Ce film retrace le mythe biblique de la fuite des
hébreux, sous la conduite de Moïse, hors d'Egypte où ils étaient, selon la
Bible, retenus en servitude.
Depuis l’échec
commercial de son magnifique Legend (1985), Ridley Scott renonça
progressivement à l’exigence et à la ferveur qui en fit un réalisateur majeur
le temps d’un début de carrière alignant les classiques : Les Duellistes
(1977), Alien (1979) et Blade Runner (1982 et dont l’échec pèserait
aussi dans la balance pour la suite). Depuis, le réalisateur est devenu une
sorte de yes-man de studio se reposant sur un talent formel et une compétence
technique supérieure, capable encore de quelques coups d’éclats lorsqu’il était
un minimum impliqué (Gladiator (2000), Thelma et Louise (1991)…)
mais le plus souvent livrant des produits propre et sans aspérités quel que
soit le genre exploité (le film de gangster propret American Gangster
(2007) la relecture peu convaincante de Robin des Bois (2010). Récemment
les tentatives ratées de ranimer le passé avec Prometheus (2012) ou à
plus de profondeur avec Cartel (2013) ne furent guère plus
satisfaisantes. Tout ce parcours est résumé dans le ratage de cet Exodus.
Le film conjugue les tares précitées à savoir la redite sans la rigueur d’antan
(la relation Moïse/Ramsès n’est qu’un décalque mal écrit de celle entre Maximus
et Commode dans Gladiator) et surtout un criant manque de passion, de
ferveur et croyance en son récit. Cecil B. DeMille avait bien sûr livré une vision quasi définitive du Livre de l’Exode avec sa seconde version des Dix Commandements (1955). Profondément croyant, le réalisateur avait signé un
film imprégné de cette foi mais parvenait à une dimension mythologique et
épique en faisant un vrai grand spectacle parlant finalement à tous. Ridley
Scott par la crainte de tomber dans le prosélytisme religieux assumé de
son aîné propose à l’inverse une œuvre complètement insipide.
Le scénario a la volonté intrigante d’aborder cette histoire
sous un angle moins solennel, à hauteur d’homme. Dès lors il se refuse à toute
flamboyance, à toute velléité de puissance évocatrice. Par l’image tout d’abord
avec cette photo désaturée à l’étalonnage numérique gris/bleu de publicité
Manpower si interchangeable dans les blockbusters contemporain. L’éclat de la
civilisation égyptienne nous frappait avant de révéler sa source plus
douloureuse (l’esclavage du peuple israélites) chez DeMille, cette fois l’ambiance
ténébreuse l’annonce sans finesse. La faiblesse de caractère d'un Ramsès
naissait subtilement chez DeMille du charisme, de la fierté appuyée et de la présence
imposante de Yul Brynner quand Joel Edgerton extériorise cela grossièrement par
ses traits efféminés et une attitude maniérée ridicule (singeant le Joachin
Phoenix de Gladiator). Christian Bale
a la volonté louable de composer un Moïse plus humain et faillible mais à trop
lui faire subir les évènements il n'atteint jamais le charisme et la dimension
de guide/prophète qu'il doit tout de même devenir au final. La composition de l’acteur
est supposée offrir une sorte de contrepoint contrasté à ce Dieu vengeur de l’Ancien
Testament dont il ne soutient pas tous les prodiges souvent mortels pour ses
adversaires.
Le film ne creuse pas cette piste passionnante et se perd dans un
semblant d'interprétation réaliste possible des actions divines mais vu leurs
nature spectaculaires ce n'est pas exactement l'épisode de la Bible qui se
prêtait à une telle approche ambiguë (alors que les tentatives filmées de Jésus
Christ s’y prêtent souvent bien mieux). Du coup hormis un léger frisson durant
la mort des aînés égyptiens les sept plaies d’Egypte défilent dans des morceaux
de bravoures numériques qui laissent indifférent et on sombre même dans le
ridicule lors de la traversée de la Mer Rouge. Plutôt que d’assumer l’intervention
divine dans le cadre religieux/mythologique du récit (sachant qu’aucun des
évènements du Livre de l’Exode ne sont vérifiés historiquement) Scott fait donc
intervenir la solution « réalistes » de typhons venant écarter les
eaux à bon escient pour nos esclaves en fuite. Mêmes les quelques rares idées intéressantes
comme le buisson ardent participe à cet esquive et lâcheté face au mythologique/spirituel.
La séquence du buisson ardent évite ainsi le kitsch de la voix de stentor
divine pour une idée très discutable mais au moins Scott assume au moins un
parti pris contrairement au reste.
L’ensemble de ses choix contribue à clouer le film au sol, sans
souffle et au spectaculaire en pilotage automatique. DeMille parvenait à captiver au-delà
de sa foi car il croyait en son récit et cherchait à illustrer de la façon la
plus évocatrice possible, même dans les moments intimistes. Pour comparer Moïse
démasqué, déchu et banni donnait lieu à de sacrés moments de cinéma dans Les Dix Commandements (la plongée
écrasante sur un Moïse défait, les gongs du pharaon tonnant avec fracas son
bannissement) et ici nous aurons un dialogue en champ contre champ de
vaudeville pathétique autour d'une table.
Qu'on aime ou pas sa relecture de Noé
(2014) récente, Darren Aronofsky avait au moins une vision qu'il tenait
jusqu'au bout et s’avérait bien plus audacieux dans son questionnement sur le
Divin (voir ce génial contresens où il narrait lala Genèse dans une mise en
image Darwinienne) qu’il ne fuyait pas tout en le remettant en cause. Ridley
Scott à ne vouloir fâcher personne (un des défauts de son Kingdom of Heaven (2005) notamment plus flagrant encore dans sa
supposée meilleure version longue) n’a qu’une relecture sans éclat (même l’horrible
Prince d’Egypte (1998) de Dreamworks
est plus aventureux c’est dire) à proposer.
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