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mardi 25 juin 2024

Angel - Neil Jordan (1982)


 Irlande du Nord, Danny est saxophoniste dans un groupe. Il est témoin du meurtre du manager du groupe. Il va alors devenir lui aussi un meurtrier en voulant abattre tous les protagonistes de ce meurtre crapuleux dont il a été le témoin.

Angel est le premier film de Neil Jordan, réalisé dans son Irlande natale. Après des débuts en tant que scénariste au sein de la télévision irlandaise durant les années 70, la carrière de Jordan s’accélère avec la rencontre de John Boorman. Ce dernier l’engage en tant « créatif associé » sur Excalibur (1981) et lui permet également de filmer le making-of du film. L’année suivante, Neil Jordan est le premier bénéficiaire de l’Irish Film Board, instance où siège John Boorman, pour réaliser Angel alors qu’il n’a pas d’expérience. Ce supposé favoritisme va provoquer un petit scandale local qui provoquera la démission de Boorman (également producteur exécutif sur le film de Jordan) des différentes institutions cinématographiques irlandaises où il officiait, tandis que Jordan poursuivra sa carrière à l’étranger avant de revenir pour The Crying Game (1993).

Dans ses films se déroulant justement en Irlande, Neil Jordan se plaira à croiser le contexte socio-politique (The Crying Game, Michael Collins (1996)) à une dimension plus étrange explorant le folklore et les maux du pays (The Butcher Boy (1997), Ondine (2009)) dans une veine intimiste et romanesque. Tout cela est déjà en germe dans Angel, récit étrange où plane l’ombre du conflit nord-irlandais sans en être le sujet spécifique. Danny (Stephen Rea) est un saxophoniste insouciant officiant au sein d’un groupe local, jusqu’à ce qu’un drame violent vienne tout bouleverser. Il va en effet être le témoin du meurtre de son manager par un groupe d’hommes armés, avec en victime collatérale une jeune femme une jeune femme avec qui il flirtait alentour qui va être froidement abattue.

Dès lors c’est la descente aux enfers pour Danny que l’évènement va plonger dans une névrose profonde. Jordan nous plonge dans ce qui semble entrecroiser la psyché torturée du héros, les spectres des clivages irlandais et un onirisme plus insaisissable. Les hasards et indices permettant, d’après ses vagues souvenirs, à Danny de remonter la piste des meurtriers fonctionnent selon une logique de rêve ou plutôt de cauchemar. La violence latente du climat d’Irlande du nord semble baigner l’atmosphère à un point tel qu’il ne s’agit pas de mener un semblant d’enquête, mais de simplement remonter le fil de la pelote d’un mal ambiant et systémique pour retrouver des criminels. On comprendra que les meurtres ont été commis par des loyalistes dans un but d’extorsion, et les environnements urbains les plus banales prennent un tour plus inquiétant dès lors que se révèlent des militaires armés dans un coin du cadre, au détour d’une rue.

Cette atmosphère déteint sur Danny, ramené de sa décontraction initiale à de bas-instincts tristement enracinés en lui. Neil Jordan ne célèbre absolument pas la vengeance et la loi du talion, mais expose la manière dont une culture et un cadre spécifiques les avivent en nous. Cela passera notamment par l’entremise de son saxophone pour Danny. Symbole de sa joie de vivre, de sa fibre artistique, l’instrument est une extension de son être dans ce qu’il a de plus lumineux comme le montreront toutes les premières scènes de concert. Lorsqu’il basculera dans la violence, l’étui de saxophone servira désormais à abriter la mitrailleuse que Danny a volé à sa première victime. 

Dès lors tout le film apparaît comme un espace mental de plus en plus abstrait où les meurtres passent de lieu « concret » et urbain à la désolation surréaliste de paysages plus spécifiquement irlandais – une plage, un panorama de champs verdoyant – à travers la photo sinistre de Chris Menges. Stephen Rea (acteur fétiche de Neil Jordan) est formidable de détresse et d’ambiguïté, à la fois touchant et inquiétant, notamment dans la romance malsaine qu’il noue avec Deirdre (Honor Heffernan), chanteuse de son groupe.

Alors que l’on pourrait penser que cette dérive émane de la seule folie du héros, la conclusion révélant la profondeur du mal local enfonce le clou de la noirceur et du désespoir de manière cinglante. Malgré une austérité et une approche cérébrale qui peut déstabiliser, tout Neil Jordan est déjà là, annonçant même les questionnements d’une de ses œuvres mal-aimées comme A vif (2007).

Sorti en dvd zone 2 anglais sans sous-titres 

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