Au début du XXe siècle, la famille
Hansen quitte sa Norvège d'origine pour s'installer à San Francisco. Au
cours des années qui suivent, autour de la mère qui dirige le clan avec
très peu de moyens, la famille connaît des joies, des peines et aspire
au bonheur, comme tout nouveaux américains...
Spécialistes
du divertissement hollywoodien le plus enlevé depuis ces débuts et ce
quel que soit le registre (comédie musicale avec Sur les ailes de la danse (1936), le film d'aventures pour Gunga Din (1939) et surtout la screwball comedy sur les géniaux Mariage Incognito (1938), Plus on est de fous (1943) ou La Justice des hommes
(1942)) George Stevens verra le ton de ses films évoluer vers une
tonalité plus dramatique après son expérience de la guerre. Engagé lors
de la Seconde Guerre mondiale dans les services cinématographiques de
l'armée américaine, Stevens filmera notamment le Débarquement en
Normandie mais également les premières images des horreurs des camps de
concentration avec la libération du camp de Dachau. Marqué durablement
par l'expérience, ses films futurs n'auront plus jamais l'insouciance de
ses premiers classiques, le plus marquant étant bien sûr le très sombre
revers du rêve américain montré avec Une Place au soleil (1951).
Avant de s'attaquer à ces sujets plus sérieux (dont une adaptation du
Journal d'Anne Frank en 1959), Stevens semble avec I Remember Mama
vouloir effectuer un retour vers un passé idéalisé et heureux, loin des
horreurs auxquelles il vient d'assister. Le film est l'adaptation du
roman Mama's Bank Account de
Kathryn Forbes, en partie autobiographique puis s'inspirant de son
enfance à San Francisco auprès de ses parents émigrants norvégiens. Plus
précisément, le film transpose l'adaptation théâtrale qui fut tirée du
livre à Broadway par John Van Druten.
Cela se ressent vraiment
dans construction du film, sans vraie intrigue linéaire mais plutôt
partagée en trois actes et moments nostalgiques mettant en valeur à
chaque fois sous un nouvel angle la bonté de cette famille et plus
précisément cette mère si aimante. La force du film est de créer une
émotion sincère dans la capture de l'anodin. Les caractères de cette
famille sont dépeints dans leur environnement modeste, la rigueur et la
bienveillance de Mama (Irene Dunne méconnaissable et vieillie par le
maquillage pour incarner cette matriarche), la nature rêveuse de Katrin (Barbara Bel Geddes),
l'obstination de sa sœur Christina (Peggy McIntyre), la sagesse du père
(Philip Dorn) ou encore l'attachement aux animaux de la cadette Dagmar
(June Hedin). De simples archétypes dans la scène d'ouverture où la
famille compte ses économies pour les échéances à venir, les personnages
prennent un tour de plus en plus attachant au fil des trois actes.
Dans
le premier Mama cherchera par tous les moyens à souhaiter bonne nuit à
la petite Dagmar hospitalisée et à laquelle on lui interdit le contact
avant le lendemain de son opération. On s'amuse des stratagèmes employés
par cette mère mais le comique s'estompe vite face à son angoisse puis à
cette scène d'une infinie tendresse où elle peut entonner sa berceuse,
cette aura maternelle s'avérant universelle face aux yeux captivés des
autres enfants de la chambre d'hôpital. Tout le film fonctionne ainsi,
célébrant l'abnégation et l'amour de Mama capable de tout surmonter
toutes les difficultés. Vu à travers le regard idéalisé de l'enfant,
Mama semble pouvoir ressusciter les chats, sacrifier ses objets les plus
précieux ou contribuer de manière surprenante à la carrière d'écrivain
de sa fille. Jamais niais ni gratuitement mélodramatique le scénario st
toujours authentique dans l'émotion, porté par une Irene Dunne habitée
de bout en bout.
Parallèlement le film dessine une vision plus
nuancée et amusée de cette communauté norvégienne expatriée avec ses
personnages hauts en couleurs, les trois tantes coincées et acariâtres
mais surtout l'Oncle Chris (Oskar Homolka dans un personnage inventé
pour la pièce) dont la présence tonitruante dissimule un même souci des
autres. Là aussi ces personnages naviguent du cliché comique et de la
caricature vers quelque chose de plus authentique avec les bonheurs du
mariage pour Trina (Ellen Corby), vieille fille à l'amour tardif. Même
des acteurs secondaires du récit dégagent cette même bonté en dépit
d'actes discutables comme le locataire Jonathan Hyde (Cedric Hardwicke)
qui fera gouter aux joies de la lecture collective toute la famille.
C'est par cette même voie que se conclura l'histoire bouclant la boucle à
l'écoute d'une ultime histoire, celle de leurs propres souvenirs.
Sorti en dvd zone 1 Warner et doté de sous-titres français
Tótem (2024) de Lila Avilés
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