I Start Counting s'inscrit dans un certain courant de thrillers anglais étrange de la fin des années 60 et du début des seventies. Il s'agit de l'adaptation du roman éponyme (et publié en France sous le titre Compte à rebours et Grand Prix de Littérature Policière en 1967) de Audrey Erskine Lindop publié en 1966. Cette dernière avant de rencontrer le succès en tant que romancière gravita dans le monde du cinéma en tant que scénariste, notamment au sein du studio Gainsborough où elle adapta nombre de mélodrame gothique troubles et flamboyants si emblématiques de la firme. Un de ses travaux les plus mémorables sera le script de Blanche Fury de Marc Allégret (1948), sommet gothique tout en ambiguïté et érotisme latent. De cette expérience elle conservera en passant au roman un goût pour les personnages féminins perturbés, une écriture très cinématographique tant dans la description d'atmosphère que par la science du dialogue. Les deux premières adaptations d'Audrey Erskine Lindop se firent avec The Singer not the song (1961) et I thank a fool (1962) mais ne firent guère sensation, sans doute à cause des contraintes de censure atténuant largement la provocation des romans.I Start Counting marquera donc enfin une réussite dans ce registre. David Greene connaîtra surtout la renommée pour son travail à la télévision américaine (où il réalise deux feuilletons culte, Le Riche et le pauvre (1976) ainsi que Racines (1977)) mais avant cela fit réalisera quelques long-métrages cinéma en Angleterre. Sa mise en scène ainsi que le scénario de Richard Harris exploitant habilement les qualités du livre sont pour beaucoup dans le brio du film. L'histoire se présente au départ comme une variation anglaise de L'Ombre d'un doute de Alfred Hitchcock (1943). Wynne (Jenny Agutter) est une adolescente de quinze ans secrètement amoureuse de son frère adoptif George (Bryan Marshall). Alors qu'un serial-killer semble sévir dans la ville et assassinant des jeunes filles, différents indices et comportements étranges de George semble laisser croire à Wynne qu'il soit le coupable. Dès lors on se croit parti sur les rails d'un thriller glaçant mais le récit prend des détours bien plus surprenant. La narration endosse pleinement le point de vue de Wynne, nous faisant partager sa perception, ses rêves, cauchemars, fantasmes et tout un ensemble d'émotion associées à ce qui est un récit d'apprentissage.La mise en scène de David Greene capture la féminité et charme naissant de Wynne tout en la maintenant dans une certaine mentalité enfantine. La scène d'ouverture nous la présentant au réveil s'attarde sur des détails rattachés à l'enfance dans sa chambre (une peluche, un réveil à l'effigie de Popeye)), quand la scène où elle s'habille s'arrête davantage sur les éléments soulignant sa féminité comme son soutien-gorge, mais dans le même tant l'entrain à enfiler ses vêtements sans coquetterie ramène aussi à l'enfance. C'est toute la dualité de l'héroïne que personnifie parfaitement Jenny Agutter, visage mutin et grands yeux candide tandis que son corps dégage déjà une certaine sensualité, que ce soit dans son uniforme scolaire ou les tenues de ville emblématique de l'adolescente sixties avec mini-jupe particulièrement courte.La découverte de la possible nature criminelle de son frère adoptif, plutôt que de l'effrayer, enflamme au contraire ses fantasmes juvéniles. David Greene orchestre des scènes oniriques (renforcée par la bande-son psyché de Basil Kirchin) où la pulsion de mort s'entremêle à celle du désir dans des tableaux morbides et sensuel traduisant toute l'ambiguïté des sentiments de Wynne, mais aussi de la société changeante d'alors. Il y a quelques moments satiriques fustigeant l'école catholique où elle évolue, tout en prévention par la peur des choses du sexe face à de jeunes élèves qui en savent déjà long sur le sujet. Wynne est ainsi partagé par ce désir et ses envies de provocations, la culpabilité la voyant avoir des sursauts de piété qui l'amène à se confesser (l'attrait "incestueux" de son amour n'aidant pas à son équilibre) ou au contraire défier l'autorité et jouer avec les règles qui s'imposent à son jeune âge. L'aspect coming of Age prévaut donc mais David Greene parvient constamment à le mêler au sous-texte de thriller. Ainsi la plupart des crimes ont lieu autour de l'ancienne maison d'enfance de la famille de Wynne qui vit désormais dans une barre d'immeuble type HLM. Wynne ne cesse de se rendre dans cette ancienne maison, à la fois par goût du danger et par la nostalgie de la petite enfance heureuse vécue en ces lieux. Ce décor représente donc autant son désir que son refus de grandir, ce que la mise en scène exprime parfaitement en en faisant un cocon bienveillant dont surgissent des flashbacks lumineux ou alors un lieu très inquiétant la nuit venue. Il y a une quasi-dimension de conte à la Hansel et Gretel dans la manière de montrer les différentes "couches" de la maison, l'environnement changeant et cauchemardesque des bois alentours la nuit venue - superbe photo de Alex Thompson annonçant ses travaux sur Excalibur (1981) ou Legend (1985). Enfin, la relation entre Wynne et ce frère aîné est particulièrement réussie, avec une grande ambiguïté soulignant largement plus l'émoi de l'héroïne que l'attrait de George. Qu'il se promène négligemment torse nu, lui lance une œillade complice ou ait un geste tendre envers elle, tout est prétexte à stimuler les sens de Wynne. Bryan Marshall excelle à exprimer ce sex-appeal inconscient et si perturbant pour l'adolescente.On est ainsi dans la tranche de vie parsemée de moments étranges, mais les rails du thriller viennent nous rattraper de manière surprenante tant dans la résolution que de la tournure de l'intrigue dans la dernière partie qui achève de faire de I Start counting un objet assez unique. C'est le premier grand rôle d'une jeune Jenny Agutter amenée à briller dans d'autres œuvres ambitieuses durant les années suivantes comme The Railway Children de Lionel Jeffries (1970) ou Walkabout de Nicolas Roeg (1971).
Sorti en bluray anglais chez Bfi et doté de sous-titres anglais
Bonjour , The singer not the song et I thank a fool ne sont aucunement des productions Télé
RépondreSupprimerLe 1er est un film de RW Baker avec Dirk Bogarde , John Mills et Mylène Demongeot , le second de Daniel Petrie avec Susan Hayward
Bonjour, merci de la précision je corrige dans le texte !
SupprimerAvec plaisir !
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