et une certaine singularité de ce que l’on sait de la star Hedy Lamarr. 

Sorti en dvd zone 2 français chez Artus Films

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