Nelly a épousé André, un publicitaire
auprès de qui elle mène une vie aisée mais sans aucun relief. A
l'occasion d'un bal populaire, elle rencontre Loulou, un grand gaillard
désinvolte et aux cheveux longs. Fascinée par cet inconnu qui paraît
libre, elle ne tarde pas à piquer la jalousie d'André. Nelly revoit
Loulou et devient sa maîtresse. Fou de rage, André l'expulse sans
ménagement du domicile conjugal. Mais Nelly s'en moque : elle est prête à
vivre avec Loulou.
Maurice Pialat nous conte une poignante histoire d'amour teintée de chronique sociale avec ce magnifique Loulou.
Cela semble au départ prendre une classique construction de triangle
amoureux avant de prendre des chemins plus sinueux. Nelly (Isabelle
Huppert), jeune femme issu d'un milieu aisée mène une vie ennuyeuse au
côté de son époux André (Guy Marchand). Seuls sursauts pénibles de son
quotidien terne, les violentes crises de jalousies d'André dont une de
droit qui interviendra un soir de bal où elle croise la route de Loulou
(Gérard Depardieu). Celui-ci est un marginal vivotant au gré de petites
combines et débrouilles diverses. Nelly s'amourache de ce grand gaillard
qui semble en tout point l'opposé d'André. Issu de milieu populaire,
placide et désinvolte face à son dénuement qu'il prend au jour le jour,
Loulou dégage une sérénité le démarquant en tout point de l'angoissé
André pourtant bien mieux loti par la vie. Pialat prolonge cette
différence par l'interaction des deux couples : l'incompréhension et le
conflit pour Nelly/André et un lien fusionnel et profondément charnel
avec Nelly/Loulou où sont multipliés les scènes intimistes où les
personnages sont mis à nu au propre comme au figuré.
Sans vraie
intrigue directrice, le film est une longue tranche de vie dessinant les
situations magnifiant ou montrant les limites de cette relation entre
deux êtres que tout oppose. Loulou est un être sauvage et imprévisible
pour qui le lendemain est une éternelle aventure, entre petits larcins,
apéro au bistrot entre copains et repas de famille. Nelly aime cet
inattendu mais la romance semble constamment sur la corde raide entre
séparation tumultueuses et retrouvailles fiévreuses. Gérard Depardieu
retrouve le registre "chien fou" de ses débuts mais teinté d'une
certaine douceur, presque une torpeur pour ce personnage prenant la vie
comme elle vient et se refusant à intégrer tout moule social (la scène
où le frère de Nelly lui propose de l'aider dans un plan de carrière
possible et où il ne trouve rien à lui répondre). Isabelle Huppert est
tout aussi inspirée, à la fois épanouie et pas à sa place au côté de
Loulou et ses amis et dégageant elle aussi une langueur qui rend tout
retour à son milieu impossible. Guy Marchand est le seul personnage
dégageant une vraie tension dans le laisser-aller ambiant, très touchant
ainsi rongé par le dépit amoureux.
Pialat adopte donc une forme
en adéquation avec la spontanéité de son couple, privilégiant
l'instant, l'ennui paisible ou les soubresauts du quotidien dans un
rythme lâche. Jamais ennuyeux, le film nous baigne dans cette atmosphère
réaliste et relâchée dont l'approche est la plus manifeste avec la
longue scène de repas finale où l'on devine que Pialat a longtemps
laissé tourner sa caméra pour capturer le ce moment jusqu'à ce que la
notion de jeu s'estompe dans la réaction des acteurs. De même la scène
où le lit se casse en plein coït entre Nelly et Loulou est un heureux
incident que le réalisateur aura conservé dans le film. Finalement c'est
quand s'esquisse un vrai enjeu dramatique (Nelly enceinte de Loulou)
que s'esquisse le questionnement social du film.
La situation constitue à
la fois un bonheur mais aussi une manière de rentrer dans le rang avec
les responsabilités qu’implique le fait d'être parent. Le moins prêt des
deux ne sera pas forcément celui qu'on croit le temps d'un
rebondissement traité sans pathos et avec la même distance que le reste
de l'intrigue. Quelque chose semble pourtant cassé et la conclusion
offre une issue assez ouverte à nos héros : libre, ensemble et sans
attache ou alors définitivement marginaux incapable de s'inscrire dans
la durée. La question reste entière le temps de ce beau plan final les
voyant s'éloigner enlacés et brinquebalants dans une ruelle sombre.
Sorti en dvd zone 2 français chez Gaumont
Tótem (2024) de Lila Avilés
Il y a 4 heures
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